lundi 11 avril 2016

Exposition War Hall : Les bombes des graffeurs ne tuent pas, elles font réfléchir.

Start Peace. 



Les artistes Mask et Atome s'associent depuis maintenant dix ans pour leurs créations. L'artiste Atome débute son œuvre au début des années 2000 dans les rues de Cognac, avec le choix de son nom il porte un regard très attentif à l’Homme et à ce qui l’entoure. A travers leur œuvre Start Peace ils dénoncent à la fois la guerre mais aussi la société de consommation influencé par les États Unis. En effet, utiliser l'image de Star Wars qui est sur médiatisé et sur consommé à l'international permet une reconnaissance plus accessible à tous. Il en est de même pour la typographie qui reprend celle du film.

                                                                          


Nous sommes plongés dans une ambiguïté à la vue de cette œuvre qui expose un personnage familier, la tête d'un soldat symbole de la guerre de cette fameuse saga, hybridé en un corps de colombe, symbole de paix. Il est judicieux de la part des artistes d'avoir transformer ce soldat de guerre en soldat de paix. Il en est de même avec le titre où la paix remplace la guerre, Star Wars devenant Start Peace. De plus, nous sommes confronté par la douceur des traits mis en opposition par ce titre qui est positionné ici comme un impact de balle. Les seules touches de couleurs apparaissent comme des éclaboussures causées par l’impact. Ce qui pourrait supposer être du sang qui coule apparait ici comme un mélange de couleurs ce qui renforce ce discours de paix car la peinture est inoffensive et ici adoucie le regard des spectateurs. L'oeuvre se situe, dans cette exposition, proche de la salle sonore dans laquelle des tirs d'armes résonnent en continu. Avec cet agencement, le son accompagne ce titre plaqué comme un impact de balle pour une illusion de réalité.
Toute une série d'oppositions permet alors de montrer cette tension existante entre la paix et la guerre. En effet, ces deux phénomènes s'opposent constamment, lorsque la paix règne elle peut très vite être menacée et rattrapée par la guerre et inversement. Les artistes montrent donc la fragilité de cet idéal de paix.

Est-ce alors une volonté des artistes de vouloir créer cette perception trouble chez le spectateur ou dénoncent-ils justement ces violences par des codes qui font partis de notre culture ?
Il est à la fois plus facile pour le spectateur de s'approprier une œuvre avec un symbole qui lui est familier que d'être face à une œuvre totalement inconnue où le temps de réaction et d'adaptation peut être plus important.

Le fait que les artistes utilisent et détournent une figure populaire connue de tous est très ingénieux car cela déclenche une reconnaissance culturelle chez chacun et donc une proximité entre le spectateur et l’oeuvre, bien que ce ne soit pas un système réellement original. Dans un premier temps, cette oeuvre nous séduit par son esthétique tel une affiche de film, mais nous découvrons dans ce deuxième temps de réaction la subtilité et la richesse de l’oeuvre. En effet, toutes les informations ne nous sont pas données dès le premier regard. Le message de paix est clairement montré par ce soldat hybridé en colombe mais nous ne pouvons pas remarquer d’emblée cette prodigieuse impression d’impact de balle fait sur le titre. C’est bien ici qu’est la subtilité car cet impact représente non seulement le choc, autant physique que mental de la guerre, mais aussi la société de consommation et l'américanisation, avec lesquels nous sommes dans une sorte de guerre symbolique et cultuelle.


Si nous sommes davantage sensible au street art il est encore plus facile d'adhérer, c'est alors un avantage que le Street Artist a, car il a plus facilement l'habitude d'exposer son art aux yeux de tous, et sait par quels moyens il peut toucher plus facilement un grand nombre de personnes. En effet, contrairement à d'autres artistes, qui souvent sont exposés dans des lieux clos, les graffeurs sont habitués à s'exposer dans les musées à ciel ouvert que sont les rues. Ils sont donc confrontés directement à un public plus large et évoluent à travers leur regard, ils savent ce que la société apprécie, à quoi elle est sensible et ce qu'elle déteste voir. Interpelé et sensibilisé, c'est ce que nous sommes avec cette oeuvre Start Peace.

Emilie Debolo et Julie Fos.

mercredi 6 avril 2016

10 Cloverfield Lane : le huis-clos qui sort de son trou ?



Suite illégitime de Cloverfield sorti il y a de ça 8 ans, 10 Cloverfield Lane se pose comme LE thriller de ce d’année. Pourquoi ?
Projet aux multiples visages portant initialement le nom de The Cellar, peu d’informations nous sont livrées concernant ce nouvel opus estampillé J. J. Abrams. Tenu secret jusqu’à sa sortie (comme pour son ainé), seul la bande annonce — terriblement efficace d’ailleurs — nous arrive tardivement et soulève déjà de nombreuses questions, aussi bien pour les fans du premier volet que pour les simples néophytes.


Film à gros budget, notre première impression serait de penser qu’il vise à rapporter exit l’originalité… Mais c’est en cela que 10 Cloverfield Lane intrigue : à la fois profond et divertissant, il parvient à happer l’attention du spectateur, à lui faire ressentir des émotions en phases avec les personnages mais surtout à suspendre le temps tant les rebondissements surviennent et surprennent. Huis-clos permanent, ce que n’avait pas fait Les Huit Salopards de Quentin Tarantino, 10 Cloverfield Lane le fait sous le meilleur des aspects. Le film nous enferme, en même temps que ses acteurs, pendant une heure et quarante-trois minutes de tension. L’histoire principale parait pourtant simple : croire ou non à ce que raconte un inconnu qui vous enferme dans un bunker, soi-disant pour votre bien. Le hic avec cette dernière est que notre jugement, ainsi que celui des héros est tantôt réconforté, tantôt réfuté, puis de nouveau mis à la page mais finalement balayée. C’est en cela la grande force de ce film ; Nous faire constamment douter par des indices mais aussi des preuves, de la véracité de l’histoire. L’action se déroulant dans un laps de temps continu participe à cette immersion, si essentielle à tout récit de suspense.



Si nous laissons sensations et émotions de côté, 10 Cloverfield Lane est un film très bien construit. Plutôt habitué aux « petites » productions, telles des publicités pour Nike, Coca-Cola ou encore Lexus, Dan Trachtenberg réalise ici son premier long-métrage remarquable.
Les images sont belles et très travaillées (à la manière d’Abrams). La majorité des plans sont plus longs que la moyenne actuelle — 2-3 secondes — ce qui permet une familiarisation des lieux et une clairvoyance des actions : tout nous est montré. À nous de comprendre. Les décors en nombre réduit participent aussi à l’immersion dans ce monde : les espaces soignés et hyper-stylisés concourent directement à rendre compte de l’atmosphère si particulière du film, par une palette chromatique à la fois froide (bleu, gris), reposante/familière (vert, marron) et rassurante (rose, jaune pâle).

La bande sonore est bien sûr efficace : musiques d’ambiances inquiétantes, bruits réalistes et sur-amplifiés. à noter la présence de quelques musiques pop enjouées, parfait contrepoint à l’angoisse « du fond du puits » ressentie du début à la fin. Fort de tous ces éléments de mise en scène pertinents, l’histoire peut paisiblement se développer au fil des minutes. Captivante, l’intrigue mue progressivement, multipliant les rebondissements. 10 Cloverfield Lane raconte plusieurs histoires en même temps, au sein du même espace et ce, de manière subtile. Elles se suivent, se rattrapent, se recoupent afin de perdre le spectateur, à l’image des héros. Les personnages quant à eux sont réduits au nombre de trois principaux, visibles en permanence à l’écran, en plan rapproché, étroitesse de la situation oblige.
L’interprétation est d’ailleurs une des clés essentielles de l’histoire : Mary Elizabeth Winstead (Michelle) incarne une superbe héroïne combattive et débrouillarde en quête d’émancipation. Face à elle, le gargantuesque John Goodman (Howard) nous campe un marginal au caractère schizophrénique, capable de nous inspirer tout autant la crainte que la confiance. Enfin John Gallagher (Emmett DeWitt) occupe la place du protecteur qui amène la part d’humour et de simplicité nécessaire à la mise en place de ce trio complémentaire.



10 Cloverfield Lane est un excellent thriller qui assied une atmosphère angoissante et maintient une tension permanente. Premier « blockbuster » réussi pour Dan Trachtenberg qui nous offre une œuvre joliment construite et bien pensée. La fin, aux accents beaucoup plus science-fiction laisse présager une suite, mais comment en être sur ? Avec un J. J. Abrams, discrètement mais continuellement aux commandes tout peut arriver. La prochaine fois, aurons-nous un film de science-fiction tirant vers l’humour auto-dérisoire ou vers la plus intrigante des frayeurs ? Mystère...

Victor - Hugo