vendredi 29 avril 2011

K.RUSH ou Movie Moving : quand le cinéma entre dans la danse.

Le dernier spectacle de Pál Frenák, présenté à Pécs en Hongrie en décembre 2010 est venu jusqu’en France à la Rose des Vents au mois de mars 2011.


Le spectacle commence. La musique débute et les rideaux s’ouvrent. Cette musique, c’est celle de Gilles Gauvin, qui s’accorde très bien avec le reste de l’œuvre. Sur scène, une voiture, une Cadillac, et un écran. On reconnaît, rien qu’a leur façon de se mouvoir, que les danseurs ont été dirigés par le chorégraphe Pál Frenák, pour ceux qui auront eu la chance de le voir se produire l’année dernière à la Rose des Vents avec sont spectacle « Seven ». Les gestes peuvent sembler élancés, maladroits voire improvisés, mais on fini par se rendre compte qu’ils sont au contraire d’une grande précision.


Pál Frenák nous apporte ici une vision peu habituelle du monde de la danse en y apportant des codes cinématographiques. Difficile de ne pas avoir de film en tête en regardant ce spectacle, la Cadillac étant un véritable symbole du cinéma hollywoodien. Mais si chacun pense à sa propre filmographie, rares sont ceux qui n’ont pas eu au moins une fois à l’esprit des cinéastes comme De Palma ou Tarantino.


Ce sont de jeunes et beaux danseurs (comédiens ?) qui se présentent devant nous, ainsi que Pál Frenák lui-même au milieu du spectacle. Ils enchainent une suite de scènes qui s’articulent comme un montage de cinéma, mêlant tous les genres. Courses poursuites, sexe, ambiance de plage, tous les clichés du genre sont présent et s’enchaines dans des temporalités qui semblent pourtant différentes.


Les projections ressemblent toutefois d’avantage à de l’art vidéo qu’à du cinéma. Elles ne font qu’appuyer les thèmes donnés et nous donne l’ambiance. Paradoxalement, le véritable film est sur scène.


C’est donc un véritable road movie qui nous est présenté sur scène, mélange ingénieux et peu classique que réussi Pál Frenák, et qui va bien plus loin qu’une chorégraphie présentant les thèmes habituels comme la mort qu’on retrouve chez Jan Fabre avec « Preparatio Mortis » par exemple.



Loïc Wemmeersche


A.S.3

Un expo de photos comme on peut l'espérer...

Prix HSBC pour la photo 2010


L’exposition des Lauréats HSBC a lieu à la maison de la photographie de Lille une fois par an depuis le début de leur partenariat en 2009. En 2010, ce sont les artistes Lucie&Simon et Laurent Hopp qui ont remporté le concours et dont les photos ont été exposés du 27Janvier au 23Fevrier 2011.

La maison de la photographie est répartie en deux étages et donc un pour chaque artiste. Ainsi, au rez de chaussée étaient exposées les photos de Lucie&Simon et au premier étage Laurent Hopp. Cela permettait de bien distinguer les deux univers proposés.

Avec Lucie&Simon, nous sommes plongés dans des photos du quotidien toujours accompagnées de quelque chose d’étrange et d’une sensation de vertige, confirmé par le titre de leur expo : « Scène de vie » souvent qualifié de « vertige du quotidien ».

C’est avec beaucoup de facilité qu’on se sent transporté et qu’on entre dans le monde des personnes prises en photo. Très vite on se pose des questions sur le moment, le pourquoi de la place de certains objets, l’histoire qui entoure ces personnes et cela nous amène à rester de longues minutes devant les photos à se trouver des réponses plus ou moins loufoques.

Dans l’expo, il y avait aussi des photographies venant d’une autre série appelée « Earth Vision » qui se détache de l’univers de « Scène de vie » et cela est bien décevant et donne un effet de trop peu avec seulement sept photos.

« Earth Vision » est un ensemble de photos prises à l’extérieur où le travail semble être plus fait sur les lumières artificielles de la ville que la mise en scène comme ce que propose « Scène de vie ».

Cependant, elle préparait bien à l’univers que nous propose Laurent Hopp au premier étage.

En effet, avec « Sublunaire » Laurent Hopp nous offre non pas des paysages mais une atmosphère. Les différentes photographies donnent cette impression de se retrouver dans un univers glacial, « gloque » genre thriller ou film d’horreur…

Elles sont toutes dominées par une seule couleur : rouge, bleu ou vert, donnée par les lumières artificielles de la nuit en ville.

Laurent Hopp est un artiste influencé par le peintre Edward Hopper et cela se voit par cette sensation de solitude que l’on retrouve dans ses photos. Elles représentent souvent des rues, des lieux sans présence humaine, voir complètement vides.

De plus, lors de ma visite, c’était une jour de pluie et l’ambiance était alors renforcée et le mal aise augmenté et ainsi à la différence de Lucie&Simon je ne m’attardais pas autant sur les photographies, pourtant toutes aussi intéressantes et impressionnantes.

Au final, l’expo était enrichissante mais elle l’aurait été encore plus si l’accueil n’avait pas été aussi décevant. En effet, la responsable nous a accordé quelques mots sur les photos de Lucie&Simon mais sans rentrer dans les détails et sans apporter un point de vue intéressant. De plus, la maison de la photographie a de grandes bais vitrés ce qui permet à la fois une grande luminosité naturelle mais amène aussi à de nombreux reflets sur les photographies ce qui empêche une appréciation complète, en particulier pour les œuvres de Laurent Hopp.


Sixtine Davoust, AS1

Pal Frenak et sa Cadillac dans son dernier spectacle

Aujourd'hui, je vous propose de faire un petit tour à la rose des vents, surtout si vous n'y connaissez rien en danse contemporaine. Au début, on peut effectivement être perdu "Mais qu'est ce que c'est que ces gens qui se tortillent dans tout les coins?" ou encore "Mais pourquoi ils font l'amour à côté d'un écran remplis de poissons?". Il suffit, tout simplement, d'accepter le pari : Etre transporté dans un univers. Pal Frenak, le chorégraphe franco-hongrois, nous offre deux beaux garçons et trois jolies filles sur un plateau. Que demander de plus? 50 minutes de spectacle où on constate que l'écran ne sert strictement à rien. Les danseurs , la lumière et la musique suffisent à créer un ailleurs, un monde qui parvient à nous transporter. Autour d'une vieille Cadillac qui nous évoque les bon vieux films américain comme Thelma et Louise. Les danseurs bougent, se bousculent, font l'amour, jouent et démontent la voiture.

On s'attache à cette voiture qui est capable de nous emmener au paradis, dans les nuages. Bien qu'elle soit démontable et qu'elle ne roule pas, elle appartient à nos rêves, nos films, nos envies. On fait ce qu'on veut d'elle. Alors si Pal Frenak veut monter au ciel avec elle, il le fait sur scène, avec nous et c'est très beau. C'est d'ailleurs le seul moment où l'écran servait à quelque chose : Le metteur en scène dans cette voiture de rêve, la tête dans les nuages, tout comme le spectateur.

Pauline GAUDOUX

AS3

Studo ciné Live

Né de la fusion des magasines Studio et Ciné live, il est lancé en 2009 avec ses 156 pages. En version pocket ou en format classique, Studio ciné live reste un magasine très accessible. Vous trouverez les films à l'affiche, les résultats au Box office, des brèves interviews et des dossiers de qualités.

Malgré sa facilité d'accès, on pourrait reprocher le côté "people" qui est mis en avant. Les critiques sont très courtes, ce qui pourraient expliquer l'argumentation déplorable. Les têtes d'affiches sont clairement mises en valeur, on peut trouver des informations inutiles tel que la chirurgie de Nicole Kidman au beau milieu d'une critique de Le mytho de Denis Dugan.

On ressent un véritable écart entre les articles. Certains journalistes écrivent d'une manière plus poétique comme Xavier Leherpeur dans sa critique de Ha ha ha réalisé par Hong Sang soo: "Un brillant cinéma du mot et du dialogue, secondé par une caméra faussement pudique, où tout est dit de nos échecs sentimentaux et nos errances professionnelles dans les silences douloureux et les hésitations poignantes."

Quelques pages plus loin, on retrouve une critique de quelques minuscules lignes, comparable à de la méchanceté gratuite signée Sandra Benedetti sur le film Fissures réalisé par Hicham Ayouch: "[...] Il y a deux hommes, une femme. Et des chèvres. Qui jouent à peine mieux que les acteurs, c'est peu dire. [...] le truc ressemble à une crise de nerf d'un parkinsonien avec une essoreuse. D'après le réalisateur, c'est un poème. Dieu merci, Baudelaire est mort. Une aspirine, merci, au revoir". Il n'y a aucune argumentation, aucunes informations sur le synopsis.

Malgré certaines critiques inutiles et trop axées sur les acteurs, Studio ciné live est un magasine qui tient la route. Il est annoté par des étoiles et classé par ordre de sortie au fil des pages. Les hors série sont plus complet et élaboré, j'ai été véritablement déçu en découvrant le mensuel de Studio Ciné Live.

Je vous invite tout de même à découvrir ce magasine, juste pour rire des critiques bien méchantes. C'est 2.90€, plus cher qu'un paquet de carambars!

Pauline GAUDOUX

AS3

K.Rush : un crash aux conséquences nombreuses

K.Rush (movie moving) de Pal Frenak, à la Rose des Vents du 09 au 10mars 2011


K. Rush (movie moving), nouveau spectacle du chorégraphe franco-hongrois Pal Frenak, nous entraine dans l’univers du cinéma au travers de la danse, deux arts rarement associés bien qu’à l’origine ils représentent tous les deux l’art du mouvement.

Avant même le début du spectacle, l’ambiance générale est annoncée avec le titre « K.Rush » faisant appel aux rushs du montage pour un film et « Movie moving » faisant référence aux road movies. C’est dans cette logique que l’on retrouve au centre de la scène une Cadillac blanche. Elle accentue le thème des road movies et donne un nouveau sens à « K.Rush » qui devient alors synonyme du « Crash » de voiture.

Le spectacle débute comme un film avec le titre annoncé sur un écran de cinéma au fond du plateau. Puis, une série de scènes s’enchainent mettant la Cadillac au centre des chorégraphies et des histoires. En effet, Pal Frenak semble remettre en scène de nombreux passages de films, voir des clichés du cinéma Américain comme l’ébat amoureux sur le capot ou encore les deux amies au volant d’une décapotable. Le spectateur est amené au jeu de : « retrouver les différentes références faites » et on peut alors citer Crash de David Cronenberg quand le jeune homme danse en béquilles ou bien Thelma et Louise de Ridley Scott avec les deux jeunes filles au volant de la Cadillac mais aussi Thunderbolt and Lightfoot de Michael Cimino ou encore Scarface de Brian de Palma.

Pal Frenak n’a pas cherché seulement à représenter ce cinéma « road movie », il a aussi voulu aborder le thème de l’Histoire. Ainsi, nous pouvons associer la présence de la Cadillac à la naissance de la voiture faite lors de l’avènement du cinéma. De même, la présence de Pal Frenak à la fin du spectacle s’explique par son envie de montrer les différentes générations de danseurs. De plus, il y a normalement des performeurs plus âgés qui permettent de mieux comprendre l’intervention du chorégraphe et appuient le thème des générations.

Il y a aussi une recherche au niveau de la spirale. En effet, la Cadillac semble représenter les différents rushs du montage et alors se démonte, s’assemble et se reconstruit et de même les danseurs font des cercles et tombent un nombre de fois incalculable. Cet effet de tour permanent amène à l’idée de la quête de soi développée dans le spectacle mais aussi le point de vue de Pal Frenak qui voit « K.Rush » comme un choc, une rencontre mais sans finalité : ce n’est pas une création mais une tentative.

Il tourne autour de nombreux thèmes tels que la conquête de l’Ouest, l’errance, l’insoumission, la quête de l’identité. Ainsi, il ouvre le spectacle à de multiples interprétations et donne accès à des références cinématographiques différentes selon le cinéphile qu’est le spectateur.

Enfin, bien que les clichés puissent très vite agacer surtout avec cette tendance à la nudité à la limite du vulgaire, la performance des danseurs reste impressionnante jusqu’à la fin et c’est avec plaisir que l’on regarde le spectacle se dérouler devant nos yeux.

Sixtine Davoust, AS1

Toute l’actualité artistique en un simple mouvement de doigt

Crée en 1993 par le journaliste Jean-Marc Adolphe, aujourd’hui rédacteur en chef, le magazine MOUVEMENT s’est s’imposé comme la référence de la presse culturelle et artistique. Après des débuts très tournés vers le milieu de la danse contemporaine, le magazine a changé de cap en 1998 après un an d’arrêt. MOUVEMENT est un magazine qui observe et analyse tous les pans de la scène artistique contemporaine : de la danse au théâtre, en passant par la musique, les arts visuels, la littérature et même la philosophie, aussi bien en province qu’en Europe. C’est un magazine très complet, dense (180 pages) qui défend une certaine vision de l’art et de la culture.

Ce magazine se divise aujourd’hui en quatre « chapitres », avec tout d’abord le cours des choses qui est une série de petits articles parlant de l’actualité artistique, entre les sorties de livres, de pièces de théâtre et de BD, on retrouve quelques textes concernant la politique culturelle de la France (notamment dans le n°58 où la « culture pour chacun » de Frédéric Mitterrand est fortement critiquée puisqu’il ne semble pas faire avancer les choses depuis le concept de « culture pour tous » de Malraux qui date de 1959 !). Une politique culturelle contestée puisqu’inefficace selon les auteurs des articles qui ne se privent pas pour en parler ouvertement – à la manière des articles « politiques » des Inrockuptibles, qui critiquent vivement notre gouvernement et ses actions, qu’elles soient culturelles ou non.

Après avoir fait un état des lieux de l’actualité, le magazine entre dans un chapitre plus complet qui se nomme Matières vives où les journalistes partent à la rencontre des artistes en pleine création. Ces pages sont parsemées d’interviews et de reportages sur les coulisses de ces nouvelles créations comme dans le récent n°58 qui s’attardait sur Antonio Lobo Antunes, Anthony McCall et le nouveau spectacle de Valère Novarina avec une interview exclusive de Daniel Znyk, comédien, réalisé il y a cinq ans peu avant sa mort qui nous parle de son travail, de son approche et de sa maitrise des mots du metteur en scène. Des articles plus conséquents que ceux des autres chapitres qui nous permettent de mieux visualiser la scène artistique contemporaine.

MOUVEMENT continue son chemin dans l’actualité artistique et culturelle avec l’art en actions qui nous parle des « nouvelles alliances entre esthétique et politique » c'est-à-dire des territoires qui oeuvrent pour une reconnaissance de l’art et des projets artistiques de certaines structures (le n°58 nous parle du Centro Parraga dans le sud de l’Espagne, ou des ZAT (zones artistiques temporaires) de Montpellier mises en place par Pascal Le Brun-Cordier). Ce chapitre regroupe donc des projets ou des structures qui font vivre leur ville et leurs habitants avec un regard politique et contemporain sur ce qui se passe dans le monde artistique et culturel.
Le dernier chapitre intitulé l’agenda des possibles est une sélection de spectacles, concerts, festivals et expositions du trimestre à voir en Europe. L’avantage de cette partie est qu’elle ne s’intéresse pas qu’à Paris et aux capitales européennes, mais aussi aux différentes villes de province où les choses bougent comme dans le Nord par exemple. MOUVEMENT organise donc un repérage attentif des lieux de création et une sélection très complète d’événements (spectacles, expositions, concerts, festivals…) qui permettent à chacun d’y trouver son compte.

MOUVEMENT est donc un magazine extrêmement complet et enrichissant, d’autant que la plateforme culturelle sur internet Artishoc et le site du magazine (mouvement.net) permettent d’étendre le magazine et d’y ajouter les nouvelles œuvres et créations qui n’ont pas été citées dans le tirage papier. Ce magazine, et son site internet, sont devenus une référence dans la presse spécialisée mais aussi au niveau de recherches universitaires. Avec ses dossiers complets et ses informations en tout genre sur la création contemporaine, MOUVEMENT est une source viable pour des recherches ou des dossiers universitaires. Bien qu’il soit un magazine « intellectuel », réservé à une certaine élite et non à des amateurs (comme peut l’être Beaux-arts Magazine par exemple), MOUVEMENT attise le regard dans sa forme : sa première de couverture est toujours très bien choisie, et les images illustrant les 180 pages du magazine le sont tout autant (citons notamment l’œuvre sans titre de Marc Gérenton, issue de l’exposition Tenir, debout au musée des Beaux-arts de Valenciennes, page 152 du n°58). De belles images et de beaux articles donc pour parler de la création scénique en plein MOUVEMENT vers la contemporanéité de l’art, de la culture et des politiques culturelles.

Sara Dufossé
AS 3

Giuseppe Penone

Artiste italien issu du courant de l’Arte povera, Giuseppe Penone est à l’honneur en cette fin d’année 2010 puisque le MAC’s (Musée des Arts Contemporains) accueille une rétrospective de son œuvre. Situé au Grand Hornu, ce musée installé depuis 2002 est au cœur d’un immense complexe minier – témoin de la révolution industrielle du XIXème siècle. On peut ainsi visiter l’ensemble du site, ses résidences, ses bâtiments administratifs et techniques, ses jardins tout en visitant l’exposition ici consacrée à Giuseppe Penone.

Poétiquement intitulée « Des veines, au ciel, ouvertes » l’exposition Penone fait « référence à l’anatomie des arbres écorchés par Giuseppe Penone comme à la géologie des anciennes mines de charbon du Grand-Hornu » et retrace le parcours de l’artiste de ses débuts et d’aujourd’hui. Alternant ses premières œuvres avec des plus récentes d’une salle à l’autre, l’artiste nous est montré à travers sa problématique de la nature, de l’homme par rapport à la nature, et du temps.

On retrouve ainsi son arbre le plus célèbre Il poursuivra sa croissance sauf en ce point (photo accompagnée d’un commentaire audio de Penone) montrant la métamorphose de la nature humaine dans la nature végétale. Cet arbre est soumis à la question du temps, et de la confrontation du temps de la nature à celui d’un être humain. Cette problématique se retrouve au sein du site du Grand Hornu puisque nous retrouvons en extérieur les œuvres Les pierres des arbres (2005) où de jeunes arbres sont confrontés à la pierre. Il faudra cependant attendre le passage du temps pour comprendre ces œuvres qui accompagnent les vieux bâtiments miniers.

Concernant le reste de l’exposition, on observe une quantité incroyable d’œuvres de Giuseppe Penone : entre sculptures, tableaux, photos et autres dessins, la rétrospective se veut vraiment complète. Nous avons notamment les impressionnants Peaux de graphite (2005), où l’artiste a dessiné à la mine de graphite sur fond de papier noir la dizaine de tableaux présents. Le papier se fait peau où de fines cicatrices s’inscrivent et rappellent celle du temps sur les arbres, et du Grand Hornu lui-même. Autre œuvre particulièrement impressionnante par sa taille, la Matrice de Sève (2008) qui nous présente un arbre écorché dans sa longueur où l’artiste a installé des moulages de certaines parties de son corps (mains, pieds) et où on retrouve de la résine, c'est-à-dire sa veine. Le corps est donc omniprésent dans l’œuvre de l’artiste, comme nous le montre encore les Géométries dans les mains (2005) qui réfléchissent le corps de celui qui les regarde et ce qui l’entoure. Trois séries importantes dans l’œuvre de Penone qui ne cesse de questionner le temps de la nature à celui du corps humain mais qui éclipsent par la même occasion les autres séries, notamment ses photos et dessins (Renverser sa peau, développer sa peau)

Cependant, même s’il est vrai que cette exposition retrace plutôt bien le parcours de l’artiste, elle saute des étapes importantes (toute la période des années 1980 et 1990) et reste assez mystérieuse dans le sens où il est assez difficile d’en comprendre le sens si l’artiste ne nous est pas familier. D’habitude accessible, Giuseppe Penone semble soudain s’éloigner du public par cette rétrospective qui reste malgré tout impressionnante.

Sara Dufossé
AS3

K-rush, ou le coup de « crush » du cinéma

K-rush, nouveau spectacle de la compagnie Pàl Frenak, s’invite à la rose des vents le temps de deux représentations. Alors que l’on ne s’y attendait pas, le chorégraphe hongrois nous invite à entrer dans un univers à part, où danse et cinéma se mélangent et se complètent. Un mélange presque à la mode après « Les rêves dansants – sur les pas de Pina Bausch » documentaire d’Anne Linsel et Rainer Hoffmann sorti en Octobre 2010, le sublime « Black Swan » de Darren Aronofsky et le dernier film de Wim Wenders, tourné en 3D, sobrement intitulé « Pina » sortis respectivement en Février et Avril 2011. Un mélange intéressant d’autant qu’ici, la chorégraphie cinématographique est une expérience du corps, de l’espace et de la mémoire.

Une mémoire constamment sollicitée pour trouver les nombreuses références au cinéma : Une grande blonde en robe noire dans un fauteuil nous fait penser à la Sharon Stone de Basic Instinct (Paul Verhoeven. 1992), les deux jeunes femmes dans la cadillac nous rappellent Thelma et Louise (Ridley Scott. 1991), un homme en costume ressemble étrangement aux gangsters des films noirs américains. Les références se suivent et ne se ressemblent pas : Crash de David Cronenberg, Easy Rider de Dennis Hopper voire le Paris-texas de Wim Wenders pour ses déserts impressionnants et on peut même rapprocher célèbre le road-movie Macadam Cowboy (John Schlesinger. 1969) où le personnage joué par Dustin Hoffman est un italien boiteux. Un handicap que l’on retrouve au sein même de la chorégraphie puisque l’un des danseurs utilise des cannes pour un enchainement de mouvements techniques particulièrement impressionnants. On observe alors une chorégraphie frénétique et des enchainements qui défilent tels les 24 images par seconde que nous offre le cinéma.

La sensualité est une autre thématique importante dans l’œuvre de Pàl Frenak. On remarque que la bande-son de Gilles Gauvin s’accorde avec les mouvements chorégraphiés qui nous montrent un langage érotique et parfois même violent. Cette violence fait aussi écho à la violence de la collision, inévitable, en bout de parcours comme l’avancée vers le vide/la mort de Thelma et Louise dans le film éponyme. Ces deux dimensions, érotique et violente, ne choquent même plus car après tout, ce sont aussi deux grandes obsessions du cinéma moderne : voit-on encore des films sans aucune violence ? Sans aucun geste érotique ?

L’écran blanc placé en fond de scène projette des images de routes désertes, de pleine lune, d’explosion, de nature etc. Des sortes de « clichés » du cinéma (le mot « FIN », la bande-annonce) qui appuient cependant le mouvement et la chorégraphie. Un écran qui devient presque invisible au fil du spectacle tellement nos yeux restent fixés sur la chorégraphie de la troupe et sur cette cadillac démontable. Une voiture que l’on sépare, rassemble, tourne dans tous les sens, place à un endroit de la scène bien précis et qui rappelle évidemment le processus filmique et la notion de plans et d’espace cinématographique.

Ainsi en l’espace de cinquante minutes, Pàl Frenak nous entraine aux confins de son imagination et de ses souvenirs de cinéma. Des images nous restent en mémoire, comme celle du chorégraphe qui intervient dans son spectacle à la toute fin et mélange ainsi les générations de danseurs, et d’amoureux du cinéma. Des générations qui se mélangent, et échangent sur les thématiques abordées par K-rush. Tel un sage face à une jeunesse dynamique (violente et érotique ?), le chorégraphe s’impose comme un personnage de road-movie qui nous entraine dans un rêve éveillé. Une belle expérience qui vaut le coup d’œil !

Sara Dufossé
AS 3

"K-Rush" : La collision est évitée de peu...

Dans ce spectacle signé Pal Frenak, le metteur en scène dévoile une vision personnelle et collective du road movie. Celle-ci composée d’innombrables séquences de films (de « rush »). L’engin mécanisé qui trône au centre de la scène, renvoi aux symboliques qui lui sont généralement attribuées : vitesse, brutalité, et pour l’imaginaire collectif : l’évasion. Pal Frenak invite le spectateur à l’évasion, à la découverte d’autres territoires tout en risquant, à divers endroits, de le heurter et de l’emboutir par des moments d’incompréhension.

Dès les premières minutes, le spectateur se noie dans un flot d’informations. Il essaye, temps bien que mal, d’analyser les éléments qui viennent composer la mise en scène et, la nature humaine est faite ainsi, de trouver un sens à ce qui lui est proposé. Mais rapidement, il abandonne la compréhension au profit du spectacle scénique. Il n’est pas nécessaire de trouver un sens au spectacle au risque de devoir supporter plusieurs minutes d’ennui. Laissez-vous porter par la fantasmagorie environnante permise par le dépaysement que suscitent les images, les danseurs et les références. Vous ferez également diverses rencontres : des gangsters filants sur les routes à vive allure, qui n’hésitent pas à se servir de la voiture comme d’une arme, une jeune femme persécutée, des amies s’offrant une petite virée vers l’aventure et l’exotisme, … Les références cinématographiques ne manquent pas, le spectateur-cinéphile parviendra facilement à les dénicher. De « Thelma et Louise » en passant par le fantasque « Las Vegas Parano » et le plus qu’angoissant « Crash » de David Cronenberg ; ils sont autant d’inspirations au metteur en scène. Celui-là même qui ne peut s’empêcher d’apparaître pour signer son œuvre et s’emporter au volant de son bolide au centre de la scène. Le rendu est kitch, un brun narcissique et Pal Frenak écrase le public par sa présence énigmatique. Mais le spectacle promet un voyage pour les sens (auditifs, visuels et parfois même olfactifs dû aux fumées dégagées par les cigarettes des actrices). Aussi nous pouvons y joindre à se spectacle une étendue des productions futuristes des années 1900. Les pulsions sexuelles, la vitesse, la collision, la brutalité sont autant de manifestations qui concourent à placer ce spectacle dans une veine futuriste. Le métal ou la voiture rutilante sont des ustensiles dangereux, capablent des pires moments comme des meilleurs, mais toujours synonymes de passions et de brutalités.

La volonté d’un road-movie débute d’un désir de quitter les obligations le temps d’une virée, d’une volonté de rencontres d’individus différents et d'une aspiration à une nouvelle vie. Ne plus se cantonner à la routine de sa petite vie conventionnel et minable. Mais le changement de vie ne peut se faire sans échecs et sans obstacles, il s’accompagne régulièrement de fausses notes et de mauvaises décisions. A l’image de ce spectacle qui peut en dérouter plus d’un. Un certain bagage est sans doute nécessaire pour pouvoir aborder le spectacle et se plaire à l'expliquer, mais pour autant, le dépaysement reste intact.

"Les inRockuptibles" : Bien plus qu'un magazine musical

Le magazine « Les Inrockuptibles » réalisé en 1986 par Christian Fevret et Arnaud Deverre, se situe, dès ses origines, très clairement communiste et de gauche. L'intitulé du magazine peut duper, ce n'est pas qu'un simple magazine d'actualités musicales. Détrompez-vous cher lecteur, c'est bien plus que ça. On y trouve de la culture en tout genre, (spectacles, jeux-vidéos, cinéma, ...) et des actualités politiques et sociales également. Ce qui garnit massivement les pages de ce célèbre magazine.

Les premières pages sont préalablement dédiées à la société et à la politique actuelle de Nicolas Sarkozy. Tout va mal dans la politique et rien de ce qu’accomplit Monsieur Sarkozy n’a de sens aux yeux des rédacteurs, pourtant, dans la culture, tout est au beau fixe : de nouveaux artistes, des musiciens incroyables et inspirés, des cinéastes éblouissants, … Et c'est toujours un grand honneur pour les musiciens de lire dans ce magazine devenu culte, quelques lignes d'une critique élogieuse. Et les rédacteurs du magazine, quand ils aiment, ils ne comptent pas. Malheureusement, le magazine tient sa notoriété également par sa critique franche, radicale et directe sur les créations désastreuses de certains artistes. Et là, ça fait mal.

En revanche on déplorera le caractère spécifique et presque insensé dans la répartition des articles. L’hebdomadaire propose différents sujets, tous plus différents les uns que les autres. Un article traitant des recettes du cinéma français précède un second sur les prêtres pédophiles. Mais cet enchainement d’articles éparses et hétéroclites, permet au lecteur de « piocher » et de faire le choix dans sa lecture du magazine culturelle. Le principe étant de diffuser le maximum d’actualités, parfois trop… Ce qui contribue, à mon sens, à la lassitude du lecteur, qui abandonne les premières pages au profit des rubriques culturelles suivantes. Les prochaines pages se proposent ainsi de promouvoir un certain nombre d’artistes, de spectacles, d’ouvrages, de films, et surtout d’artistes musiciens. Le magazine n’a pas délaissé son ambition première : la découverte de musiciens, et diffuse un calendrier qui décrit les concerts à venir, les lieux et les dates. Ajouté à cela, de nombreuses publicités pour des albums et des concerts plébiscités par le magazine. Les critiques sont bien écrites, précises et agréables. Il n’est pas de références que le lecteur ne peut pas connaître (ne serait ce que de noms). Les larges références permettent à chacun de trouver ce qu’il cherche, de comprendre les écrits et de lui donner un aperçu sur l’œuvre décrite. Les écrivains s’efforcent de comparer les artistes à d’autres en se permettant, parfois, de citer quelques musiciens très médiatisés. La lecture du magazine ne nécessite pas nécessairement une grande connaissance musicale ou artistique, mais au moins la passion suffisante pour la culture et les arts.

Le triple jeu de l'art contemporain, un parfait outil de recherche

Avec Le triple jeu de l’art contemporain, sorti en 1998, Nathalie Heinich propose une réflexion sociologique sur l’évolution des arts plastiques depuis les années 50. Il se situe dans la lignée de livres fondamentaux tels que « L’œuvre d’art et son évaluation » de Jean-Marie Schaeffer ou encore « La distinction. Critique sociale du jugement » de Pierre Bourdieu. Ce livre est le résultat de plusieurs années de recherche et d’écriture de Nathalie Heinich, dont « Etre artiste. Les transformations du statut des peintres et des sculpteurs » ou « L’art contemporain exposé aux rejets ». Cependant, l’originalité de l'ouvrage réside dans le détail de l’analyse. Nathalie Heinich part des artistes et des œuvres et ses constatations l’amènent à d’autres, pour passer à la loupe le processus complet de ce qu’elle appelle « le triple jeu de l’art contemporain ». Avant tout didactique, le livre est extrêmement bien organisé : un prologue, trois parties et une conclusion. Le lecteur ne s’y perd pas, il est sans cesse guidé par les titres clairs, précis et surtout nombreux et rattrapés par les exemples concrets.

Malgré son aspect très structuré qui rend la lecture plus facile, il est évident que l’ouvrage ne s’adresse pas à n’importe quel novice dans le domaine. Effectivement, bien que la constellation de références soit large, le lecteur doit s’intéresser à l’art, plutôt à l’art contemporain et précisément à son fonctionnement et ses enjeux. D’emblée, l’ouvrage parait être destiné à un public plutôt spécialisé sur le sujet ; étudiants, chercheurs ou professionnels de l’art.

Le triple jeu de l’art contemporain s’ouvre sur les avant-propos construits de façon à ce que le lecteur sache exactement à quoi s’attendre à savoir « un livre sur l’art sans illustration, sans évaluation, sans opinion ». Là se trouve tout le génie de Nathalie Heinich qui prend les œuvres comme point de départ mais se contentant de les décrire, sans les juger. A vrai, dire les sources de l’auteur sont innombrables : ouvrages, travaux, enquêtes auprès des publics, enquêtes d’observations de terrain, de statistiques et d’analyses de textes.

Constater, définir et tirer des conclusions. En sociologue, Nathalie Heinich ne se contente pas de constater mais définit sans cesse les termes qu’elle utilise et tente de nuancer les généralités. Ce qu’elle fait parfaitement. Elle rejette les préjugés, remet sans cesse en question les termes, affine et étudie l’ensemble de ce qui constitue, selon elle, le triple jeu : transgression des artistes, rejet du public et intégration par les spécialistes. Elle constate un emballement de « cette partie de main chaude » qu’elle décrit comme un phénomène s’élargissement de plus en plus, presque sans trouver sa propre limite.

Chaque chapitre traite l’un de ces trois enjeux. Le premier prend pour sujet les transgressions des artistes. Qui dit transgression, dit frontière. Nathalie Heinich en fait le tour pour constater cinq frontières qui engendrent les transgressions : celles de l’art lui-même, celles du musée, de l’authenticité, de la morale et du droit. Dans cette partie, l’amateur d’art y trouvera son bonheur, puisqu’en auteur cultivée, la sociologue nous propose un panel d’œuvres des peintures et sculptures, aux performances et happenings en passant par les installations, les assemblages et les vidéos. En 2011, époque où la transgression devient la règle, c’est un réel plaisir de se rappeler ou de découvrir des œuvres contestées de la deuxième moitié du 20ème siècle. Le deuxième chapitre concerne les réactions que suscitent les productions artistiques. Nathalie Heinich prend le temps d’analyser les publics, séparant profanes et savants, et d’observer trois stades : l’indifférence, l’interrogation et le rejet. Le troisième chapitre, qu’elle nomme « Intégrations, les murs et les mots », traite de la réception des œuvres lorsqu’elle devient positive, c’est-à-dire intégrée dans murs des musées et des galeries et finalement dans les mots écrits ou parlés des spécialistes. C’est ce voyage du rejet à l’intégration que Nathalie Heinich ne tente pas d’expliquer mais d’en « esquisser les contours ».

Après avoir lu les 370 pages, on est en droit de se poser la question « et alors ? ». Il y a là un paradoxe : ce triple jeu de l’art contemporain parait de plus en plus grand, presque décrit comme un cercle vicieux que Nathalie Heinich fige sur papier. Mais elle ne nous dévoile pas comment en sortir, ne nous donne pas son avis concernant ce jeu. Ce n’était d’ailleurs pas son intention : « Les artistes […] s’avèrent ainsi des sociologues en acte, que le chercheur n’a qu’à suivre pas à pas pour expliciter les règles du jeu ». Elle se pose, avant tout, la question du « pourquoi ? ». Cet ouvrage n’est donc pas révolutionnaire mais il questionne et donne des pistes de réponses par l’analyse détaillée de la situation. L’attitude neutre de Nathalie Heinich peut agacer car le lecteur garde l’espoir d’une prise de position, d’une critique. Mais non, jusqu’à la dernière page, la sociologue questionne, analyse, décortique. Ce sont ces questionnements posés qui sont essentiels et indispensables à toute personne étudiant ou s’intéressant à la question de l’art. Ils peuvent être appliqués à d’autres arts tels que la danse contemporaine ou le théâtre contemporain et c’est ce qui fait du livre un parfait outil. Il est définitivement un instrument facile à utiliser, complet sur tous les points concernant le triple jeu et surtout extrêmement bien organisé ce qui permet à l’utilisateur de trouver ce qui l’intéresse très rapidement. Le travail de Nathalie Heinich est une garantie de qualité pour toute réflexion sur l’art contemporain.

Barbara TOUMAJAN

K. RUSH: Crash, crush ou rush ?

Discret dans le spectacle vivant, le cinéma est plus que mis à l’honneur par Pál Frenák dans son dernier spectacle. Jusque dans la composition de la chorégraphie, K. Rush (movie-moving) propose un « film vivant » sur la scène de la Rose des Vents à Villeneuve d’Ascq.

Les danseurs, en véritables stars hollywoodiennes, évoluent au fil des séquences qui se suivent à la manière d’un montage filmique. Grâce à l’unique dispositif sous l'imposante Cadillac, Pál Frenák, tel un réalisateur, propose des prises de vues réelles extrêmement variées. Les images projetées sur l’écran permettent à chacun de se référer à sa propre culture cinématographique. L’espace, devenu presque écran à son tour, est servi par les jeux de lumière et les musiques de Gilles Gauvin en parfaite fusion avec la représentation.

Le spectateur est transporté d’un tableau à l’autre, son regard est guidé par les trajectoires des personnages. Pari gagné, le chorégraphe et ses danseurs vertueux ont produit un Film-mouvement avec des acteurs-danseurs, des attitudes-mouvements, une scène-écran. Il va plus loin, la chorégraphie, le décor, les costumes, les interprètes, la musique, les lumières et même l’affiche, tout est entièrement dédié au cinéma. L’écran parait presque superflu, tant le spectacle est marqué d’une empreinte profondément cinématographique. Tous les thèmes chers aux grands noms du cinéma : violence, passion, sexualité qui nous font penser aux univers de cinéastes tels que Quentin Tarantino, Ridley Scott, Bryan De Palma.

Malheureusement, certains clichés du cinéma classique dépassent parfois l’exploration de la confrontation danse-cinéma. Une espèce de « perfection hollywoodienne » flotte du début à la fin : trois hommes, trois femmes, trois générations d’interprètes, un développement narratif tellement classique qu’il en est prévisible. Cependant, qu’on aime ou pas, Pál Frenák nous offre un tel panel d'éléments visuels que le spectateur n'a pas le temps de s'ennuyer.

A l’occasion de la sortie du film de Wim Wenders, « Pina », magnifique hommage à l’une des plus grandes chorégraphes du 20ème siècle, Pina Bausch, Pál Frenák renvoie la pareille au cinéma, sacrifiant presque sa passion au service du rendu filmique. De nombreux artistes illustres ont utilisé merveilleusement la vidéo, Anne-Teresa De Keersmaeker, Merce Cunnigham, Luncida Childs, sans jamais s’immiscer dans le monde du cinéma.

Pál Frenák surprend une fois de plus avec ce nouveau spectacle en s’inspirant d’un univers rempli de préjugés et en les poussant à l’extrême pour créer un nouveau langage, celui de la chorégraphie cinématographique. Pas étonnant pour celui qui cherche « son propre langage » depuis son arrivée en France. De MenNonNo à Intime, en passant par Twins, Pál Frenák a développé une réflexion autour de l’humain, de ses capacités corporelles et mentales.


Barbara TOUMAJAN

La critique est facile...

Zoonomia, de la nature humaine, une exposition de Christian Gonzenbach, à la Condition Publique. Il convient de dire qu’un artiste produit des œuvres de l’esprit, communiant ses idées précises et la plastique de ses œuvres. Christian Gonzenbach est un artiste cynique qui crée des œuvres faciles d’accès, accessibles aux plus petits comme aux plus grands. Son avis est tranché et ferait la fierté des « Verts » et de Brigitte Bardot : les Hommes ne sont que des animaux. A une époque où ces questionnements deviennent des préoccupations politiques, Christian Gonzenbach se place dans cette veine en renvoyant aux Hommes, les possibles conséquences de ses actes.

Les évolutions génétiques des Hommes n’ont fait que modifier leurs centres d’intérêts. L’Homme d’aujourd’hui n’est pas plus civilisé que le l’Homme de Néandertal des origines ; il a simplement changé de centres d’intérêt. De la chasse aux gibiers et aux gros mammouths c’est la traque incessante des nouvelles technologies et la recherche de « toujours plus de consommation ». Par les crimes des hommes dits civilisés, la faune et la flore se retournent contre ces peuplades qui pullulent notre terre. L’artiste nous dévoile des animaux en voie de disparition, une baleine édifiée par une charpente en bois de plus de 18m de longueur, la taille réelle d’une de ces bêtes.


Nous devenons les propres observateurs de nos erreurs et des conséquences de nos actes. La baleine disparaitra, et il ne restera d’elle qu’un vague souvenir périssable, à l’image du bois qui, quelques années après sa découpe, débute sa décomposition. Dans ce lieu étrange, nous passons entre les différentes œuvres du créateur cynique, amis des animaux et de l’archéologie. Les œuvres, telles qu’elles sont exposées, évoquent les musées d’histoire naturelle : les muséums. Ces lieux mystiques dans lesquels s’imbriquent les différentes découvertes, résultats de fouilles archéologiques. Celles-ci ont permises de découvrir le squelette d’un super héros. Un Homme à deux paires de bras et deux paires de jambes. Est-ce là le devenir de l’Homme moderne ? Capable de consommer autant de choses qu’il possède de bras.

Pourtant, Christian Gonzenbach souligne bel et bien la composition de ce squelette difforme et fragile faite en porcelaine nacrée. Ce super héro, malgré ses apparentes capacités héroïques, n’est pas à même de les exploiter. Il est incapable de s’envoler, tétanisé par la peur de s'écraser sur le sol et de se briser. A quelques mètres d’ici, un « Super lapin », un rongeur à taille de géant, capable de se venger des Hommes en les dévorant à leur tour. Bien plus qu'un simple retournement de situation, c’est l’historique du lieu qui est ironiquement critiqué. La condition publique, ancien lieu de conditionnement de la laine et de matériaux divers. L’artiste, ironise amèrement sur ces bêtes, ce rongeur fait de véritables peaux de lapins ou ces trois agneaux sans défense, installés dans la verrière, seconde partie de la visite. Dans leur enclos trône un rocher dont les rugosités et les déformations évoquent celles d'un crâne.


La mort plane au dessus de celui-ci, ces agneaux sont destinés à être conduits à l’abattoir. On les nourrit, on les loge, mais qui est à même de décider ce qui est bon pour eux ? Sommes nous réellement les meilleurs juges des conditions de vie de l’animal ?

Certes les œuvres de Christian Gonzenbach sont faciles d’accès, le sens est aisément perceptible et ne permet pas une grande réflexion. Un simple coup d'oeil permet de déduire le sens des oeuvres. La défense des animaux, le respect de la nature, l’engagement presque politique est une récurrence dans un travail artistique. Yves Michaud, dans L’art à l’état gazeux, souligne cet aspect dont se dore aujourd’hui les œuvres contemporains : un semblant de critique de la société sans recherches approfondies. Les œuvres sont aujourd’hui toutes faciles d’accès pour permettre une plus grande diffusion et accessibilité. Zoonomia, de la nature humaine, ne déroge pas à cette caractéristique.