samedi 28 avril 2012

Paradis trouvé ou paradis perdu ?

Aucun des deux. Le spectacle « Au-delà » de Koen Augustijnen parle d’un voyage. Un passage de la vie à la mort et ce passage commence par leur descente d’un monde à un autre par le biais d’une colonne de fausses fleurs, un monde pas des plus accueillant en somme. C’est aussi une introspection de cinq personnes qui nous parlent via leurs corps et leurs voix, des regrets et des manques que l’on peut avoir après sa vie. Une vie faite de souffrance, d’heureux moments, de rebondissements, de hasard et de regrets. La mort ici ressemble à un faux paradis : Un endroit spacieux et vide où les morts semblent condamnés à se répéter, à se remémorer leurs vies passées sans pouvoir réagir ou la modifier. Une vie remplie et surprenante face à une mort vide et ennuyeuse. En cela, le message est clair et efficace. C’est avec un regard lointain et passif qu’une des danseuses, en porte-parole, nous parlent de leurs vies, comme s’ils avaient abandonné l’idée du bonheur et acceptaient autant dans la mort que dans la vie remémorée après la mort, la réalité des choses. Comme s’ils avaient adopté une attitude sage et réfléchie qui leur permettrait de ne plus se faire surprendre, la mort leur apporterait une clairvoyance sur tous les malheurs et les bonheurs vécus. Comme si tout avait un sens en fin de compte. Une interprétation optimiste et peut être même rassurante pour certains. Ce spectacle est loin d’être nihiliste mais reste peu novateur sous certains aspects comme le texte sage et attendu de la porte-parole.

On voit à travers la prestation presque épileptique d’un des danseurs : la lutte et la souffrance du passage,
comme s’il n’avait pas encore accepté cette mort et continuait de se débattre. Est-ce donc  l’expression d’un espoir en un autre monde où tout ne meurt pas ? Mais comment parler de mort lorsque les esprits et les souvenirs sont toujours vivants ? La présence de danseurs de différentes origines dans cet au-delà nous rappelle que la mort est universelle et nous touche tous. Ce lieu est-il une source d’équilibre et de bien-être ou au contraire un lieu d’apparence bienfaisant qui cache un enfer où errent les morts durant l’éternité ? On peut en effet se poser la question car à plusieurs reprises  les danses collectives, répétées de manière continue par les cinq danseurs, ainsi que les courses effrénées qu’ils produisent de gauche à droite et d’avant en arrière sur le plateau soulignent leur tourment. Puis lorsqu’il s’arrête les spectateurs  perçoivent des visages inquiets et terrifiés qui les  confortent dans l’idée d’un enfermement comme s’ils étaient pris au piège. Ces corps sont condamnés à rester dans cet endroit clos et désert où seuls leurs esprits peuvent se permettre des libertés.

Le spectacle « Preparatio Mortis » de Yan Fabre où celui-ci met en scène une préparation à la mort rejoint cette problématique. Dans cette représentation les thématiques des fleurs et de l’enfermement sont centrales. Les fleurs fraiches et de toutes sortes représentent la vie et la boite en verre transparente : un cercueil autant dire la mort. La seule et unique danseuse sur le plateau se débat et contorsionne son corps tout en arrachant les fleurs avec force : la destruction de toute vie ainsi que du chagrin pour se préparer à faire la paix avec la mort et se donner à elle. Dans «  Preparatio mortis » la mort est une délivrance en comparaison de la vie douloureuse et destructrice. Le metteur  en scène d’ « Au-delà » exprime une volonté de donner une image d’un lieu où «  Ils vivent une transformation en se débarrassant des fardeaux de l’existence afin de trouver équilibre et harmonie », il me semble plutôt qu’ils sont passés d’une souffrance à une autre : souffrance des hasards que la vie réserve puis souffrance face aux regrets de la vie et de la liberté dans la mort. Je n’ai pas eu l’impression que ces personnes aient trouvé une quelconque harmonie. Ils me font plutôt penser à des êtres tourmentés et contrôlés comme des pantins dans l’attente d’un changement, d’une surprise qui n’arrive que dans la vie. Des esprits dépossédés de leurs corps qui ne cessent jamais les incantations à la vie comme les danses répétitives et collectives le suggèrent. Où est donc la nouveauté ? Le sujet ne nous est pas indifférent et invite à la réflexion mais il ne me parait pas traité de manière nouvelle et originale. Il n’y a pas de véritable évolution dans le spectacle, il ne surprend pas. La sobriété du décor apporte-t-elle l’effet escompté ? Non plus. Esthétiquement celui-ci n’inspire pas un grand intérêt. L’espace vide veut ici symboliser que seul l’âme, l’esprit est toujours présent, rien d’autre, pourtant ce message ne s’impose pas au spectateur comme le plus important. C’est plutôt celui explicité à l’oral par la porte-parole qu’il met en valeur : l’acceptation des éléments bons et mauvais composant leur existence passée. Est-ce vraiment l’idée la plus intéressante ? Celle-ci me parait plus banale et redondante. Mais alors quel message le spectacle devrait-il délivrer? Plutôt celui opposant la mort des corps à la vivacité des âmes,  la peur et le désarroi de l’homme face à la mort, qui tente de se rassurer avec la religion par exemple mais se retrouve toujours décontenancé et dépossédé de son destin, de ses actes, et même de son corps.
Julie Castelain, AS1

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