lundi 10 avril 2017




Sans titre, Régis RIGAUX, carré d'artiste Lille



Le tableau de Régis RIGAUX met en lumière un paysage urbain aux couleurs majoritairement froides, qui s’accorde à l’obscurité de la nuit et qui donne une atmosphère austère voire glaciale qui est accentuée par le temps pluvieux.

La structure du tableau est très ordonnée, la présence d’une ligne de fuite représentée par les bâtisses guide notre regard. Quelques silhouettes humaines à peine perceptibles arpentent les rues, s’effacent et disparaissent, elles sont presque inexistantes dans cette ville non accueillante et terne, mis à part une passante vêtue d’un manteau rouge qui attire notre regard. Les boutiques, bars et cafés qui sont habituellement des lieux de rencontre, de convivialité, sont ici vides, l’absence de voiture et de vie traduit la solitude dans cette ville singulière.

Le peintre expérimente une importante gamme de couleur, s’amuse avec la matière et avec les couches de peinture qu’il dépose sur la toile au couteau. L’artiste veut d’abord mettre en avant les sensations éprouvées à la vue d’un paysage urbain et reprend les procédés des impressionnistes par la technique utilisée par l’apport de la lumière et des couleurs chaudes et flamboyantes amenées par la façade des bâtiments. Sur ce tableau, le peintre immortalise un instant, tel une photo et représente la société de son temps : la modernité qui met en perspective les fluctuations sensibles d’un monde aux couleurs lunatiques.

Ce tableau matérialise et expérimente une grande gamme de couleurs, parfois vives, parfois sombres qui amène un contraste avec la façade des bâtiments aux couleurs vives et avec le temps pluvieux, l’obscurité et le manque de vie ce qui apporte une atmosphère austère, une ville hostile et inhospitalière.
L’artiste pose une réflexion sur la société de son temps à travers les paysages urbains qu’il représente. Ce tableau porte surtout une réflexion sur la peinture contemporaine et sur le retour à certaines influences artistiques antérieures, tel un retour en arrière. Cette technique de reprise de la démarche des impressionnistes pourrait être contestable mais l’artiste y apporte sa propre facture et représente le monde urbain contemporain tel qu'il le perçoit, en toute subjectivité.

Candice Karpinski

mardi 4 avril 2017



Nasutamanus, Daniel Firman, 2012

350 kg

220 x 528 x 112 cm



Les plus 
Le point fort de l’œuvre est sans équivoque son côté très réaliste, on peut même ici parler d’hyper-réalisme. Le spectateur ne peut qu’être qu’ébahi devant sa première vision de l’œuvre. Sa précision m’a épaté moi-même au point de devoir m’approcher pour m’en assurer, et tous ces détails m’ont fait « hausser les sourcils ». Même si il s'agit d’une véritable enveloppe charnelle, le résultat est bien présent.
Ce qui surprend aux premiers rebords c’est l’idée de pesanteur totalement absente. L’animal est comme en lévitation, il semble flotter dans les airs, tenu par la seule force de sa trompe. Cela crée un paradoxe, l’éléphant étant l’animal le plus lourd sur terre. On peut alors y voir un aspect risible et humoristique.
L’esthétique de l’œuvre est impressionnant, il nous intrigue et c’est pour moi une bonne chose que de questionner le spectateur qui se demande : « Comment l’artiste a-t-il fait ? » etc. Elle fascine, on a envie de la toucher et l’observer de plus prés.
Les moins
Cependant, l’œuvre pris dans sa généralité peut renvoyer à une maltraitance envers les animaux, elle aurait alors une dimension dénonciatrice. La position de cet éléphant est anormal et contre-nature, j’y vois personnellement un malaise, voire une souffrance pour lui.
La sculpture est dérangeante, choquante, on a presque cette impression que l’artiste se moque de la figure qu’incarne normalement un éléphant, car malgré son impressionnante configuration, on lui enlève son côté imposant en l’exposant de cette façon, dévalorisant la grandeur qui  caractérise habituellement l’éléphant.
L’éléphant retourné, les pattes en l’air traduit une posture inconfortable, comme si l’animal était mort ainsi. L’œuvre peut aussi diffuser le message pour lequel les animaux de cirque ne seraient pas à leur place, mal « entretenu », mal menés. Cela réfère de nouveau à cette idée d’inconfort et de contre-nature car les éléphants ne sont pas fait pour vivre ainsi, enfermés dans des cirques toute leur vie, privés de liberté. 

lundi 3 avril 2017



Thierry Zdzieblo

Sans Titre, 02/12/2016

Huile sur toile, 36 x 36



        


               Thierry Zdzieblo est un artiste-peintre d’origine polonaise né en 1966.
                     
         Passionné de sport, Thierry se lance dans une carrière de haut niveau. Il se                 spécialise dans l’ultra marathon (course à pied de très longue distance) par goût 
        du défi et de l’aventure.
           
     En 1995, il effectue en solitaire la traversée d’une partie du Sahara occidental (Maroc et Algérie). Cet événement le marque à jamais car l’épreuve se transforme en introspection et en quête artistique.
           
     De retour en France, il décide de se lancer dans la création. Il débute par la sculpture sur bois qu’il abandonne vite pour créer des peintures figuratives. Son entourage proche l’encourage à trouver sa voie dans l’abstraction.
           Autodidacte, Thierry travaille l’acrylique au couteau. Cette technique lui permet de travailler par touches et retouches. Ses œuvres évoquent une musicalité particulière. L’artiste cherche à exprimer sur la toile toutes ses émotions grâce à la primauté du rythme et à l’harmonie des couleurs. Comme dans une course, Thierry peint une toile avec le même esprit combatif et la même recherche personnelle. 

           
            Sa peinture se situe dans la mouvance de l’abstraction lyrique (expression pure et libre). Thierry invente une mélodie qui laisse libre cours à l’interprétation individuelle. 
     
               En marge de la réalité, il propose un imaginaire coloré que le spectateur peut peupler de ses propres visions et de ses propres sentiments. Ses œuvres sont pleines de mouvement, de fougue et de couleur. Elles sont toniques et enivrantes, d’une vitalité qui stimule les énergies. Sans se soucier des références au réalisme, Thierry construit une œuvre impulsive et explosive d’un enthousiasme communicatif. 
     Le rythme des couleurs impose sa raison à la raison, laissant la liberté expressive régir la composition. Il n’y a pas d’autre prérogative que celle de l’harmonie.
           Sur ses toiles il joue avec la matière et les couleurs, faisant apparaître jaune, rouge et bleu comme des explosions lumineuses sur ses toiles. Ses œuvres sont empreintes d'un véritable dynamisme tant dans la composition que dans la vivacité des couleurs.
            
           Il invente ses œuvres comme un musicien crée sa partition :
        
        Je travaille un peu comme un pianiste, j'avance par choix successifs, gardant et rejetant pour parvenir à un accord parfait sur la toile. Je suis venu à la peinture abstraite, après un court passage au figuratif, dorénavant, je sais que ma voie de prédilection a toujours été le geste, la couleur et la spontanéité. "
                                                   
                                                                                    T.Zdzieblo

       
              En définitive, Thierry Zdzieblo est un artiste moderne qui insuffle un vent de fraîcheur dans le monde l’art. Il tend de plus en plus à se faire connaître, notamment à Bordeaux où ses œuvres sont affichées dans la rue sur des panneaux de 225 m2.
           Il est artiste à part dans le paysage culturel contemporain.
           Même si en réalité ces techniques et ces influences sont assez répandues et copiées aujourd’hui, on peut dire que ses toiles dégagent une certaine vibration et une émotion particulière.




          Emeline Cambron       

dimanche 2 avril 2017

Toy Story, Camille Berna


« Toy story »
Camille Berna, 2017

Camille Berna est une artiste photographe belge âgée de 17 ans. Passionnée d’audiovisuel, elle étudie actuellement à l’INRACI, école de photographie à Bruxelles. Son père est photographe et sa mère est artiste peintre. Quant à elle, Camille affirme déjà son style personnel.
Camille Berna a la volonté de bousculer et souhaite laisser une empreinte décalée traduisant à sa manière le quotidien de sa génération. Elle présente des photographies aux thèmes volontairement décadents.

« Toy Story » est sa première série de photos qu’elle a présenté en déclenchant une approbation unanime des jurys de son école. Dans cette série, la jeune artiste photographie des mises en scène de la légendaire poupée Barbie et démystifie son image à la plastique parfaite.
Camille Berna a pour but de bousculer, de faire réfléchir le spectateur en proposant une image décalée introduite par une mise en scène bien préparée et réfléchie : aucun détail n’est laissé au hasard, chaque objet de la mise en scène est étudié et choisi avec style et raffinement. Elle cherche à afficher sa vision du quotidien de sa génération. Elle présente des photographies aux thèmes volontairement décadents : « l’adultère », « le suicide », « le lendemain de la veille » sont autant de sujets chocs aux parfums de vécu révélateurs de son temps.
Camille aime toutes ses réalisations mais avoue avoir un faible pour « Le suicide » non pas pour le sujet mais pour sa prouesse technique et son jeu difficile de mise en scène.



La composition est essentiellement composée de jouets. On y voit une voiture décapotable rose et blanche donc la portière côté conducteur est ouverte. Une Barbie sort de cette voiture de façon assez « attrape l’œil » : la tête au sol, les jambes en l’air dont une traversant son toit ouvrant, une chaussure en moins, son sac à mains et ses affaires renversées près de sa tête. Son visage est sale, elle baigne dans une substance qui se veut être son vomi. Les couleurs dominantes sont le rose fuchsia et le blanc. On peut dire qu’il faisait beau lorsque la photo a été prise. Cette photo est une figure du contraste ce qui tend à la rendre intéressante.

Je trouve cette œuvre remarquable et digne d’attention. En effet, elle apporte une vision différente de ce qu’on a l’habitude de voir.

J’aime beaucoup le contraste entre le plastique, la superficialité que représente l’idéal « Barbie » et la réalité à laquelle elle est confrontée ici, c’est-à-dire un accident de voiture. C’est également un contraste entre perfection (temps ensoleillé, lumineux, couleurs = rose, blanc, sourire de la Barbie, son corps parfait) et la vie réelle : cela montre que personne n’est parfait et que les personnes qu’on croit être parfaites ne le sont pas forcément. Camille Berna fait tomber avec brio toutes les illusions et les stéréotypes que l’on peut se faire à propos des modèles de beauté, de féminité, d’allure, etc.

Camille Berna met en lumière la superficialité qui prône dans notre société actuelle. Cela permet de nous interroger sur nos valeurs et nos modèles et de relativiser sur nos idéaux qui sont en fait illusoires.

La Barbie a été fortement controversée car elle donnait des complexes aux jeunes filles qui devenaient anorexiques en voulant ressembler à leur jouet préféré, oubliant que c’est effectivement un jouet et pas un humain, et qu’en voulant lui ressembler on perdait cette humanité. Ici l’artiste met en valeur le fait que la Barbie n’est pas parfaite et évacue cette volonté de lui ressembler.


-->
Cette œuvre est assez dérangeante, et pour l’avoir vu en vrai je peux affirmer qu’elle apostrophe et interpelle également le spectateur, c’est-à-dire qu’en l’apercevant on détecte tout de suite que quelque chose cloche, et cela donne envie d’aller voir de plus près la scène photographiée. Je pense que Camille Berna arrive facilement à transmettre ses idées et qu’elle est très talentueuse même si sa popularité n’est pas encore considérable. De plus, ses œuvres ou en tous cas celle-ci est accessible à tous par le fait qu’elle est facilement compréhensible, et que chacun connait la Barbie et sa réputation de « modèle de beauté » qui est ici renversé et renvoyé à une réalité beaucoup moins rose que ce qu’on imagine.

Léa Dautrevaux

Fat Car, Erwin Wurm, 2001

Dans son oeuvre « Fat Car », l'artiste autrichien Erwin Wurm dénonce par sa sculpture la société de consommation dans laquelle nous vivons et en fait une certaine satire. Cet aspect d'humain obèse pouvant même être vu comme « repoussant » que la voiture rejette n'est pas innocent, l'artiste crée une ressemblance entre la voiture, et son propriétaire riche, en argent, mais aussi en orgueil. 
Il nous montre donc cette voiture comme une voiture « bourgeoise » appartenant notamment à un bourgeois.
L'aspect obèse de cette voiture, étant autrefois profilée et aérodynamique, nous montre un changement s'étant conclu par celle-ci devenue inutile et inadéquate. Cependant cette transformation semblerait la rendre plus humaine, car la montre dans un état d'une certaine faiblesse visible, et non par une fausse image comme pourrait l'être une voiture étant dans un parfait état visuel, mais n'ayant pas de moteur.
Le fait que la voiture paraisse cependant neuve, que la peinture soit en parfait état, et qu'elle brille sous les spots, crée un grand contraste avec les déformations subies.
Elle nous fait penser à un homme ayant les moyens de garder une certaine apparence, mais qui ne peut en effet cacher la vraie façon de son être. Cette œuvre fait donc aussi référence aux écrits du psychanalyste allemande Erich Fromm qui dit que l'homme « représente aussi ce qu'il possède, et pas seulement ce qu'il est. »
Un second point qui est pris en compte par l'artiste, et que cette voiture ne pouvant plus prendre la route, étant donc loin d'accomplir son but de création, dépenserait
énormément d'essence si cela était le cas; ce qui reflète une critique pointue de la société; celle qui demande de consommer beaucoup, mais de rester dans une forme fine, entre les normes du « visuellement acceptable » posés par celle-ci.
Une forte critique de la surconsommation de l'Homme et donc notamment présente,
que ce soit pour la nourriture, et tout autre ressources vitales, mais aussi la technologie.
Nous pouvons notamment voir et dire que cette œuvre rejoint certaines œuvres de Duane Hanson, comme « The Supermarket Lady » ou encore plusieurs œuvre de Barbara Kruger dont « I Shop Therefore I Am » qui pointent à leurs tours du doigt cette aspect de la société qui pousse ses membres à dépenser et à consommer plus que le nécessaire.
Cette œuvre se base sur trois points très importants, le pouvoir, car la voiture n'étant pas un moyen de transport accessible à toutes personnes et surtout
les voitures de modèle sport, cela est signe d'un certain prestige.
À cela se joint la richesse. Puis le dernier point est l'apparence, c'est-à-dire plus vulgairement et simplement, le poids. Elle montre que ces trois attributs ensemble, étant diffusés comme les piliers du bonheur par la société, ne résulte pas de l'idéal que l'on pourrait imaginer.En créant d'un objet destiné à être doté d'un design esthétique, un objet totalement inesthétique, il bascule du désirable à l'absurde, et nous montre la fine ligne qui sépare ses deux termes, ses deux perceptions des choses, et que l'absurdité est présente dans notre vie de tout les jours, cependant pas de la même façon, ni sur les mêmes objets. 
Le fait de déformer et d'utiliser un objet de notre quotidien dans une manière différente et le sortir de son cadre d'existence singulière, rapproche l'artiste du mouvement Fluxus crée et nommé par George Maciunas, qui avait notamment les mêmes attentions dans les années 1960-1970.
                                                                                                                                          Theo Kaya.

Le Sorcier, ce résistant



Êtes-vous prêts ? Êtes-vous vraiment prêts ? Il vous tend la main là, il vous attend. N’ayez pas peur, acceptez donc son invitation à pénétrer avec lui dans un autre monde, ou simplement dans une autre tête. Il vous en ouvre grand les portes.

« Il », c’est Eric Démélis. Ou bien peut-être est-ce cet être gris, mystiquement nommé « le sorcier ». Peut-être même est-ce les deux. Décidez, faites votre choix, de toute façon il semble n’y avoir que peu de lois dans cet univers-là. Oiseaux anthropomorphes et homme au crâne brisé par des monstres divers et variés, il y en a pour tous les goûts, surtout les surréalistes. Mais de façon paradoxale, les plus terre à terre pourront y trouver l’esquisse d’une construction sociale, et déceler cette pression exercée par un groupe déterminé, celui de volatiles bariolés. 

Le sorcier serait donc cet homme placé au centre du tableau, emprisonné dans un costume formel avec col et cravate qui semble condamner tout mouvement. Ses yeux émergeant de ce visage malade et abîmé, nous fuient comme ils fuient la réalité. Mais ce n’est pas ce qui nous empêche de plonger dedans ainsi que dans cet autre réel. Démélis, tel un taureador, nous attire avec ce rouge délavé mais oppressant tout de même, les trouées claires nous permettant simplement de rester dans le songe et de ne pas nous faire basculer vers quelque chose qui pourrait s’apparenter à l’horreur. Le sorcier veut sûrement nous effrayer, mais c’est raté ! Ses bêtes ne sont guère inquiétantes pour nous, ce sont plutôt des monstres de l’ordre de ceux que l’on trouve sous le lit d’un enfant, inoffensifs et à l’existence toute relative. Bien qu’ils causent fissures et trous dans sa pauvre tête, ils finissent plus par la couronner que par l’handicaper, conférant à cet homme un vrai pouvoir, celui d’être différent. Quelques oiseaux arrivent à glisser leur bec dans cet amas monstrueux, l’un d’eux porte même une couronne. Mais, voyez-vous, cet homme emprunt de je ne sais quelle magie résiste, prouve qu’il existe, et comprend qu’il ne peut être roi que dans son propre royaume, alors qu’il ne serait qu’un pion dans cette jungle, ou plutôt basse cour, dans laquelle on souhaite l’attirer. 

N’est-ce pas magnifique ? Démélis nous offre ici une oeuvre vénératrice de l’esprit et de sa force, de cette pensée qui nous est propre. Une pensée remplie de figures forcément imaginaires, habitée par des aliens mais non aliénée. Dans ce monde torturé et ultra-normé, la folie apparente ne serait-elle finalement pas gage de bonne santé mentale ?

Démélis nous pose la question en nous invitant dans un univers à la fois sombre et enfantin, où l’angoisse est reine, mais où l’angoisse est belle. La laideur de l’âme s’annule placée à côté de cette foule dont le polissage et le caractère étriqué finissent par déranger. Finalement, les tourments de l’artiste sont les nôtres, et la salvation est commune.



Annabelle Bourreux