samedi 7 mai 2016

Room : Le grand monde de Jack



Une mère et son enfant sont enfermés dans ce qu’ils appellent la «  Room ». Par qui, pourquoi, nous n’avons pas tout de suite les clés. On découvre leur quotidien au sein de cet espace clos, qui est le seul univers pour Jack, l’enfant, n’ayant connu que la « room », les histoires racontées par sa mère, et la télévision. Un quotidien structuré par une mère, Joy, désirant donner quelques repères à son fils. Un jour, elle prend la décision de s’enfuir, et c’est son fils qui assumera cette responsabilité…

Filmé comme un huit clos étouffant, le film se découpe en deux parties, plutôt inégales. Un début dans la « room » trop bref, ne nous montrant pas assez la temporalité vécue par les personnages. De plus, la clé de l’intrigue est dévoilée assez rapidement, par un monologue qui arrive de nulle part, subtilité aucune.

Malgré tout, dans cette partie, la room est filmée comme un monde à part entière, grâce au point de vue de Jack, l’enfant : le parti pris, justement, est de filmer une histoire sordide d’un point de vue, innocent, naïf. Le réalisateur ne cherche pas à se concentrer sur le passé de la mère (on ne voit ni les viols, ni le kidnapping etc.) là ou d’autres auraient pu nous écraser de flashback larmoyants. Cependant, avec un tel sujet, on ne peut échapper à un pathos tout en violons et ralentis. Mais mention spéciale à l’actrice Brie Larson tout en retenue et subtilité et à l’enfant joué par Jacob Trembley qui porte une grande partie du film sur ses épaules.
Dans cette première partie, « Old Nick » (la présence hostile et ambiguë) est au premier abord « caché », seulement vu à travers les yeux de l’enfant. Malheureusement, ce parti prit audacieux et balayé par une mise en scène classique. N’aurai il pas été mieux de garder son identité incertaine ? Surtout qu’il vite éclipsé, le centre du film étant la relation mère-fils.

La seconde partie s’attache à raconter l’après. Comment pour l’enfant découvrir un monde dont il ne connaît rien, et comment pour la mère se reconstruire dans un monde qui lui était familier et qui est lui devenu étranger. La difficulté aussi pour l’entourage, lui aussi traumatisé par cette expérience, et qui doit apprendre à accepter l’enfant. Jack est issu d’un viol, et le scénario ne l’oublie pas.

Le point de vue de l’enfant reste omniprésent : il ne cesse d’être en marge dans ce monde qui est n’est pas le sien : il ne sait pas communiquer, il a perdu ses repères. Il demande régulièrement à rentrer chez lui : la room. La dernière vision de cette pièce sera celle d’une chambre exigüe, alors que la mise en scène de départ nous la faisait voir comme étendue. C’est encore grâce au parti prit du point de vue de l’enfant : maintenant qu’il connaît le monde, son ancien univers lui paraît bien fade.

Une réflexion sur l’enfermement physique autant que moral est posée : ils sortent d’une certaine zone de confort, pour se cloisonner dans ce nouveau monde : même lorsqu’ils sont dehors, ce n’est qu’à travers une fenêtre qu’on les voit. La réalisation dépeint ce nouvel cloisonnement : ils sont toujours enfermés par le cadre. Même s’ils sont sauvés, libres, ils restent enfermés moralement.
Une question se pose aussi sur les médias et leur récupération d’affaires sordides : contrainte d’acceptée une interview glauque, intrusive et qui s’infiltre les émotions, Joy sera détruite par la vision extérieure de son histoire.

Le film oscille entre drame psychologique et thriller : la scène principale, qui se trouve au milieu du film est un tour de force narratif et esthétique. Angoissante, vécue de l’intérieur par les yeux de l’enfant, elle est à la fois signe de liberté (seul moment où l’on est vraiment à l’extérieur) et inquiétante, réalisée comme un film à suspense. Room est un film dérageant, bouleversant de réalisme, avec une réalisation soignée malgré quelques intrusions larmoyantes et incongrues. Une jolie réussite.


Alice Pasquet – Juliette Vandorpe

mardi 3 mai 2016

Critique: La Part et l'Autre - Accord de trois, Jean Michel Sanejouand


 La Part et l'Autre - Accord de trois, Jean Michel Sanejouand

En ce samedi 26 mars, alors que je me trouvais au Lille Métropole Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut, pour voir l'exposition sur Amedeo Modigliani, c'est un artiste, hélas bien moins connu, qui attira mon attention avec une de ses œuvres dévoilées dans la collection d'art moderne.
Il s'agissait d'une des œuvres du peintre et sculpteur Jean Michel Sanejouand, intitulée La Part et l'Autre – Accord de trois, qui faisait face à l'entrée de la pièce, comme pour inciter tous les regards à délaisser les autres tableaux et à se concentrer sur lui. Constituée de trois toiles placées l'une à côté de l'autre, chacune d'environ deux mètres sur un mètre, cette peinture, ou plus précisément cette acrylique sur toile, se caractérisait dès les premières secondes par l'importance du blanc, des parcelles de toile vierge, qui coupe les motifs de tout lien avec la réalité. L'origine religieuse et sacré de ce format de l'oeuvre, qu'est le triptyque, mis en avant une symbolique qui semblait être celle de la vie et de la mort, avec une toile au milieu qui nous révélait un arbre aux branches anguleuses, tordues, et dénudées de toute vie, une nature apparaissant comme morte, et avec des toiles sur les côtés qui dévoilaient des doubles traces de brosse se tortillant sur la toile, autour de motifs indéfinissables et de masques finement décorés, dignes d'une fête de carnaval, emplis de gaieté, de vie, ou bien au contraire pouvant être vu comme des masques funéraires avec des yeux vides, marqués par l'absence de vie.
On note dans cette œuvre un contraste fort avec la toile du centre qui montre le statique, la rigidité, la mort, et les toiles des côtés qui montrent un ensemble de coup de peinture qui virevoltent en tous sens, avec légèreté, créant ainsi un chaos qui est accompagnés par les filets et les gouttes de peinture qui témoignent de la rapidité du mouvement du peintre, mais aussi une certaine ambivalence avec les doubles coups de brosse qui montrent un arrêt brutal, une cassure dans l'élan, une stagnation, mais qui expriment aussi un rebroussement, un changement d'avis, une évolution de la pensée.
Ces masques et traces sont accompagnés de motifs abstraits que l'on ne peut définir précisément et qui ainsi laissent place à l'imagination du spectateur pour reconnaître une forme et trouver une signification. On peut y voir un oiseau ? Une feuille ? Ou juste une broche ? Tout ce qui peut venir à l'esprit du public. Et cela va créer une distanciation, tout comme avec les masques fixant le public mais aux regards vides. Il y a une invitation du spectateur à trouver en lui même la problématique que soulève l'oeuvre, ce triptyque ne questionne pas mais invite à un questionnement du spectateur sur lui même, qui est intime, l'artiste ne guide plus le public.
Il s'agit donc d'une œuvre moderne abstraite, qui reprend un aspect sacré et symbolique, ceux de la nature, de la vie, de la mort, et de l'absence, et qui en appelle à une réflexion sur soi par sa distanciation. 

Corentin Le Jeune, AS1

lundi 11 avril 2016

Exposition War Hall : Les bombes des graffeurs ne tuent pas, elles font réfléchir.

Start Peace. 



Les artistes Mask et Atome s'associent depuis maintenant dix ans pour leurs créations. L'artiste Atome débute son œuvre au début des années 2000 dans les rues de Cognac, avec le choix de son nom il porte un regard très attentif à l’Homme et à ce qui l’entoure. A travers leur œuvre Start Peace ils dénoncent à la fois la guerre mais aussi la société de consommation influencé par les États Unis. En effet, utiliser l'image de Star Wars qui est sur médiatisé et sur consommé à l'international permet une reconnaissance plus accessible à tous. Il en est de même pour la typographie qui reprend celle du film.

                                                                          


Nous sommes plongés dans une ambiguïté à la vue de cette œuvre qui expose un personnage familier, la tête d'un soldat symbole de la guerre de cette fameuse saga, hybridé en un corps de colombe, symbole de paix. Il est judicieux de la part des artistes d'avoir transformer ce soldat de guerre en soldat de paix. Il en est de même avec le titre où la paix remplace la guerre, Star Wars devenant Start Peace. De plus, nous sommes confronté par la douceur des traits mis en opposition par ce titre qui est positionné ici comme un impact de balle. Les seules touches de couleurs apparaissent comme des éclaboussures causées par l’impact. Ce qui pourrait supposer être du sang qui coule apparait ici comme un mélange de couleurs ce qui renforce ce discours de paix car la peinture est inoffensive et ici adoucie le regard des spectateurs. L'oeuvre se situe, dans cette exposition, proche de la salle sonore dans laquelle des tirs d'armes résonnent en continu. Avec cet agencement, le son accompagne ce titre plaqué comme un impact de balle pour une illusion de réalité.
Toute une série d'oppositions permet alors de montrer cette tension existante entre la paix et la guerre. En effet, ces deux phénomènes s'opposent constamment, lorsque la paix règne elle peut très vite être menacée et rattrapée par la guerre et inversement. Les artistes montrent donc la fragilité de cet idéal de paix.

Est-ce alors une volonté des artistes de vouloir créer cette perception trouble chez le spectateur ou dénoncent-ils justement ces violences par des codes qui font partis de notre culture ?
Il est à la fois plus facile pour le spectateur de s'approprier une œuvre avec un symbole qui lui est familier que d'être face à une œuvre totalement inconnue où le temps de réaction et d'adaptation peut être plus important.

Le fait que les artistes utilisent et détournent une figure populaire connue de tous est très ingénieux car cela déclenche une reconnaissance culturelle chez chacun et donc une proximité entre le spectateur et l’oeuvre, bien que ce ne soit pas un système réellement original. Dans un premier temps, cette oeuvre nous séduit par son esthétique tel une affiche de film, mais nous découvrons dans ce deuxième temps de réaction la subtilité et la richesse de l’oeuvre. En effet, toutes les informations ne nous sont pas données dès le premier regard. Le message de paix est clairement montré par ce soldat hybridé en colombe mais nous ne pouvons pas remarquer d’emblée cette prodigieuse impression d’impact de balle fait sur le titre. C’est bien ici qu’est la subtilité car cet impact représente non seulement le choc, autant physique que mental de la guerre, mais aussi la société de consommation et l'américanisation, avec lesquels nous sommes dans une sorte de guerre symbolique et cultuelle.


Si nous sommes davantage sensible au street art il est encore plus facile d'adhérer, c'est alors un avantage que le Street Artist a, car il a plus facilement l'habitude d'exposer son art aux yeux de tous, et sait par quels moyens il peut toucher plus facilement un grand nombre de personnes. En effet, contrairement à d'autres artistes, qui souvent sont exposés dans des lieux clos, les graffeurs sont habitués à s'exposer dans les musées à ciel ouvert que sont les rues. Ils sont donc confrontés directement à un public plus large et évoluent à travers leur regard, ils savent ce que la société apprécie, à quoi elle est sensible et ce qu'elle déteste voir. Interpelé et sensibilisé, c'est ce que nous sommes avec cette oeuvre Start Peace.

Emilie Debolo et Julie Fos.

mercredi 6 avril 2016

10 Cloverfield Lane : le huis-clos qui sort de son trou ?



Suite illégitime de Cloverfield sorti il y a de ça 8 ans, 10 Cloverfield Lane se pose comme LE thriller de ce d’année. Pourquoi ?
Projet aux multiples visages portant initialement le nom de The Cellar, peu d’informations nous sont livrées concernant ce nouvel opus estampillé J. J. Abrams. Tenu secret jusqu’à sa sortie (comme pour son ainé), seul la bande annonce — terriblement efficace d’ailleurs — nous arrive tardivement et soulève déjà de nombreuses questions, aussi bien pour les fans du premier volet que pour les simples néophytes.


Film à gros budget, notre première impression serait de penser qu’il vise à rapporter exit l’originalité… Mais c’est en cela que 10 Cloverfield Lane intrigue : à la fois profond et divertissant, il parvient à happer l’attention du spectateur, à lui faire ressentir des émotions en phases avec les personnages mais surtout à suspendre le temps tant les rebondissements surviennent et surprennent. Huis-clos permanent, ce que n’avait pas fait Les Huit Salopards de Quentin Tarantino, 10 Cloverfield Lane le fait sous le meilleur des aspects. Le film nous enferme, en même temps que ses acteurs, pendant une heure et quarante-trois minutes de tension. L’histoire principale parait pourtant simple : croire ou non à ce que raconte un inconnu qui vous enferme dans un bunker, soi-disant pour votre bien. Le hic avec cette dernière est que notre jugement, ainsi que celui des héros est tantôt réconforté, tantôt réfuté, puis de nouveau mis à la page mais finalement balayée. C’est en cela la grande force de ce film ; Nous faire constamment douter par des indices mais aussi des preuves, de la véracité de l’histoire. L’action se déroulant dans un laps de temps continu participe à cette immersion, si essentielle à tout récit de suspense.



Si nous laissons sensations et émotions de côté, 10 Cloverfield Lane est un film très bien construit. Plutôt habitué aux « petites » productions, telles des publicités pour Nike, Coca-Cola ou encore Lexus, Dan Trachtenberg réalise ici son premier long-métrage remarquable.
Les images sont belles et très travaillées (à la manière d’Abrams). La majorité des plans sont plus longs que la moyenne actuelle — 2-3 secondes — ce qui permet une familiarisation des lieux et une clairvoyance des actions : tout nous est montré. À nous de comprendre. Les décors en nombre réduit participent aussi à l’immersion dans ce monde : les espaces soignés et hyper-stylisés concourent directement à rendre compte de l’atmosphère si particulière du film, par une palette chromatique à la fois froide (bleu, gris), reposante/familière (vert, marron) et rassurante (rose, jaune pâle).

La bande sonore est bien sûr efficace : musiques d’ambiances inquiétantes, bruits réalistes et sur-amplifiés. à noter la présence de quelques musiques pop enjouées, parfait contrepoint à l’angoisse « du fond du puits » ressentie du début à la fin. Fort de tous ces éléments de mise en scène pertinents, l’histoire peut paisiblement se développer au fil des minutes. Captivante, l’intrigue mue progressivement, multipliant les rebondissements. 10 Cloverfield Lane raconte plusieurs histoires en même temps, au sein du même espace et ce, de manière subtile. Elles se suivent, se rattrapent, se recoupent afin de perdre le spectateur, à l’image des héros. Les personnages quant à eux sont réduits au nombre de trois principaux, visibles en permanence à l’écran, en plan rapproché, étroitesse de la situation oblige.
L’interprétation est d’ailleurs une des clés essentielles de l’histoire : Mary Elizabeth Winstead (Michelle) incarne une superbe héroïne combattive et débrouillarde en quête d’émancipation. Face à elle, le gargantuesque John Goodman (Howard) nous campe un marginal au caractère schizophrénique, capable de nous inspirer tout autant la crainte que la confiance. Enfin John Gallagher (Emmett DeWitt) occupe la place du protecteur qui amène la part d’humour et de simplicité nécessaire à la mise en place de ce trio complémentaire.



10 Cloverfield Lane est un excellent thriller qui assied une atmosphère angoissante et maintient une tension permanente. Premier « blockbuster » réussi pour Dan Trachtenberg qui nous offre une œuvre joliment construite et bien pensée. La fin, aux accents beaucoup plus science-fiction laisse présager une suite, mais comment en être sur ? Avec un J. J. Abrams, discrètement mais continuellement aux commandes tout peut arriver. La prochaine fois, aurons-nous un film de science-fiction tirant vers l’humour auto-dérisoire ou vers la plus intrigante des frayeurs ? Mystère...

Victor - Hugo

jeudi 31 mars 2016

C R I T I Q U E

"Le Repas Dominical" de Céline Devaux



« Le Repas Dominical » est un court-métrage de Céline Devaux, sorti en 2015. Nous avons pu le visionner dans le cadre de la soirée « Politiquement incorrect » qui se tenait à l’Hybride en ce début d’année, en compagnie de certains d’entres vous rappelez-vous en. Il a notamment été primé aux Césars 2016 pour le meilleur court-métrage d’animation et depuis peu, sélectionné en compétition officielle pour le prochain Festival de Cannes. 
Céline Devaux, déjà connu pour son court-métrage «Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine », a très bien su réutiliser son cinéma d’animation et contourner le « politiquement correct » à l’aide d’une bonne mise en scène des différents stéréotypes et clichés. « Le Repas Dominical », c’est l’histoire de Jean qui va chez ses parents pour le repas de famille du dimanche. Tout simplement.  Des thèmes très clichés de notre vie monotone sont ainsi exploités de manière à chargée l’oeuvre de symboles et de références à notre quotidien à tous. C’est d’ailleurs ce qui fait de son travail, un travail assez humoristique. Cette touche d’humour est largement appuyée par la voix-off, merveilleusement interprétée par la voix de Vincent Macaigne, qui alterne lenteur et désespoir avec loufoquerie et extase . Tout ça, accompagné par une superbe musique, super folle signée Flavien Berger qui s’amuse avec les rythmes, et donne un coté très saccadé à ce film court, avec des moments calmes et des moments de totales folies. Ces folies qui éclatent à l’écran, par ci, par là, nous font sourire et nous rappelle une certaine décadence, celle des repas du dimanche, que nous connaissons tous. 
Ce court-métrage, est un touche à tout. On nous parle de politique comme de l’homosexualité (car oui, Jean, en plus de s’ennuyer au repas, est gay et victime de questions gênantes liées à son orientation sexuelle, avec par exemple la grande question du « tu es encore avec ton ami ? »). La vie étudiante y est aussi évoquée comme tout aussi bien la famille, la société ou encore le sexe. Tous les sujets exposés à un repas de famille, réunis dans un court métrage de 15min. 
On peut d’ailleurs y voir une critique, une critique de la société, des semblants et des faux semblants (on peut citer l’alcoolisme mondain du père), mais aussi et surtout, une critique de la vie ordinaire que l’on peut avoir. Très particulièrement en France d’ailleurs. Nous, français, ne cessant pas de critiquer, de dénigrer notre propre vie, de l’ennuie qu’elle peut nous procurer et en même temps on ferait rien pour la changer. C’est notre façon à nous de montrer que nous sommes attachés aux habitudes et à la banalité des choses. Céline Devaux expose ici des stéréotypes certes, mais des stéréotypes valables : le père qui ne dit jamais rien, la mère totalement délurée qui ne cesse d’être nostalgique de sa jeunesse et qui n’a aucun gêne pour parler de sexe avec son fils qui plus est à table, il y a aussi les deux tantes insupportables qui ne peuvent pas s’empêcher de poser des questions totalement indiscrètes afin de tout savoir sur tout et puis la grand-mère qui ne bouge plus, qui ne dit plus rien (critique de la vie et de la mort plus généralement…). 
On peut complètement s’identifier à ce film, à ce genre de repas qu’est entrain de vivre Jean. Le travail et les dessins de Céline Devaux sont simples et efficaces, avec une délicatesse ressentie dans les dessins et un manque de finesse , presque une maladresse dans la façon de dire les choses : Vincent Macaigne parle comme il pense, sans retenue.
Les points forts du film (voix-off, musique, multiplicité des sujets, banalité des situations) peuvent aussi se confondre en points faibles : la voix plaît ou ne plaît pas, il en est de même pour le rythme saccadé (entre monotonie et frénésie délirante) et le manque d’originalité que l’on pourrait prêter au scénario.
Néanmoins, nous avons vraiment appréciés ce court-métrage qui est à la fois drôle et pertinent tout en étant réaliste. On se sent vraiment proche du "mec" qui nous parle et qui nous raconte l’histoire de Jean, le spectateur se sent du coup beaucoup plus impliqué et concerné bien qu’il s’agisse d’un film court (qui généralement sont ignorés au profit des longs-métrages).

Clara Hendrick  x  Quentin Lagrost 



THE REVENANT


THE REVENANT
un film d’Alejandro González Iñárritu





         Rares sont ceux qui n’ont pas entendu parler du dernier long métrage d’Alejandro González Iñárritu, The Revenant. 
En effet, outre le fait que chaque film d’Iñárritu est très attendu par le public, celui-ci à suscité beaucoup plus d’attention que les autres, notamment avec la nomination de Leonardo DiCaprio pour l’oscar du meilleur acteur. 
Lorsque nous sommes allés voir le film, nous avions peur que ce dernier ne soit pas à la hauteur de nos espérances. Nous avions fixé la barre très haute, d’une part à cause de cette polémique autour de la performance d’acteur entreprise par Leo, mais aussi, parce que nous connaissons le cinéma d’Iñárritu, et que nous nous attendions à un film grandiose, qui mériterait les éloges qui lui ont été faites.
C’est ainsi qu’en ce vendredi 25 mars, séchant 2h de cours de dramaturgie, nous partîmes nous enfermer, pour une durée de 2h36, dans une salle sombre de l’UGC de Lille, afin de visionner, enfin, ce film, qui  a tant fait parler de lui. 

Verdict? The Revenant, est un véritable chef-d’oeuvre cinématographique. Mais finalement, c’est quoi The Revenant ? Si ce n’est l’histoire d’un homme abandonné et laissé pour mort, dont l’unique raison de vivre sera de se venger de l’homme qui a tué son fils. Le scénario est, et reste assez pauvre en lui-même, et cela peut faire peur. Cependant, Iñárritu nous prouve à travers ce film, que l’important ce n’est pas l’histoire racontée, mais plutôt, la façon dont-on la raconte.
En effet, dès les premières minutes, nous ressentons l’atmosphère du film, pleine de froideur et de beauté, ainsi que son énergie, et son rythme, très contrasté, à la fois lent et avec une tension omniprésente et palpable. Ce film mêle brillamment une histoire de vengeance, aux paysages somptueux d’une Amérique sauvage et hostile à l’homme, ou survire est la seule chose à faire.
L’esthétique du film est franchement agréable, les paysages sont magnifiques, Iñárritu nous plonge dans l’action avec caméras grand angle et ses plans séquences rythmés qui nous donnent une impression de réalisme hors-norme, c’est comme si nous étions, avec ces rudes gaillards, perdus dans ces forêts et ces vallées ou la nature fait la loi.
Pour voir le jour, The Revenant à du faire face à de nombreux défis techniques, comme par exemple, le fait que le film entier ait été tourné en lumière naturelle et dans des décors réels, ce qui ne facilita pas le travail aux acteurs et à l’équipe technique. Cependant, le rendu à l’écran, nous le pensons, méritait bien quelques souffrances. 

Notons ensuite la performance des acteurs. Le personnage de Hugh Glass est interprété à la perfection par DiCaprio, bien que manquant un peu de dialogues nous devons l’avouer. Tom Hardy, dans le rôle de John Fitzgerald nous livre une interprétation brutale et noire d’un trappeur prêt à tuer n’importe qui afin de rester en vie. De plus, ayant vu le film en version originale, nous avons pu profiter de l’accent de ce personnage, qui ajoute beaucoup à son charisme. 
Dans The Revenant, il n’y a quasiment pas de personnages secondaires, en effet tous, les personnages ont leur importance et permettent de faire avancer le récit.
Le seul point négatif que l’on peut émettre sur ce film, c’est sa durée. En effet, le film est assez long et dure 2h36. Cette longueur se ressent, à certains moments, notamment à cause du fait que le film, même s’il regorge d’actions est globalement assez lent. Cependant, nous considérons que cette lenteur est importante et même necessaire pour que le spectateur se prenne pleinement à l’histoire. 
De plus, il est important de noter que The Revenant est inspiré de faits réels. Oui, le trappeur Hugh Glass à bel et bien existé et le calvaire qu’il endure dans le film à bel et bien eu lieu, en 1823 dans le Dakota du Sud.
Finissons cette critique, en parlant d’un autre élément important du film, sa bande son. The Revenant possède une bande sonore unique et enivrante qui colle parfaitement à l’ambiance de ce long métrage. Cette bande son fut faite, par les compositeurs Ryuichi Sakamoto et Carsten Nicolai.


En résumé et si nous devions vous donner un conseil, aller voir The Revenant, vous ne serez certainement pas déçu, à moins que vos gouts en matière de cinéma ne se résument qu’aux blockbusters de super-héros comme on en voit de plus en plus chaque année. Si cela est votre cas, alors non ce film n’est pas fait pour vous. Mais si vous voulez utiliser intelligemment 2h36 de votre vie afin de contempler un film unique et original, allez voir THE REVENANT.

un critique de Simon Durot et Charly Dewalles

« Absence monumentale»


L’architecture de l’Absence, Francesca Piqueras, Galerie de l’Europe, 2011.


Alors que nous commencions à nous poser des questions sur la pertinence des oeuvres exposées par les galeries à l’Art Up en ce Jeudi 25 Février 2016, notre attention fut attirée vers le carré D500: la Galerie de l’Europe
Parmi la série de photographies de Francesca Piqueras exposée ce jour là, l’une d’entre elles nous interpella plus particulièrement. Cette photographie, prise en format paysage et d’une taille légèrement plus grande que le format raisin, fut comme un appel à notre regard. 
Face à elle nous ne pouvions nous tenir tout à fait au centre, non par le fait que nous étions deux mais par un cadrage légèrement décentré. Ce dernier fut déstabilisant notamment en raison de la présence d’une ligne droite au sol qui faisait écho à celle se trouvant en haut de l’arcade, et qui par conséquent empêche une symétrie parfaite. Mais alors pourquoi ce choix ? Peut être pour donner au spectateur une autre perspective, un autre sens à l’image.
En effet, l’artiste cherche à nous interroger, à nous pousser, à aller plus loin que le premier mur. En nous proposant un angle décalé, elle nous engage dans une vue qui n’est pas frontale mais perçante. Tout comme cette brèche, qui s’est faufilée au travers de la brique à force d’usure, à l’image d’un homme s’épuisant au travail. Elle serait alors la métaphore d’un écorché vif. Accentué par des morceaux de ferraille, auxquels à tout moment nous pourrions nous embrocher. Ce délabrement de la construction de l’homme désormais passée, trouve une seconde beauté dans sa décrépitude. Alors que ces murs sont tachés, rouillés, abimés, troués, ils font trace d’un passé de constructions monumentales leur épaisseur renvoyant à celle d’un bunker. Ces murs sont un passage que la photographe nous invite à traverser pour retracer les évolutions industrielles. A la manière d’Ilda et Bernd Becher, Francesca Piqueras s’attache à retranscrire le souvenir d’un passé industriel. Ce tunnel sombre, et oppressant renvoi à une angoisse propre à chacun de nous : notre trajet vers une mort certaine. 
Avant d’arriver à cette funeste destination, les murs sont comme des étapes que chacun doit franchir tout au long de sa vie. Comme un pont qu’il faudrait traverser, la photographie nous rappelle le pont de Bir Hakeim à Paris, célèbre dans beaucoup de films pour son impression d’infini. 
A l’instar d’un futur encore inconnu, rappelé par ce fond noir, la première façade, elle, semble éclairée d’un halo de lumière qui nous invite à avancer. Ne serait- ce pas un piège vers lequel nous nous dirigeons ? En effet nous nous trouvons dans une coque de bateau, découpée en cloisons étanches et pourtant déjà submergées d’eau, comme un compte à rebours de la fin de notre vie. 
Dans cet espace vide, nous pouvons nous imaginer entendant le bruit des eaux se répandant dans la carcasse du bateau. Seule impression de vie à bord. Cette photographie à l’atmosphère fantomatique nous renvoie toujours à notre besoin humain de chercher de la présence là où il n’y a plus qu’absence. 
Nous ressortons de  cette oeuvre dans laquelle nous étions immergée en pensant finalement : « il y avait bien de la profondeur dans cette exposition. » 

Critique écrite par Maude Gallais et Anaïs Desvallées AS1


The Assassin (Hou Hsiao-hsien), the sound of silence




Condensé dans un montage de moins d’une heure quarante cinq, le dix-septième film de Hou Hsiao-hsien se présente dans sa durée comme une souche bien éloignée de ce que représentent souvent les films d’époque. Les malentendus ayant suivi sa présentation au festival de Cannes en ont fait un film « soit-disant » trop chargé au niveau du récit, et aux scènes d’actions presque inexistantes. L’intrigue éblouit pourtant par sa clarté, quant au scènes de combat, elles jouissent d’une stylisation entre accélérations et suspensions tout à fait originale. Leur rareté fait leur poésie et leur sensualité.

Le film s’ouvre en noir et blanc dans un format carré se rapprochant d’une esthétique passée : entre calligraphie et encre chinoise. On y découvre la jeune tueuse, avançant à tâtons pour mieux bondir sur sa proie. La mise en scène du prologue est à l’image du sabre de l’héroine : précise et affutée.
Si 
The Assassin se dresse comme le monde rêvé du petit Hou dévorant des livres « wuxia » sur la dynastie Tang, Shu Qi (rôle principal) en est son fantasme absolu.
La texture visuelle, au sens du toucher et de la vue, est en constante évolution. Une grande partie du film se passe entre les murs où se joue des intrigues amoureuses et familiales rendus floues et flottantes par des bougies, des voilures et des soieries. Les longs plans séquence intérieurs sont attachés d’un sentiment ondulatoire évident, les personnages semblent presque voler. La valeur d’un surnaturel silencieux qui suggère bien plus qu’il n’en dit. 
On peut regretter un certain manque de clarté de quelques éléments du scénario, comme la grossesse de la femme du gouverneur ou l’arrivée d’un personnage secondaire, mais l'alchimie se produit de manière soudaine, mais délicate.
Hou Hsiao-hsien crée son petit théâtre de marionnettes, où chacun disparait et réapparait grâce à des voiles, de la brume, un peu comme des fantôme . Il y a aussi ce plan incroyable où la tueuse vient retrouver celle qui l'a formée sur le haut d'une crête, les nuages montent peu à peu et finissent par faire disparaitre les corps.

Variation amère et poignante sur un thème éminemment cornélien, The Assassin semble traversé de fantôme shakespieriens et marque le retour du grand Hou Hisao-Hsien qui n'a rien perdu de sa superbe. Le cinéaste a gardé son amour du geste dépouillé, et sa maitrise étrangement désolée.


Antoine Joubert AS3

mercredi 30 mars 2016

Jodorowsky’s Dune de Frank Pavich : une ode à la création


On connait Alejandro Jodorowsky pour être provocant, c’est dans la nature de ce touche-à-tout chilien, tout du moins celle de son cinéma. La Montagne Sacrée (1973) en a opposé plus d’un à juste titre. Mais ce qu’il faut retenir de Jodorowsky c’est une quête de la spiritualité, la pureté de l’intention y est, qu’on soit en accord ou non avec les moyens de la mettre en scène. Frank Pavich réussit donc un tour de force avec son documentaire, plus qu’un film qui ne ferait que nous présenter la tentative de Jodorowsky d’adapter le roman de Frank Herbert, Dune (1965), au cinéma au début des années soixante-dix, Jodorowsky’s Dune est un ovni emprunt de spiritualité.

Un rituel initiatique, voilà ce que fait Frank Pavich du projet avorté qu’est Dune. Un rituel comme ceux chers à Jodorowsky lui-même qui nous raconte ici son projet, de sa genèse à ce qu’il en reste aujourd’hui. Ses talents de conteur en ressorte avec force appuyés par un montage intelligent, tel le héros de Campbell Alejandro est passé par toutes les étapes du voyage : appel de l’aventure, le guide, les épreuves, les alliés, le retour, l’élixir.

Mais si Jodorowsky aurait souhaité que l’« élixir » soit son film abouti, le « prophète » de l’humanité, celui qui changera notre regard sur l’univers et notre perception du monde –on peut d’ailleurs lui reprocher un manque de modestie manifeste, vouloir surpasser la séquence d’ouverture de Touch of Evil (1958) d’Orson Welles est une chose, le faire avec humilité en est une autre par exemple. Le fameux élixir gagné au bout du voyage prend une forme tout autre : un message d’espoir qui, bien qu’il ne change pas radicalement les mentalités, vient les bousculer. Frank Pavich, en se faisant intermédiaire redonne sa modestie au projet de Jodorowsky et nous livre ici une foi intacte d’avancer, de croire en nos projets les plus fous et les plus ambitieux. Parce que même dans l’échec il y a quelque chose à gagner. Le projet Dune de Jodorowsky a en effet touché toute la science-fiction qui a suivi, en commençant par Star Wars en 1977, passant par Alien (1979), Blade Runner (1982), et bien d’autres, tous clament « Je suis Dune ». C’est devenu une véritable source dans laquelle on vient puiser l’inspiration et les références. L’héritage du projet Dune est partout : dans les effets spéciaux, les plans, les décors, les personnages, et même les mouvements de caméras. La « bible » qu’a assemblé Alejandro à l’époque pour rassurer les studios sur son projet et le leur expliquer de A à Z présente le scénario, le découpage technique, le story-board, les dessins préparatoires de Moebius et H.R Giger sur l’environnement visuel, et a circulé dans les mains de tous les membres des studios hollywoodiens pour venir influencer toutes les créations cinématographiques à venir, encore aujourd’hui.

Ce qu’omet néanmoins Pavich dans son documentaire c’est la question de la réception de Dune s’il était vraiment sorti en salles. Jodorowsky ne cesse de le présenter comme un prophète mais un prophète a besoin d’un auditoire pour prêcher sa bonne parole. Et si finalement ne pas être réalisé est la meilleure chose qui soit arrivé au projet de Jodorowsky ? Ne pas être réalisé a permis à Dune de passer à la postérité, de devenir un monument de la S-F et du cinéma tout en transmettant son propos initial qui est qu’on peut changer les choses, qu’il suffit de les faire et de les partager. Jodorowsky’s Dune s’approprie d’ailleurs ce discours et réussi donc en tant que documentaire. S’il avait été réalisé, serait-il vraiment resté dans l’histoire ? Pas certain.

Et plus que nous raconter comment Jodorowsky a réuni son équipe de « guerriers spirituels » (Moebius, H.R Giger, Chris Foss, Dan O’Bannon, Orson Welles, Salvador Dali, Pink Floyd et Magma, David Carradine et Mick Jagger, rien que ça !) et comment ces derniers ont vécu le projet à l’époque et aujourd’hui avec quarante années de recul, Pavich nous donne à voir Dune par le pouvoir de notre imagination, nous guidant ça et là avec quelques animations, notamment du story-board, ajouté à la musique de Kurt Stenzel qui nous donne une idée de l’ambiance sonore dans laquelle nous projeter. Dune ne serait jamais être aussi beau que dans notre imaginaire. Une idée ne vaut-elle pas bien mieux qu’un objet fini ?

Jodorowsky’s Dune questionne ainsi l’engagement artistique, la persévérance dans la création, la question du discours autant que la meilleure forme à adopter pour le transmettre. Fidèle à Alejandro Jodorowsky et son projet, Frank Pavich nous propose d’atteindre une certaine spiritualité, une foi en nos rêves. C’est tout simplement une ode à la création artistique. 

Photo de David John Cavallo - © 2014 - Sony Pictures Classics : Alejandro Jodorowsky et Frank Pavich.


  Elisa Walbert. 


J'aimerais que ca soye aussi simple, voilà ce que les frères Coen tentent de montrer à travers la complexité du Cinéma Hollywoodien à son âge d’or”



Dans un univers totalement différent de Fargo réalisé 20 ans auparavant, Joël et Ethan Coen nous plonge au cœur des studios Capitol d’Hollywood dans les années 50, époque où le cinéma est en plein essor et naissance de star système où les vedettes sont fabriquées de toute pièce. On y retrouve les différents corps de métiers tels que le producteur (Eddie Manix), les acteurs (Baird Whitlock, Hobie Doyle, DeeAnna Moran et Burt Gurney), les journalistes (Thora Thacker et Thessaly Thacker), le réalisateur (Laurence Laurentz) , la monteuse (C.C. Calhoun) etc. On retrouve des acteurs fidèles aux frères Coen tels que George Clooney, Frances McDormand et entre autres Josh Brolin et Tilda Swinton.


Plus qu’une simple fiction autour du thème du cinéma, “Ave Cesar” témoigne d’une réalité frappante sur les studios Hollywoodiens des années 50 : Manipulation des acteurs, concurrence, exigences, la difficulté de passer du muet au sonore ainsi que la création de leur vie privée (Par exemple avec Joseph Silverman joué par Jonah Hill qui fait référence à un cadre de la MGM qui a couvert plusieurs acteurs en faisant disparaître des preuves pour leur éviter une mauvaise réputation dans les magasines People).. Tout y est ! Pour ce film, Joel et Ethan se sont d’ailleurs inspirés du vrai producteur Eddie Mannix qui, lui, gérait les studios de la MGM.


Cette face cachée des studios est mêlée à la touche d’humour bien personnelle des Frères Coen qui donne une atmosphère décontractée et comique, elle est présente dans de nombreux de leurs films tels que “Burn After Reading”. On y retrouve des personnages presque identiques, essayant tant bien que mal de paraître “sérieux” mais ridiculisés par des détails absurdes et hilarants (Par exemple lorsque Baird Whitlock interprété par George Clooney participe à une sorte de réunion entre communistes et se fait photographier par un homme étrange, ou au moment où Burt Gurney joué par Channing Tatum laisse tomber une valise d’argent dans l’eau pour rattraper son chien qui saute dans ses bras). Il y a en effet de nombreuses touches humoristiques tout au long du film, parfois très subtiles comme les trois cris d’aigles que l’on entend en arrière plan lorsqu’un personnage prononce le nom du film “L’envol des aigles”. Tout comme chacun des autres films réalisé par les frères Coen, on peut regarder ce film des dizaines de fois et découvrir à chaque relecture un nouvel indice ou un nouveau clin d’oeil.


Ave Cesar” traite également d’autres thèmes qui avaient un impact, surtout à cette époque, sur le cinéma tels que la montée du communisme et aussi la religion. Le sujet du communisme est au centre du film car c’est un comité de scénaristes communistes qui va kidnapper un acteur célèbre d’Hollywood afin de faire pression sur cette industrie dans l’idée d’obtenir l’argent des scénarios qu’Hollywood leur a volé. La religion est présente dans le film en lui-même (D’ailleurs le film débute sur Eddie Mannix au Confessionnal, qu’il fréquente apparemment régulièrement, on le comprend à la suite du film) et également dans la mise en abyme (Ave César : Histoire du Christ).


Le discours porté sur le monde du septième Art tout au long du film reste divisé. Il y a l’idée de “manipuler” les spectateurs, leur mentir sur la vie réelle des acteurs etc et puis d’un autre côté, d’après Mannix, il y a le fait de créer ces fausses rumeurs et ces fictions afin de divertir le peuple, de leur permettre d’échapper à l’ennui et à la réalité parfois bien moins amusante. D’ailleurs à la fin du film lorsque Baird Whitlock tente de se “rebeller” face au célèbre producteur, ce dernier le remet en place en lui précisant qu’il “traite bien ses acteurs”.


A travers “Avé César”, les frères Coen nous montre la part d’ombre d’Hollywood et d’un autre côté l’amour qu’il lui porte. Ils rendent hommage au cinéma hollywoodien en mêlant le comique et l'ambiguïté du cinéma.


Toujours avec une touche d’humour, comment ne pas rigoler devant la difficulté d’Hobie Doyle interprété par Alden Ehrenreich à prononcer sa phrase “J'aimerais que ça soye aussi simple”. Encore une fois,  les frères Coen mettent en avant une difficulté de l’époque et c’est le personnage d’Hobie Doyle qui nous le fait comprendre. Le passage du muet au parlant, “c’est compliqué”. Simple Cow-boy qui devient acteur pour un tout autre genre cinématographique : le cinéma “classique”. Le manque de paroles donné dans les western se fait en effet ressentir dans un tout autre type de film.


A la fois, péplum et comédie musicale, on retrouve une séquence surprenante typique des comédies musicales de l’époque. Merci à Channing Tatum et son magnifique interprétation de “No Dames!” tout en faisant des claquettes qui nous rappelle Gene Kelly et ses numéros de danse comme dans “Chantons sous la pluie”. Scarlett Johanson joue un rôle qui se rapproche de la figure d’Esther Williams avec également un numéro aquatique. Le film en cours de réalisation avec en rôle principal Baird Whitlock “Ave César : une histoire du Christ” est similaire au film “Ben-Hur”. Un autre péplum : “Quo Vadis” avec Robert Taylor en personnage principal victime des mêmes rumeurs que Baird Whitlock.


En plus de références aux classiques de cette époque, “Ave César” témoigne d'une période de l'âge d'or Hollywoodien marqué par le code Hays. En effet, les productions réalisées aux studios Capitol respectent les lois du MacCarthysme.


De l’humour sarcastique, du réalisme, des références voilà les ingrédients essentiels de Joël et Ethan Coen pour ce film à travers lequel les deux réalisateurs font un brillant hommage au monde du septième Art. Nous attendons désormais avec impatience leur futur chef d’oeuvre cinématographique.


Sophia Lezay et Ophélie Hottois.