dimanche 29 avril 2012

Heavy Métal ou l'Oréal ? Teach us...


Heavy métal ou l'Oréal ?

                Erna Omarsdottir nous a proposé le mardi 3 Avril à la rose des vents « teach us how to outgrow our madness ».  Chorégraphe irlandaise ayant déjà travaillé avec Jean Fabre, le metteur en scène belge très provocateur. Et on ressentait la même fibre artistique. Démence, hystérie entre 5 femmes pourtant resplendissantes. Les liens sont véritablement étranges et la chevelure est omniprésente ce qui n’est pas sans rappeler le film de Tim Burton, Swenney Todd. Un spectacle véritablement axé sur la féminité et tous ses aspects.

Mais alors, « heavy métal ou l’Oréal ? ». C'était effectivement la seule interrogation qui m'a perturbé à la fin du spectacle le mardi 3 Avril. 5 jolies filles à la chevelure resplendissante, on peut penser que ça ne peut être qu'un bon spectacle. Pourtant, quand celles ci se mettent à hurler ou à se secouer la tête dans tous les sens, on se demande si il faut appeler un exorciste. J'étais sur le point de le faire mais j'ai compris que cela faisait partie du projet de mise en scène. Plus sérieusement, c'était un spectacle dérangeant et en ce qui me concerne, même "Teach Us" fait concurrence à "Prometheus Landscape 2" de Jean Fabre, un autre spectacle tout aussi psychédélique. Au delà de mon rejet d'un psychédélisme trop extrême, c'est un spectacle qui a certains défauts.
En effet, il y a des parties du spectacle bien trop longues, trop pesantes (notamment lorsqu'elles sont prises de démence pendant 20 minutes) qui auraient pu être écourtées sans que l'on n'en perde le message. De même, tout le spectacle est très agressif : quand elles ne se tordent pas le cou sur le plateau, elles hurlent dans un micro plusieurs minutes dans une langue qu'elles seules connaissent ce qui n'est pas sans rappeler ces chanteurs souvent incompris de groupes de heavy métal. Les hurlements sont assourdissants et crèvent les tympans. Pire, ils sont récurrents et à nouveau, certains délires vocaux auraient pu être écourtés. Par ailleurs, je n’ai jamais vu autant de monde quitter la salle pendant un spectacle…
Tout est très lourd, violent, agressif, pesant dans une lumière ocre. C'est un spectacle qui impose une violence quasi continue et qui, par conséquent, semble n'avoir aucun rythme. Même les mouvements d’accalmie semblent préfigurer de l’agressivité : on reste toujours sur ses gardes. Par ailleurs, j'ai eu un doute quant à la définition que pouvait donner la metteur en scène sur le mot "danse" : il s'agissait plutôt d'un enchaînement mystérieux de mouvements d'hystérie. Et c'est là un des défauts qui se fait passer pour une qualité en soulevant une problématique en faisant de "Teach Us" un genre de méta-danse, qui s'interroge sur la frontière qui existe entre le mouvement et la danse.
Quant au fond de ce spectacle, il est soit amené par des très grosses ficelles (que dis-je ? Des cordes !) soit totalement incompréhensible. Je pense notamment à la scène où l'une des filles rompt le rituel d'un jeu surveillé par un jouet au centre du plateau (le sens saute aux yeux) ou même à une scène qui m'a particulièrement plu, lorsque l'une d'entre elles tente de tuer le fœtus de l'autre : les messages sont trop évidents dans ces deux situations. Effectivement, si l’on étudie plus en détail ce spectacle, on arrive à distinguer les différents portraits de femmes que nous dresse Erna : de la femme folle à la mère en passant par la fille, elle semble vouloir étudier tous les comportements féminins. Une entreprise qui se résumait toujours à la même chose : violence, cris, lutte (présente ou en préparation). La femme semble être caricaturée, redessinée selon des principes extrêmes. Et c’est là ce pourquoi, je pense, des gens quittaient la salle. En réduisant la femme en une succession de portraits toujours aussi psychédéliques, personne ne peut  facilement mettre en lien ou même en regard les femmes sur le plateau et notre voisine dans la salle. Tout semble distant, incroyablement éloigné d’une réalité un tant soit peu nécessaire pour que les comparaisons soient faites. L’univers est tellement décalé que le message nous le semble aussi : la réaction du public en témoigne. Il faut que cela lui parle et tous ces gens qui ont laissé la salle derrière eux, c’est la preuve même d’un projet incapable de lier nos consciences à un monde dont on ne comprend ni les enjeux, ni les attentes.
Des cheveux, ça, il y en avait. J'étais à me demander si les sponsors de l'Oréal ou Frank Provost n'étaient pas sur la plaquette de présentation. Et on était prêt à croire que c’était quasiment l’objet central du spectacle. Figure de la féminité soit, il est vrai. Mais c’est à nouveau une ficelle évidente et la récurrence de l’objet cheveux finit par lasser.

En bref, c’est un spectacle de danse contemporaine qui ne m’a pas ravi. Je pense que ce spectacle exploite un fond acceptable mais qu’il utilise une forme trop lourde, détachée de toute réalité et qui fait appel à un univers psychédélique qui ne fait envie à personne, remplit de cris et de hurlements incessants.

Louis Theil, AS 1

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