dimanche 7 avril 2019

Habits : Une ode à l’acceptation de soi



C'est une jeune femme, recouverte d'un plaid sur la tête et illuminée par la lumière d'un écran. Elle a trois rêves : celui d'être en forme, à la mode et riche. Mais cela ne se fera pas sans difficulté. Sa maison en forme d'oeuf va au fur et à mesure se craqueler jusqu'à se détruire.

Katherine Sarpi met en lumière son personnage en le rendant pathétique et attachant. On ne peut s'empêcher de compatir pour ce personnage qui semble se rapprocher de l'humain par sa faiblesse et son acharnement à la réussite. Ici, la réalisatrice semble dénoncer le mal-être entraîné par l'obsession de l'image. Dès lors, elle met en avant le superficiel qui guide notre société. Ici, la protagoniste attache plus d'importance au regard des autres qu'à son bien-être. Elle affirme d'ailleurs :« l'argent arrangera tout ».
Par ailleurs, le style de la réalisatrice est intéressant, déstabilisant et original. En effet, ces traits rapides et nombreux donnent de la matière et insistent sur le foisonnement d'objets faisant ressortir un sentiment d'enfermement. Les dessins ne sont pas détaillés et ce sont principalement les nuances du noir au blanc, passant par le gris qui créent l’environnement dans lequel Peg évolue. Elle insiste sur une esthétique qui est loin d'être satisfaisante pour le spectateur, il y a beaucoup de blanc, donnant presque l'impression que le dessin n'est pas fini, les aplats ne sont pas lisses comme on le remarque en 2'6.
La manière dont la dessinatrice représente le personnage atteste d'un côté engagé voir féministe. En effet, entre un tas de vêtement et des chaussures en vrac, l'image de la femme est remodelée. Notre personnage tombe. Elle galère, elle persévère mais n'y arrive pas. En une image, que l'on retrouve a 2'28, nous voyons la situation tragique de la jeune femme gisant au sol dont le burlesque est accentué par le bruitage. Mais elle n'est pas représentée comme dans le cinéma classique hollywoodien qui a encore une grande influence dans le cinéma commercial contemporain notamment. La réalisatrice préfère le parodier. On voit la jeune femme s'écraser comme une crêpe, gisant sur le sol laissant dépasser ses bourrelets, elle porte une large culotte dont l'élastique fait ressortir son ventre et ses seins vont dans tout les sens quand elle court au ralentit.
Tout en nous racontant cette histoire attachante et grotesque, Sarpi nous fait apparaître des plans originaux comme celui du personnage, qui, d'un regard subjectif observe son corps après que l'homme lui ai fait remarquer qu'elle ne ressemble à rien (1'37). Dès lors, elle nous fait remarquer que le dessin n'est pas seulement une image fixe mais peut créer un récit mobile. Pour cela, elle utilise un langage cinématographique. On peut le voir avec la profondeur de champs qui laisse parfois apparaître un léger flou, la musique extradiégétique, cet envie de vouloir représenter la vitesse et la voix-off.
Enfin, il est pour moi, important de parler de la séquence finale dont le chaos est personnifié par la profusion d'objets. Un travelling haut-bas suivit d’un plan américain nous montre cette masse dominante à moitié nue laissant apparaître un sentiment de sérénité certain. Le plan arrêté sur celle-ci regardant sa feuille entraîne une certaine tension. La liberté prend finalement sens lorsque celle-ci décide de renaître et lâche prise, laissant ainsi apparaître une véritable force à côté de sa maladresse attachante.

Au final, Habits est un huit-clôt émouvant de part sa dimension lyrique et pathétique. Il semble mettre un point d'honneur à la difficulté de changer nos habitudes et raconte l'histoire d'une jeune fille belle et brave, mené par l'envie de changer. Seulement, elle n'arrive pas au bout de son rêve, dont le cœur est aveuglé par l'envie de plaire. C'est finalement par un commencement que le film se conclut : l'éclosion de son œuf. C'est pour ma part, une manière ingénieuse de terminer cette oeuvre qui montre la perte comme un renouveau.


Pauline Lailvaux, AS1

Je suis un combat de Tokou


Ce film traite bien évidemment du partage. Du partage d'un repas, de moments de complicité au partage d'un joint entre amis pour enfin décompresser à la fin d'une dure journée. Mais également du partage d'une souffrance, d'un contrôle de police. D'un contrôle de police abusif, d'un meurtre, d'un combat: la lutte contre ces violences policières qui, chaque jour, tuent des hommes, des fils, des amis, des pères avec qui nous ne pourront, hormis nos souvenirs, partager que ce combat.

Thème: injustice sociale et raciale 

«  Si seulement cela pouvait rester un souvenir »

Dans le cadre du Nikon film festival de 2018, dont le thème était le partage, Tokou Bogui réalise un court métrage engagé, révélateur des discriminations qui existent encore aujourd’hui. 

L’histoire de ce court métrage, c’est un moment de partage entre un garçon et ses amis qui finit par une arrestation policière. 
Autant dans sa façon de filmer, dans son montage que dans ses choix sonores, la réalisatrice réussit de façon grandiose à soulever un problème majeur: l’injustice sociale et raciale.

Emportés dès le départ par un chant et des bruits de pioches qui font références aux esclaves qui travaillaient dans les champs de cotons, nous sommes au premier instant ancrés dans la thématique.
Ce choix musicale rappelle que c’est un combat -d’où le choix du titre- qui dure depuis des siècles et que le sujet est encore d’actualité. Ce type de chant permettait aux travailleurs de synchroniser leurs mouvements et de mieux supporter les tâches pénibles. Les coups de pioche soulignent la pulsation et accompagnent le chant. L’outil est utilisé comme un instrument.
Ces chants lancinants et répétitifs étaient transmis par tradition orale. Ils étaient chantés A Capella en utilisant le principe de la technique responsoriale.
La musique occupe une place centrale dans le film, puisqu’elle vient rythmer intensément l’intrigue et rappelle le combat incessant contre le racisme.

Tous les choix esthétiques et techniques sont révélateurs du sujet qu’elle veut porter, aucun personnages ne parlent. Est-ce qu’ils ont réellement le droit à la parole? Est-ce que leur parole est réellement écoutée et prise en compte ?
Tout simplement ce types d’actions nous laisse également sans voix, et la puissance de l’image est suffisante pour exprimée l’idée: l’absence de paroles est alors pertinente. 

En optant pour un court métrage uniquement en noir et blanc, cela rappelle le souvenir, souvenir de l’histoire des noirs, d’une histoire qui aujourd’hui pèse encore sur les conscience et fait preuve d’une discrimination permanente, de la lutte contre ces violences policières qui, chaque jour, tuent des hommes, des fils, des amis, des pères avec qui nous ne pourront, hormis nos souvenirs, partager que ce combat.
Le noir et blanc permet aussi d’affirmer: on ne peut pas revenir en arrière, ce qui est fait est fait. 

D’origine africaine, la réalisatrice s’engage à sa façon à travers l’art, le cinéma, pour dénoncer ce qui la touche: « Timidement passionnée depuis toujours, je fais des vidéos humoristiques sur internet depuis 2 ans. C'est à cet instant que mon intérêt pour le cinéma s'est aiguisé. Grâce à la réalisation de ma première Web série j'ai su que la réalisation et la scénarisation étaient pour moi une vocation ».

Ce travail artistique est significatif grâce un montage révélateur de sens, qui conduit le spectateur à se sentir concerné par le propos, Tokou choisit par ce montage alterné d’accentuer une situation initiale paisible, un moment entre ami, un partage de complicités, une scène de vie quotidienne et surtout deux groupes différents de garçons qui n’ont rien à voir dans leurs actes.

Le personnage principal partage une pizza avec ses amis, en face d’eux un autre groupe partage également quelque chose: un joint. Suite à son repas lors de son départ il dit bonjour à ce groupe, en ayant aucun rapport de consommation illégale. En traversant un pont de dos, il ne voit pas la police arrivé, les jeunes partant en courant échappent à la police et lui, se fait arrêter: un amalgame accentué par différents choix. 
On peut ici soulever, à mon avis, le seul flou du film, on se demande comment le personnage ne peut entendre les personnages courir et la police arriver. 

Par ailleurs, dans cette scène également, la temporalité signe une « puissance déconcertante » dans le propos: une voiture de police qui arrive et ne prend pas le temps de savoir qui sont ces personnes et quelles sont leurs activités. Le ralenti dans un premier temps puis l’accélération de la scène, signifie la rapidité d’un tel acte qui ne permet même pas de réagir, la parole coupée qui ne permet pas de s’exprimer, la violence augmenté non justifiée …
Cette temporalité est aussi présente dans la musique en fond, les bruits de pioches s’accélèrent tout autant que la situation s’aggrave. 

Finalement, quel point commun ont ces personnages? Nous assistons au début du film à de gros plans en montage sur chacun des individus, chaque personne a son histoire, ses actions, elle dissocie chacun de ses personnages par ses plans, ils ne sont pas semblables, leurs seul point commun ? Ils sont noirs.

L’indignation et la tristesse ressenties à la lecture de ce film sont également marquées par le parallèle avec le tragique incident d’Adama Traoré: ce jeune homme âgé de 24 ans avait tragiquement perdu la vie, le 19 juillet 2016, à la suite de son interpellation. Une affaire judiciaire qui avait soulevé de nombreuses questions notamment à propos de la lutte contre le racisme et les violences policières.
C’est par, encore une fois, son montage alterné que Tokou fait le parallèle entre ces deux histoires, et les images des manifestations pour Adama directement misent en parallèle avec la souffrance du personnage lors de son arrestation souligne: pourquoi cela perdure encore? 

Mettre en image des manifestations, des discours qui ont eu lieu pour ce combat c’est montrer tous les dispositifs qui ont été fait pour dénoncer, l’utilisation du 7ème art est une forme de plus, sera-t-elle plus percutante ? 

L’écho général, c’est une lutte raciale qui perdure, et quand cela va-t-il s’arrêter, une France synonyme de liberté, d’égalité et de fraternité qui est capable de réaliser de tel actes. 

Le film se termine par le seul bruit extérieur à la musique, une respiration accélérée, qui nous fait penser, quand est-ce qu’ils pourront enfin respirer librement? 

Sans haine et avec sincérité, la cinéaste en herbe livre un drame authentique sur l’injustice sociale et raciale qui persiste encore et toujours dans notre société. Un film poignant qui remémore avec justesse les mémoires d’un jeune homme tragiquement disparu.

La réalisatrice se positionne dans un cinéma engagé, interpelle le spectateur et le monde, fait état des lieux des événements et pose la question: comment faut-il faire pour vous faire réagir? 
Le 7ème art traduit par des images et permet de choquer, à mon sens, plus que des discours ou des paroles.

En espérant, que son film soit porté à récompense, Tokou est en liste parmi les finalistes du concours, résultat le 28 mars. 
Théa PETIT, AS3

Et si les relations humaines évoluaient à travers nos yeux. 

C’est ce qu’a voulu mettre en avant le court-métrage UP’life réalisé par Thimotée Hochet et sortit sur youtube en juillet 2016. Il nous présente un futur, plus proche qu’on ne le pense, ou la communication est devenu encore plus facile qu’elle ne l’est aujourd’hui, et ou nos relations évoluent par notre regard. Ce court-métrage nous présente Paul, un homme ordinaire qui apprend à découvrir la technologie et notamment la réalité augmenté. Ce qui été à la base la simple envie d’assouvir une pulsion sexuel se transforme en apprentissage de soi, et de ce que l’on ressent au fond. Avec son ami Tom, ils vont comprendre que cette idée n’est pas simplement une nouvelle technologie permettant de communiquer d’une nouvelle manière, mais elle va être importante dans le sens ou ils vont pouvoir exprimer leurs sentiments. Tout ce qui a été enfouis pendant des années va pouvoir ressortir. 

Drôle et émouvant, ce court-métrage nous apprend à voir la vie autrement, ou nous n’aurions plus besoin de cacher nos émotions face aux autres, telle une catharsis. On prend le contrôle de nous même, un monde ou nous n’avons plus besoin d’être seul pour affronter le quotidien ou nous pouvons vivre librement comme on le veut, avec les personnes que l’on veut. Paul semble être le seul personnage à posséder réellement un ami, Tom, celui qui existe vraiment, et non pas à travers ses yeux, margé le fait que dans une scène, on voit très bien que Tom peut le remplacer facilement si il le souhaite avec la réalité virtuel. Même si cette nouvelle manière de créer des relations est entre les mains de tout le monde, on garde cette idée que le réel compte, et qu’on ne peux pas se l’enlever, communiquer avec une présence absente, oui, mais jusqu’où ? 

Non pas sans nous rappeler Her, même si ses lunettes ont permis aux personnages d’assouvir ses pulsions, de se venger de celui qui lui a fait du mal, qu’en est-il des douleurs les plus profondes ? Celles qui ne s’efface pas ? la technologie ne va pas la faire disparaitre dans le simple fait de faire réapparaître les morts, et pose d’ailleurs la question de jusqu’ou va la technologie ? 
Ces lunettes, malgré leur ouverture sur un monde meilleur reste un objet fragile, qui pourrait se briser si on les sert trop fort, et laisser mourir le monde que nous nous étions construit. Un monde ou personne ne se dira plus rien, puisqu’ils se seront déjà tout dit à travers la réalité virtuelle, y accéder oui, mais il ne faut pas y rester bloqué.

La complicité entre Jerome Niel et Adrien Menielle nous entraîne directement dans la réalité dépeinte dans le court-métrage, et nous donnes l’impression que tout ça arrivera demain. Si extériorisé ses émotions est une libération, il ne nous restera plus rien à dire véritablement. On partage ses émotions, ses doutes et ressentis à une machine, quitte à se retrouver en vrai, et ne plus savoir quoi dire. Enlever ses lunettes, fermer les yeux, et laisser disparaitre un moment de bonheur insouciant, pour se retrouver seul avec sois-même. 

Elise Callewaert, AS3





Je vais ici parler d’une série d’œuvre street art qui a un intérêt particulier à mes yeux en temps qu’ensemble. Il s’agit du projet invader commencé au début des années 2000 et encore en cours aujourd’hui. Ce projet consiste à placer des mosaïques généralement inspirées du jeu vidéo Space invaders dans des villes du monde entier, actuellement il y a 3731 mosaïques dans 77 villes dont 26 villes françaises. Ce qui est particulièrement intéressant à mes yeux est l’aspect global de cette série ainsi que le côté ludique qui s’en dégage.

En effet, c’est le genre d’œuvre qui nous pousse à la chercher car elle est dissimulée dans nos décors urbains et il faut lever la tête de nos téléphones et ralentir le rythme afin de pister les petits extraterrestres en tessons colorés, cela peut se transformer en véritable jeu de piste tout en questionnant le rythme effréné des centres urbains. Car si l’on ne sort pas de celui-ci l’on passe à côté de cette création et de bien d’autres qui sont pourtant là à portée de regard de tous les passants.

Concernant l’aspect global, on retrouve ces petites mosaïques sur tous les continents et elles dénoncent un mode de vie majoritaire. Celui du capitalisme, privilégiant le travail et la productivité avant l’humain, et celui du numérique central dans nos pays occidentaux et nous coupant du monde qui nous entoure.

Je dirais que j’aime cette œuvre dans sa globalité car elle a réveillé ma curiosité et mon émerveillement pour le monde extérieur. C’est aussi le genre de création qui stimule mon intérêt lorsque je visite un nouvel endroit, cela me pousse à réellement observer les lieux et pas seulement à les traverser.

La photo provient du site officiel du projet, et a été prise à Lyon, j’ai choisi cette ville puisque c’est là-bas que j’ai remarqué pour la première fois ces mosaïques.
Nadège Batisse-Dauquaire, AS1

Irony of Negro Policeman, 1981



Acrylic, crayon gras et peinture à l'aérosol sur bois, 183
x 122 cm
New York, Paine Webber Group Inc

Cette huile sur toile de Basquiat mesure 122cm sur 183 cm, on peut voir l’utilisation de peinture acrylique et de crayon, tandis qu’elle inspire un mélange entre le graffitis et l’expressionnisme.
En effet Basquiat commence sa carrière artistique à Manhattan, où il fait des graffiti avec un ami à lui, ils signent ensemble sous le nom de « SAMO », signifiant « same old shit ». On retrouve alors ici cette influence, avec des couleurs vives et des inscriptions.
La silhouette du policier est très brute, elle nous apparait comme étant fragmentée et déstructuré, ses jambes ne font pas la même taille et il n’a pas de cou. Il est vrai que sa tête semble posée sur son corps comme sur un socle et ressemble davantage à un squelette.
Les yeux sont symbolisés à l’aide de formes circulaires jaunes, rouges, blanches et noires, le
nez quant à lui est représenté à l’aide d’un triangle rouge, et d’un autre blanc. Sa bouche
n’est pas clairement définies, mais nous avons un espace entre le nez et le menton qui la
traduise. Celle-ci est donc ouverte, avec un fond jaune et les dents sont signifiées à l’aide du crayon rouge. Cet ensemble n’est donc pas sans rappeler la forme d’une tête de mort, ou encore d’un masque. On remarque également qu’il porte un chapeau, qui encadre son visage comme l’emprisonnant. Cet aspect est renforcé par la présence de quadrillages autour de sa tête et sur le chapeau lui même. Le policier est parcouru de lignes diverses, principalement blanches ou rouges, celles-ci ne donnent pas l’impression d’être organisées d’avoir un lien entre elles.
Bien que le policier soit au centre de la toile, et qu’il soit plutôt imposant, on trouve à coté
de lui des inscriptions. On peut voir à sa droite le titre de l’oeuvre « IRONY OF NEGRO
PLCEMN », au niveau de sa tête, un peu plus haut, du côté droite du chapeau, on retrouve une
nouvelle fois l’inscription « irony », qui est entouré par un trait noir. Au dessus du pied droit on peut
aussi apercevoir le mot « PAWN » qui veut dire « pion » en français. Abstraction faite des « textes », on ne trouve pas de décors particuliers mis à part encore la présence de lignes ne comportant aucune structure et apparaissant comme frénétique.
À ce jour, l’oeuvre de Jean-Michel Basquiat a été racheté est ne peut être visible en galerie
car elle appartient à une collection privée.

Critique :
À l’époque où Jean-Michel Basquiat peint sa toile « Irony of a Negro Policeman », il est un
jeune New-Yorkais afro-américain de 21 ans. Après avoir apprivoisé les rues de sa ville natale avec
ses graffitis, il entame une conquête de la peinture sur toile. Cette entreprise fut une réussite pour
lui, bien que sa carrière ai été fulgurante dû à sa mort prématurée (12 aout 1988).
Dans l’oeuvre présentée ci-dessus, on retrouve comme sujet principal la figure d’un policier
noir. Par la représentation de ce dernier, on peut déduire que cela apparaissait comme paradoxal
pour Basquiat de représenter l’ordre tout en appartenant à la communauté noire. En effet, l’intérêt
de l’oeuvre réside dans le fait qu’il semble critiquer la société américaine dans laquelle il vit, il ne
parvient pas à comprendre comment un noir pourrait faire respecter des lois fixées par une grande
majorité de blancs, pour leurs propres intérêts. Rien qu’à l’aide du titre nous devinons que cette
oeuvre va traiter de la suprématie des blancs, « Irony of a negro policeman » ou « Ironie d’un
policier noir », indique que pour Basquiat cela relève du ridicule qu’un policier soit noir et se

mettent au service d’une société dirigée par les blancs, dans le but d’attraper d’autres afro-
américains.

En partant de cela, nous pouvons supposer que pour Basquiat, un policier ayant une couleur
de peau noire, serait alors asservit à un système généré par les blancs et ne respectant ces derniers.
D’ailleurs, si nous observons bien le tableau, nous pourrons voir le quadrillage sur son chapeau et
autour de sa tête, ces lignes évoquent instantanément l’enfermement, il exprime ainsi son point de
vue : un homme noir exerçant la fonction de policier se soumet lui même à une société dirigée par
les blancs, de cette façon ils se piègent, se bloquent. À travers ce policier noir représenté de faon
presque enfantine, caricaturale et déstructuré, on trouve le motif d’une critique envers sa propre
communauté. Il semble croire que c’est de la folie pour un noir de vouloir travailler pour les blancs
et contre sa propre communauté.
Il ne s’en cache pas et va même noter des inscriptions sur son oeuvre, afin d’empêcher
toutes mauvaises interprétations. Effectivement, sur le côté droit on peut trouver le titre inscrit (ou
presque) en toutes lettres « Irony of negro plcemn », juste au dessus on retrouve encore « irony »,
Basquiat affiche son point de vue afin qu’il puisse facilement être compris de tous. Plus bas, nous
nous interrogeons sur le mot « PAWN », qui signifie « pion » en français. Le jeune artiste considère
donc les membres de l’autorité comme étant de simples pions participant à une organisation les
dépassant, et cela d’autant plus si ils sont noirs, car ce système n’est même pas fait pour eux.
Si nous nous penchons sur la physiologie du personnage, nous pouvons voir à quel point il
est déstructuré. Il est vrai, qu’ il n’a pas vraiment de mains, d’ailleurs il lui manque même un bras et

ses jambes ne sont pas de la même forme. De plus son visage semble presque pouvoir se détacher
du reste, comme un masque. Cet effet est très interessant car il renvoie à l’hypocrisie que Basquiat
remarque dans une « société blanche », en représentant l’autorité de cette façon, il s’en moque, il ne
cherche pas à représenter quelque chose semblant naturel et réaliste.
Tous les aspects de l’oeuvre de Jean-Michel Basquiat tendent à dénoncer la répression des
afro-américains dans un société dominée par la communauté blanche. Ce policier noir représente
son désir de vouloir s’imposer comme un artiste New-Yorkais afro-américain.

Marthe Jacquet, AS1

The Van Gogh Immersive Experience : la frontière entre enrichissement culturel et divertissement


S’il ne devait y avoir qu’un seul mot pour décrire cette expérience unique qu’est « Van Gogh : The Immersive Experience » c’est bien merveilleux. Un merveilleux créé par Orphée Castaldo.
Pour expliquer  ce ressenti, citons tout d’abord le lieu choisi : le Palais de la Bourse de Bruxelles, à l’architecture écrasante mais toute aussi envoûtante. Ce palais est décoré d’immenses affiches faisant l’éloge du triomphe de cette expérience. Le piéton dans la rue ne peut être qu’attiré et intrigué pour vivre celle-ci dès le premier coup d’œil !
Merveilleux également par sa musique. En effet, dès notre entrée dans le hall du Palais pour tenter d’apercevoir quelque chose qui allait nous convaincre définitivement de participer à cela, nos oreilles sont immédiatement attirées vers cette musique très forte, au loin, dans cette salle à l’air nostalgique et calme. Lorsque nous entrons dans ce monde merveilleux, caché derrière un rideau noir, opaque, large et lourd à déplacer, le sens sonore qui n’était alors qu’un des éléments donnés au spectateur avant même de plonger dans cet univers, prend ainsi une toute autre signification . Notre regard passe en même temps de la lumière naturelle à un noir total pour qu’enfin, il s’entrechoque avec une lumière bleue, un bleu total, un bleu nuancé, un bleu que l’on retrouve dans les œuvres de ce génie de la peinture du 19ème siècle qu’est Van Gogh.
Dès que nous pénétrons dans l’enceinte du Palais, c’est le début d’un rêve, nous nous sentons légers comme l’air. Tout est fait pour que l’on divague dans ce monde parallèle au sein de cette immense salle aux dimensions disproportionnées. Sous ces colonnes et ces plafonds voûtés, nous sommes invités à nous poser par la présence de transats, de fauteuils et de tapis. Si l’on observe bien tous les visiteurs, certains sourient dès même leur entrée et d’autres entrent la bouche ouverte, émerveillés de voir un tel chef d’œuvre. Puis certains s’endorment, emportés par les douces animations accompagnées de leur musique. Tout est fait pour nous bercer : les couleurs, les mouvements, les bruitages de l’eau et le son des animaux appartenant au monde de la nuit… En d’autres termes, ce sont les peintures de Van Gogh faites de spirales et de toutes formes créées par son pinceau. Nous sommes dans un rêve éveillé.
Un rêve éveillé nourri par ces nouvelles techniques d’animation permettant de donner vie à des peintures. Par exemple, le tableau intitulé « La Nuit Etoilée » que nous pouvions auparavant contempler jusqu’à y perdre notre regard dans les spirales peintes dans le ciel se voit alors, dans cette expérience, animé par des logiciels. Un voyage poétique s’offre à nous.
Nous sommes assis ou allongés au beau milieu de la salle avec tout autour de nous à 360 degrés un monde pictural en mouvement retraçant l’évolution de l’artiste Van Gogh et qui vient transporter le public que nous sommes dans un voyage temporel.
Une musique, que nous ne pouvons citer, forte par son volume mais aussi douce par sa mélodie, vient ainsi traduire et diriger notre ressenti et nos émotions face aux œuvres qui s’entremêlent à la suite les unes des autres. En soi, elles sont des images colorées suscitant en nous une réelle contemplation où les couleurs, la technique esthétique de l’artiste et les outils technologiques modernes nous font oublier toute réalité possible. Elles nous plongent ainsi dans un univers peint par Van Gogh qui, trois siècles plus tard, arrive encore à faire écho à notre imagination et à notre vision du monde par ses œuvres.  
Le temps parait suspendu. Seule la boucle de cette animation nous rappelle que le temps passe lorsque la première image vue réapparait. Cependant, nous restons tout de même assis pour regarder une deuxième ou troisième fois ces images, se donnant pour excuse de trouver des éléments que nous n’aurions pas vu dans toutes ces images.
En sortant de cette expérience immersive, il n’y avait pas de retour en arrière pour nous : le rêve ne pouvait qu’être représenté de cette manière et il nous était difficile d’accepter la triste simplicité du monde dans lequel nous vivons. Un monde où les passionnés d’arts, d’animations, de design devraient lier leur savoir-faire pour mettre au goût du jour les œuvres anciennes, appartenant à une autre époque que la nôtre.
C’est alors que plusieurs questions viennent à nos esprits. Voir cette expérience sur l’art de Van Gogh sans regarder une seule de ses peintures en vrai est paradoxal. Cette œuvre diffusée qui est une œuvre contemporaine vient puiser dans le passé et elle utilise des outils technologiques modernes pour donner une nouvelle vision, un nouveau sens au travail réalisé par l’artiste. Nous nous demandions si ce n’était pas comme pour faciliter la tâche aux spectateurs de leur traduire ce qu’ils doivent voir et ressentir. Les visiteurs ne sont-ils pas capables de comprendre l’art ? De l’observer ? De l’apprécier à sa juste valeur ? Comment pouvons-nous comprendre ces expériences immersives devenues « à la mode » et qui plus est, ne sont pas à la portée de tous financièrement ?
En conclusion, cette expérience vient donc témoigner de l’évolution de l’art et de ses représentations au fil du 21ème siècle avec l’appui de ces supports numériques. Cependant, l’on constate qu’il y a toujours un attachement aux œuvres du passé. Tente-t-on de les exploiter et de les traduire en ayant pour motif de les remettre au goût du jour ou reste-t-on dans un passé nous empêchant d’avancer ?
Julien DUQUENNOY et Phébé Sénéchal, AS1

Muxes, Ivan Olita

Au Mexique, dans l’état Oaxaca, au sein des cultures Zapotec, vit une communauté, depuis des années et des années, appelée les Muxes. Le personnes qui composent cette communauté ne sont considérées ni comme hommes ni comme femmes. Elles sont ce qu’on appelle là bas le « troisième genre ». 
A la naissance elles sont assignées comme masculins mais identifiées comme des femmes, ou alors ne pouvant correspondre à aucun genre.
Dans ce court métrage, Ivan Olita part à leur rencontre et explore leurs vies. Ivan Olita est un réalisateur italien qui aborde souvent les dimensions personnelles dans un monde où on réfléchit par rapport aux autres, il réalise d’autres courts métrages comme Can’t nobody else love you 
Dans Muxes, il suit ces personnages hors du commun, les suit dans leur quotidien et, à travers 3 personnages en particulier, nous nous retrouvons immergés dans une culture qui prend le contrepied total de nos propres moeurs.
Loin de la conception binaire qu’on a du genre, les qualifications de « gay » et « hétéro » n’importent pas chez les Muxes. Ici il s’agit d’ailleurs de comprendre leur rôle social.
Les Muxes sont chéris par les gens du village, ce sont des personnes très acceptées, au même titre que les hommes et les femmes.
Les trois personnages nous livrent leurs émotions, leurs habitudes, leurs rêves etc.
Les Muxes vivent dans une culture matriarcale où la place des femmes est très valorisée, on les voit travailleuses, ambitieuses et indépendantes. 

Esthétiquement, les plans sont très colorés et fleuris, à l’image du Mexique tel qu’on le connait, dans une atmosphère assez hypnotisante et dynamique bien que douce et intimiste.
D’ailleurs la dernière Muxes interviewée dit que quand on se sent soi même, on peut voir le monde « de manière beaucoup plus colorée ». Ce qui montre à quel point il suffirait d’accepter chaque humain tel qu’il est, à quel point tout le monde doit se sentir épanoui et heureux.
On sort totalement des clichés et des préjugés avec ce court métrage car on nous montre les Muxes de manière objective. On ne ressent pas du tout les préjugés qui peuvent parfois nous dépasser de prime abord et le fait de voir leur quotidien, très similaire au notre, nous permet de nous sentir plus proches malgré les barrières culturelles qui peuvent se présenter à nous. 
La caméra suit les Muxes de près, dans chacun de leur mouvement et par le biais parfois de très gros plans. Pourtant il n’y a rien d’intrusif dans les images, on nous décrit des corps, des pensées, des émotions. 
Cependant, la musique en fond est parfois dérangeante car minimise un peu l’importance du discours des Muxes : on a envie d’écouter ce que ces personnes ont à dire, à présenter, sans être parasités par un fond sonore extérieur à celui de l’environnement des personnages. 
Aussi, certains plans paraissent trop fictionnels, par exemple quand une des Muxes rentre progressivement dans la rivière jusqu’à s’y submerger, quand les Muxes dansent et posent au ralenti, ou encore quand le vieil homme parle des Muxes en fumant, on dirait presque une publicité qui présente cette communauté et en fait la promotion. 
Bien qu’esthétiquement plaisants, ces plans ne semblent pas nécessaire à la narration engagée. 
Dans des pays avec une culture comme la notre, dans un modèle très occidentalisé, un court métrage comme celui ci ouvre à une nouvelle culture, il nous fait découvrir de nouveaux horizons, ce qui se fait ailleurs. Au delà de cette ouverture d’esprit qu’il offre, le court métrage à presque une dimension dénonciatrice, dans le sens qu’à la vue de l’harmonie qui règne entre les individus de cette société des Zapotec, on se sent coupable que chez nous ça ne fonctionne pas. 
D’ailleurs un des personnages dit bien que cette communauté ne pourrait être exportée car ailleurs ça ne marcherait pas.
Au début et à la fin du film, des références évidentes à la religion sont filmées : d’abord une croix, puis finalement une église, un homme religieux qui nous délivre un discours inspirant. 
En effet il explique que dans le langage des Zapotec, on ne différencie pas hommes et femmes, mais on marque une différence selon qu’on parle d’humains, d’animaux, ou de choses inanimées. Ainsi le court métrage, par le biais de la présentation des Muxes, se place comme une vraie ode à l’humanité. 

 Jasmine HSSAINI-FLAUJAC et Alexie WOJTALIK

Le Témoignage

Je vais vous parler aujourd’hui d’un court-métrage que j’ai découvert récemment sur la plateforme Netflix. Ce dernier se nomme « Le témoignage » et a été réalisé par Vanessa Block et a été diffusé en 2015. Ce documentaire raconte l’histoire du plus grand procès de viol du Congo, où des soldats furent accusés de violences et de viols contre leur propre population. Ce film débute par une mise en contexte, qui nous permet de mieux comprendre la situation. En effet, je pense que peu d’entre nous connaissent l’histoire (tant passé qu’actuelle) de la République Dominicaine du Congo. Avant de réellement parler du film, je tiens à rajouter quelques détails sur l’histoire de ce plus grand procès de viol à Minova : il a eu lieu entre le 12 et le 19 février 2014 et est considéré comme étant le plus important procès pour viol à cause du nombre élevé de soldats accusés et du haut niveau militaire du tribunal établi. Durant ce procès, 39 soldats du gouvernements ont été accusés d’avoir participé pendant 10 jours à des violences en novembre 2012 après avoir fuit les rebelles du « Mouvement du 23 Mars ». Ainsi, pendant ces 10 jours, plus de 1000 personnes ont été violés, et ce uniquement dans la ville de Minova.
Ce film présente plusieurs aspects qui tous, tournent autour de la femme Congolaise et de sa place. Ce documentaire dénonce, s’engage, provoque, inspire. Tant de mots existent mais aucun ne pourrait réellement le décrire comme il le faudrait, comme il le mériterait. Pourtant, je me permets d’avouer que la technique utilisée, sa forme, présentent une simplicité mais qui selon moi, semble nécessaire et primordiale par rapport à ce sujet grave, encore d’actualité partout dans le monde. Les viols sont des sujets encore tabous dans certains pays, dont le Congo, où la victime se fait, dans la majorité des cas, abandonner par son mari, rejeter par sa famille. De nos jours, dans nos pays occidentaux le viol, la parole des victimes sont de plus en plus pris aux sérieux, même s’il reste encore beaucoup de travail à faire. Cependant, ce film nous permet de ne pas oublier le reste du monde, de ne pas oublier ces autres femmes, elles aussi victimes. Ainsi, il nous pose la question : Quelle est la place de la femme au sein de la société de la République Dominicaine du Congo?                                                         
Ici, la réalisatrice nous propose une vision évolutive de la figure de cette femme congolaise. Nous débutons par une vision de la femme mère, travailleuse, qui se rend dans les champs, qui s’occupe de sa famille entière et est complètement soumise à son mari. Mais elle est tout de suite présentée comme une victime. L’histoire de la première femme raconte comment une de ses filles s’est fait tuée par des soldats du gouvernement alors qu’elle était en train de cultiver du manioc avec son père. Tout au long de ce court-métrage, cette étiquette de « victime » ne quittera jamais les femmes. Elles sont victimes de tout : du travail, de la famille, du mari, de la société, du gouvernement, des soldats, des violences. La plupart des femmes présentées, dont l’une qui en parlera, n’ont pas l’accès à l’éducation, elles sont condamnées à continuer à travailler dans les champs, comme leurs mères auparavant et leurs enfants ensuite. Rien n’est caché, censuré, édulcoré, romancé : on nous présente les faits tels qu’ils sont et cela nous explose au visage. Il existe encore de très grosses inégalités pour les femmes dans le monde, elles sont encore des victimes de guerre, des victimes du quotidien et le gouvernement n’en fait pas sa préoccupation, il se contente de « promettre » de vouloir changer les choses, mais rien ne se passe. Mais petit à petit, la réalisatrice nous montre une once d’espoir, une once de changement pour ces femmes, qui sont présentées comme des combattantes, des « guerrières » et dont l’opinion commence légèrement à évoluer pour elles, on commence à les considérées comme importantes au sein de la société. Nous terminons par voir des petites filles heureuses, à travers des images magnifiques, qui ont accès à l’éducation et dont la parole leur est donnée, des femmes qui sont rassemblées, unies afin de se battre contre ces violences. C’est un film plein d’espoir, même si certaine fois, la réalité nous rattrape de pleins fouets et nous rappelle que certains pays sont encore très loin au niveau des égalités, au niveau de la prise au sérieux des violences faites sur les femmes et de leurs conditions. La musique présente une très grande importance dans ce court-métrage et nous accompagne, nous transporte, ces femmes et nous-mêmes, tout au long de ce dernier.
Je pense que c’est un film qui a pour but de nous faire prendre conscience, de nous rappeler que ces femmes sont également victimes et sont seules face à tout cela. Un (minuscule) petit pas a été réalisé avec ce procès, mais il reste beaucoup de grands pas à faire.

Léa Robert, AS3

ZEITGEIST de Fabien Zocco - installation connectée - programme spécifique sur ordinateur, vidéoprojecteur, 2018.

L’artiste c’est lui, Fabien Zocco. L’oeuvre, c’est ça, Zeitgeist. Et c’est dans l’immensité de la salle d’exposition de l’Espace Croisé qu’elle est projetée. 
Plongée dans la pénombre, cette installation connectée attire immanquablement notre regard. Ce bleu néon, une évocation aux cassettes vidéos que l’on rembobine peut être, contraste avec la sobriété déconcertante du lieu. Un mot blanc apparaît, furtivement, le temps d’une fraction de secondes avant d’être remplacé, irrémédiablement, par le suivant. 
Une course à la montre ininterrompue. Les phrases infinies, dans la parfaite continuité de l’écriture automatique et des cadavres exquis des surréalistes, relèvent de l’absurde. 
Ces mots, martelés inlassablement sur la surface de l’écran, sont extraits des paroles des 20 chansons qui, le jour même, se trouvent être les plus téléchargées sur iTunes. L’algorithme en place capte dans une première chanson un mot, puis va l’associer avec celui venant après ce même mot mais de provenance d’une autre chanson. Et ainsi de suite. Tel un saphir de vinyle qui suivrait un sillon, puis saute quelques secondes sur un autre sillon. 
Cet étonnant jeu d’associations produit un remix textuel sans arrêt en évolution, réactualisé où chaque phrase est clivée entre logique sémantique et une incongruité évidente. Des langues se mélangent, sans distinction aucune, à la recherche d’une cohésion de fortune. 

Curieusement, dans ce vaste plateau fait de béton, il s’agit de la plus silencieuse de toutes les oeuvres qui nous propose une réflexion autour de la musique. Quelle gageure, quel affront !

Zeitgeist, pour les non germanophones, désigne le climat intellectuel et culturel, jugements & habitudes de pensée d'une époque. Pourrions nous comprendre que ce que Fabien Zocco appelle des « chansons de supermarché » seraient l’acmé de notre civilisation ? Chaque jour, le contenu que Zeitgeist transmet est redéfini selon le goût du plus grand nombre. Pourtant, le fait est que l’oeuvre, en fonction depuis 2018, ressasse sempiternellement les mêmes champs lexicaux, termes et expressions, met en exergue la vacuité, la fadeur de ces « nouvelles » productions de l’esprit. La rapidité du dispositif rappelle la brièveté du phénomène de ces ersatz d’artistes copiés-collés, qui apparaissent et disparaissent laissant place à des clones. 
La vision du démiurge apparait alors comme ironique, dès lors qu’il fait s’entrechoquer l’idée que nous avons d’une oeuvre d’art, censée être unique et immuable, éternelle comme gravée dans la pierre à un produit aisément corruptible, aux allures de slogan publicitaire, de logo. Le choix de cette forme minimaliste contraste avec le clinquant du star-system, du mainstream, faisant « beaucoup de bruit » pour rien, en définitive.
Ce flux continu propose un « texte de fond » l’équivalent d’un « bruit de fond », ces sons ou ces mots en l’occurence auxquels nous sommes confrontés en y prêtant une attention distraite. Faisant fi des 3min30 habituelles, l’oeuvre exalte un vomi de paroles, un arrangement mutant, compulsif, presque fou. 
Le dispositif met ici le public face à la machine de manière frontale, elle contre l’idée reçue que le numérique doit obligatoirement être interractif, laissant le vivant dépossédé, dans une posture exclusivement spectatorielle.
Ici, la machine apparait comme dans une tentative de transcendance, en essayant de s’accaparer des attributs typiquement humain, à savoir la capacité de créer. Elle le fait toutefois de manière bornée, monomaniaque, trahissant son aliénation à un fonctionnement mécanique. 

L’oeuvre, c’est ça, Zeitgeist. Mais ne serait-elle pas également l’artiste ? Dès lors que Fabien Zocco a achevé son travail de programmation, cette langue exotique permettant de donner des directives à la machine, celle-ci prend inévitablement une part d’autonomie. Elle s’avère être à la fois dépositaire et effectrice, elle compose aléatoirement avec le matériau à sa disposition. Si la machine manipule froidement de pauvres textes, si l’artiste porte un discours teinté d’élitisme, au public de comprendre s’il s’agit d’une condamnation (pointer du doigt cette immense supercherie), ou bien d’une tentative, dans un sens, de ré-enchanter ce qui est superficiel et creux. Ce melting-pot hypnotique nous renverrait inconsciemment à ces tubes du quotidien, nous faisant au mieux sourire, au pire grincer des dents face à cette inexorable emprise.

Yaël Pignol - MCA3

lundi 1 avril 2019

Thomas Devaux - Rayons

Date : 2019
Lieu d'exposition : Galerie Cédric Bacqueville (Lille)


Rayons - ou la valorisation discrète de la société de consommation


D’emblée, l'oeil est attiré par l'atmosphère floue aux couleurs pastels dégagée par cette série d'oeuvres réalisées par Thomas Devaux. Présentées pour la plupart sous forme de diptyques, elles ne sont pas sans rappeler les oeuvres de Mark Rothko. La technique utilisée pour leur réalisation est la photographie avec retouches afin d’obtenir l'aspect flouté ; puis imprimée sur papier canson à grainage fort, laissant ainsi apparaître des craquelures à la manière d’une peinture à l'huile. A cela s’ajoutent les encadrements, recouverts à la feuille d'or. L’ensemble est homogène et a un rendu à la fois abstrait et organisé qui peut rappeler l’art minimal.

De toute évidence, étant donné qu'il s'agit d'art abstrait, on peine à comprendre la démarche de l'artiste sans avoir lu la note d'intention et sans un peu de médiation concernant la série d'oeuvres présentées. C'est alors que j'ai compris la provenance de ces couleurs qui sont en fait issues de rayons de supermarchés photographiés en gros plan, ceci justifiant le titre de la série, en référence aux rayons de supermarchés. Il s’agit également d’une référence à l’optique et aux rayons lumineux qui se dégagent de ces oeuvres.

La paisibilité ressentie à premier abord est d'un coup vue autrement de par le sujet qu’elle interroge : la société de consommation. On peut alors se demander quel est le regard que Thomas Devaux à ce sujet : cherche-t-il réellement à avoir un regard critique sur la société de consommation ou cherche-t-il à la sublimer ? Est-ce que ce travail sur le flou ne cherche finalement pas à dissimuler quelque chose pour ne pas avoir à le regarder en face ?

Ce travail abstrait concerne quelque chose qui n'a rien d'abstrait au contraire, la consommation est quelque chose de très concret. Ce décalage est d’autant plus marqué si l’on juge le cadre des oeuvres recouvert de feuilles d’or, ce qui pose à nouveau la question de ce que l’artiste a voulu montrer : sublimer ou dénoncer ? Une part d’incohérence peut alors être ressentie face au fond et à la forme qui semblent finalement assez éloignés.

Thomas Devaux traite donc ici un problème contemporain, sans vraiment le traiter. Il l'expose, simplement. C’est à se demander si il ne traite pas ce sujet parce qu'il est "à la mode"...
Lucas de Vareilles, AS1

L'enfant maudit

Je trouve cette œuvre audacieuse et issue du génie de son auteur. En effet, si certains l’apparentent à la provocation et la détournent en message de haine, de mon point de vue cette sculpture est très importante pour l’art contemporain. Selon moi, elle est même nécessaire.
Elle dépeint une nouvelle ère qui s’émancipe de toutes contraintes stylistiques ou spatiales et se fiche de plaire à tout le monde. L’art de Cattelan est souvent socio-politique mais avec Him, il montre autre chose en allant chercher dans l’histoire et la mémoire collective.
Il permet de sensibiliser. Il met face (enfin à priori de dos puis à posteriori de face) à nous un rappel. Même si nous ne l’avons pas vécu. On se rappelle qu’on ne doit pas prendre cette période du 20e siècle comme révolue. C’est peut-être pourquoi il a tenu à l’installer, après avoir été dans des musées, à Varsovie. Capitale de la Pologne qui, pour nous le rappeler, a été victime de hauts crimes contre l’humanité. On ne doit pas oublier, on ne doit pas penser le sujet tabou au point d’avoir peur de l’illustrer dans l’art. On ne doit surtout pas oublier que la haine subsiste toujours et persiste dans le monde à notre époque.
Là où est placée la statue dans le ghetto de Varsovie, aperçue à travers un trou creusé dans une porte en bois, posée dans une cour est sûrement une réécriture utopique de l’histoire. Peut-être est-ce la vision de Cattelan (et peut-être de la plupart du reste du monde) sur le sort qu’aurait dû avoir Hitler. Et l’endroit. Là où il a engendré les six années de bataille aurait dû être l’endroit où il aurait fini ses jours s’il ne s’était pas donné la mort, selon l’artiste. Enfermé face aux survivants de ses offensives passées et pensant à comment se repentir en croupissant jusqu’à la fin de ses jours enfermé à Varsovie. Il prierait alors pour son salut. Ou pour pouvoir s’évader ?
Du point de vue esthétique et stylistique, je trouve que Cattelan a vu juste en le plaçant de dos. De ce fait, on est intrigué et plus désireux de voir à quoi ressemble ce minuscule bonhomme (aux allures de petit garçon donc semblant inoffensif et innocent) de face. Voir la vraie personne représentée provoque un choc et forcément quand on vient à plusieurs visiter et qu’on tombe sur cette œuvre, il y a matière à débats. Personne ne réagirait de la même façon, c’est ce qui est intéressant.
De plus, je disais plus tôt que la sculpture était nécessaire dans l’art contemporain car Maurizio Cattelan a procédé à l’hyperréalisme. Les traits vraisemblables, le relief, le fait d’avoir fait une sculpture tout simplement sont des éléments simples qui permettent de voir l’essentiel. Pas de chercher sans cesse ce qu’a voulu dire l’auteur s’il avait été question d’une peinture abstraite issue du mouvement cubiste par exemple. On se concentre sur le concret : ce qui est présenté devant nous. Et on peut observer et voir, et se poser la question : comment on aurait réagi si on avait vraiment été face à lui ?
Et s’il avait été vraiment aussi petit ? Si finalement ses actes ne le rendaient que plus petit dans son humanité et dans l’estime de tous ceux ne partageant pas ses idéaux ? Pourquoi semble-t-il être un petit garçon aux premiers abords ? Si c’est fait exprès, l’artiste doit sûrement apparenter cela au manque de surmoi de la part d’un enfant avant l’âge de 7 ans. Lorsqu’il n’est pas encore capable de penser pleinement par lui-même et que la maturité n’a pas encore fait effet. Le fait de tolérer les autres et vivre avec toute sorte de personne en harmonie en faisant partie.

En somme, Him est une œuvre contemporaine ayant une grande importance culturelle bien qu’au final, quand même socio-politique. Cette sculpture trouve bien sa place auprès d’un homme rescapé de la Shoah. On pourrait dire qu’Hitler se retrouve là où il était sensé finir. Aliéné, agenouillé, asservi à un polonais juif qu’il avait voulu exterminer mais qui s’en est sorti pour pouvoir le mettre en position de faiblesse.
La vie a pris le dessus et lui-même, qui voulait l’éradiquer dans sa vision d’un monde parfait, n’est plus qu’une représentation et incarnation du mal en cire et résine de polyester plutôt que considéré comme ayant été un être humain à part entière.

Dalanda Condé AS1