jeudi 26 avril 2012

Carnet d'adresses : Kai Xuan Feng à La Ferme d'en haut.









La Ferme d'en Haut se situe à Villeneuve d’Ascq et propose des projets artistiques pluridisciplinaires : spectacle vivant, musique, arts plastiques, résidence d’artistes, ateliers de pratique. Cette ferme hexagonale est construite autour d’une cour intérieure et a été réhabilitée et baptisée Maison folie pour Lille 2004.

Après 4 ans d’études aux Beaux-Arts de Chine, Kai Xuan Feng décide de venir à Tourcoing pour étudier l’art contemporain. Depuis l’obtention de son diplôme en 2009, elle construit une œuvre pluridisciplinaire autour du rapport direct entre le public et elle, notamment par le biais de performances.
Cependant, à l’issue de ses études, le gouvernement français la renvoie à sa condition d’étrangère : Kai Xuan ne peut rester en France et va alors devoir se battre pour faire reconnaître son statut d’artiste. Elle réussit à obtenir une autorisation pour rester mais doit pratiquer une activité libérale générant un chiffre d’affaires de 16125€.
Chaque année le 26 octobre, elle renouvelle son titre de séjour. Ce temps qui lui est accordé a inspiré l’artiste qui s’engage dans un projet artistique : « Carnet d’adresses », performance en trois actes et une exposition où se mêlent peintures, photos et installations.

 
Le spectateur est dès l’entrée plongé dans l’univers du voyage. On y découvre  une série de valises dans lesquelles sont peints à chaque fois un ciel différent (Ciel à vendre). Même si Kai Xuan expose sa condition de manière poétique, elle porte néanmoins un regard assez critique sur la société occidentale,  sans pour autant être moraliste : Ces cieux, symbolique de la liberté dont elle rêve représentent ici le réalisme d’un monde matérialiste où tout est à vendre, même le ciel, et où le voyage est lié au chiffre d’affaires.
En exposant ses fiches de paie, des CDD à chaque fois, l’artiste veut nous questionner sur la place de l’étranger et son intégration au sein de la société française.
Cette errance professionnelle et personnelle est aussi renforcée par le biais de photos qui retracent les actes 1 et 2 de son œuvre, à la Condition publique de Roubaix. Après avoir exposé publiquement tous les objets qu'elle possède depuis son arrivée en France il y a cinq ans, elle a proposé aux visiteurs d'emprunter un objet. Elle a donné rendez-vous à plus de cent visiteurs qui ont "adopté" ses affaires, et de se retrouver six mois plus tard pour qu’ils lui restituent l’objet prêté. Alors que le public lui a emprunté tous ses objets, elle part chaque soir avec sa valise et une adresse pour passer la nuit chez une personne. On réalise que Kai xuan  ne peut être dans la matérialité et l’enracinement. Elle ne doit pas s’éparpiller ou s’épanouir comme citoyenne française mais son identité, son avenir doivent être contenus dans une minuscule valise, symbole de son errance, si elle doit un jour reprendre le chemin de la Chine : "Les objets que j'utilise chaque jour ne m'appartiennent pas réellement. C’est comme si tout ce qui m'entoure était emprunté. Le jour où je quitte le pays je dois tout laisser, n’emportant qu’une valise."
Le clou de l’exposition est sans doute la reconstitution de son appartement. C’est définitivement l’œuvre qui m’a le plus déroutée. En plus de rappeler l’échange qui s’est fait entre de parfaits inconnus et l’artiste, nous sommes l’étranger qui ne trouve pas sa place dans ce lieu. Si c’est une œuvre, est ce que je peux la toucher ? Est-ce que ça ne revient pas à avoir une posture de voyeur, en fouillant l’identité de quelqu’un ?
 
Avec des œuvres très accessibles et une volonté constante d’avoir un lien avec le public, Kai Xuan Feng nous fait ressentir à quel point s’intégrer en pays étranger reste une expérience périlleuse, voire un véritable défi. En mêlant statut administratif et art, on souhaite à cette artiste de rester en France pour perpétuer une œuvre réfléchie, poétique et engagée.


Claire Cacheux, AS1.

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