jeudi 31 mars 2016

C R I T I Q U E

"Le Repas Dominical" de Céline Devaux



« Le Repas Dominical » est un court-métrage de Céline Devaux, sorti en 2015. Nous avons pu le visionner dans le cadre de la soirée « Politiquement incorrect » qui se tenait à l’Hybride en ce début d’année, en compagnie de certains d’entres vous rappelez-vous en. Il a notamment été primé aux Césars 2016 pour le meilleur court-métrage d’animation et depuis peu, sélectionné en compétition officielle pour le prochain Festival de Cannes. 
Céline Devaux, déjà connu pour son court-métrage «Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine », a très bien su réutiliser son cinéma d’animation et contourner le « politiquement correct » à l’aide d’une bonne mise en scène des différents stéréotypes et clichés. « Le Repas Dominical », c’est l’histoire de Jean qui va chez ses parents pour le repas de famille du dimanche. Tout simplement.  Des thèmes très clichés de notre vie monotone sont ainsi exploités de manière à chargée l’oeuvre de symboles et de références à notre quotidien à tous. C’est d’ailleurs ce qui fait de son travail, un travail assez humoristique. Cette touche d’humour est largement appuyée par la voix-off, merveilleusement interprétée par la voix de Vincent Macaigne, qui alterne lenteur et désespoir avec loufoquerie et extase . Tout ça, accompagné par une superbe musique, super folle signée Flavien Berger qui s’amuse avec les rythmes, et donne un coté très saccadé à ce film court, avec des moments calmes et des moments de totales folies. Ces folies qui éclatent à l’écran, par ci, par là, nous font sourire et nous rappelle une certaine décadence, celle des repas du dimanche, que nous connaissons tous. 
Ce court-métrage, est un touche à tout. On nous parle de politique comme de l’homosexualité (car oui, Jean, en plus de s’ennuyer au repas, est gay et victime de questions gênantes liées à son orientation sexuelle, avec par exemple la grande question du « tu es encore avec ton ami ? »). La vie étudiante y est aussi évoquée comme tout aussi bien la famille, la société ou encore le sexe. Tous les sujets exposés à un repas de famille, réunis dans un court métrage de 15min. 
On peut d’ailleurs y voir une critique, une critique de la société, des semblants et des faux semblants (on peut citer l’alcoolisme mondain du père), mais aussi et surtout, une critique de la vie ordinaire que l’on peut avoir. Très particulièrement en France d’ailleurs. Nous, français, ne cessant pas de critiquer, de dénigrer notre propre vie, de l’ennuie qu’elle peut nous procurer et en même temps on ferait rien pour la changer. C’est notre façon à nous de montrer que nous sommes attachés aux habitudes et à la banalité des choses. Céline Devaux expose ici des stéréotypes certes, mais des stéréotypes valables : le père qui ne dit jamais rien, la mère totalement délurée qui ne cesse d’être nostalgique de sa jeunesse et qui n’a aucun gêne pour parler de sexe avec son fils qui plus est à table, il y a aussi les deux tantes insupportables qui ne peuvent pas s’empêcher de poser des questions totalement indiscrètes afin de tout savoir sur tout et puis la grand-mère qui ne bouge plus, qui ne dit plus rien (critique de la vie et de la mort plus généralement…). 
On peut complètement s’identifier à ce film, à ce genre de repas qu’est entrain de vivre Jean. Le travail et les dessins de Céline Devaux sont simples et efficaces, avec une délicatesse ressentie dans les dessins et un manque de finesse , presque une maladresse dans la façon de dire les choses : Vincent Macaigne parle comme il pense, sans retenue.
Les points forts du film (voix-off, musique, multiplicité des sujets, banalité des situations) peuvent aussi se confondre en points faibles : la voix plaît ou ne plaît pas, il en est de même pour le rythme saccadé (entre monotonie et frénésie délirante) et le manque d’originalité que l’on pourrait prêter au scénario.
Néanmoins, nous avons vraiment appréciés ce court-métrage qui est à la fois drôle et pertinent tout en étant réaliste. On se sent vraiment proche du "mec" qui nous parle et qui nous raconte l’histoire de Jean, le spectateur se sent du coup beaucoup plus impliqué et concerné bien qu’il s’agisse d’un film court (qui généralement sont ignorés au profit des longs-métrages).

Clara Hendrick  x  Quentin Lagrost 



THE REVENANT


THE REVENANT
un film d’Alejandro González Iñárritu





         Rares sont ceux qui n’ont pas entendu parler du dernier long métrage d’Alejandro González Iñárritu, The Revenant. 
En effet, outre le fait que chaque film d’Iñárritu est très attendu par le public, celui-ci à suscité beaucoup plus d’attention que les autres, notamment avec la nomination de Leonardo DiCaprio pour l’oscar du meilleur acteur. 
Lorsque nous sommes allés voir le film, nous avions peur que ce dernier ne soit pas à la hauteur de nos espérances. Nous avions fixé la barre très haute, d’une part à cause de cette polémique autour de la performance d’acteur entreprise par Leo, mais aussi, parce que nous connaissons le cinéma d’Iñárritu, et que nous nous attendions à un film grandiose, qui mériterait les éloges qui lui ont été faites.
C’est ainsi qu’en ce vendredi 25 mars, séchant 2h de cours de dramaturgie, nous partîmes nous enfermer, pour une durée de 2h36, dans une salle sombre de l’UGC de Lille, afin de visionner, enfin, ce film, qui  a tant fait parler de lui. 

Verdict? The Revenant, est un véritable chef-d’oeuvre cinématographique. Mais finalement, c’est quoi The Revenant ? Si ce n’est l’histoire d’un homme abandonné et laissé pour mort, dont l’unique raison de vivre sera de se venger de l’homme qui a tué son fils. Le scénario est, et reste assez pauvre en lui-même, et cela peut faire peur. Cependant, Iñárritu nous prouve à travers ce film, que l’important ce n’est pas l’histoire racontée, mais plutôt, la façon dont-on la raconte.
En effet, dès les premières minutes, nous ressentons l’atmosphère du film, pleine de froideur et de beauté, ainsi que son énergie, et son rythme, très contrasté, à la fois lent et avec une tension omniprésente et palpable. Ce film mêle brillamment une histoire de vengeance, aux paysages somptueux d’une Amérique sauvage et hostile à l’homme, ou survire est la seule chose à faire.
L’esthétique du film est franchement agréable, les paysages sont magnifiques, Iñárritu nous plonge dans l’action avec caméras grand angle et ses plans séquences rythmés qui nous donnent une impression de réalisme hors-norme, c’est comme si nous étions, avec ces rudes gaillards, perdus dans ces forêts et ces vallées ou la nature fait la loi.
Pour voir le jour, The Revenant à du faire face à de nombreux défis techniques, comme par exemple, le fait que le film entier ait été tourné en lumière naturelle et dans des décors réels, ce qui ne facilita pas le travail aux acteurs et à l’équipe technique. Cependant, le rendu à l’écran, nous le pensons, méritait bien quelques souffrances. 

Notons ensuite la performance des acteurs. Le personnage de Hugh Glass est interprété à la perfection par DiCaprio, bien que manquant un peu de dialogues nous devons l’avouer. Tom Hardy, dans le rôle de John Fitzgerald nous livre une interprétation brutale et noire d’un trappeur prêt à tuer n’importe qui afin de rester en vie. De plus, ayant vu le film en version originale, nous avons pu profiter de l’accent de ce personnage, qui ajoute beaucoup à son charisme. 
Dans The Revenant, il n’y a quasiment pas de personnages secondaires, en effet tous, les personnages ont leur importance et permettent de faire avancer le récit.
Le seul point négatif que l’on peut émettre sur ce film, c’est sa durée. En effet, le film est assez long et dure 2h36. Cette longueur se ressent, à certains moments, notamment à cause du fait que le film, même s’il regorge d’actions est globalement assez lent. Cependant, nous considérons que cette lenteur est importante et même necessaire pour que le spectateur se prenne pleinement à l’histoire. 
De plus, il est important de noter que The Revenant est inspiré de faits réels. Oui, le trappeur Hugh Glass à bel et bien existé et le calvaire qu’il endure dans le film à bel et bien eu lieu, en 1823 dans le Dakota du Sud.
Finissons cette critique, en parlant d’un autre élément important du film, sa bande son. The Revenant possède une bande sonore unique et enivrante qui colle parfaitement à l’ambiance de ce long métrage. Cette bande son fut faite, par les compositeurs Ryuichi Sakamoto et Carsten Nicolai.


En résumé et si nous devions vous donner un conseil, aller voir The Revenant, vous ne serez certainement pas déçu, à moins que vos gouts en matière de cinéma ne se résument qu’aux blockbusters de super-héros comme on en voit de plus en plus chaque année. Si cela est votre cas, alors non ce film n’est pas fait pour vous. Mais si vous voulez utiliser intelligemment 2h36 de votre vie afin de contempler un film unique et original, allez voir THE REVENANT.

un critique de Simon Durot et Charly Dewalles

« Absence monumentale»


L’architecture de l’Absence, Francesca Piqueras, Galerie de l’Europe, 2011.


Alors que nous commencions à nous poser des questions sur la pertinence des oeuvres exposées par les galeries à l’Art Up en ce Jeudi 25 Février 2016, notre attention fut attirée vers le carré D500: la Galerie de l’Europe
Parmi la série de photographies de Francesca Piqueras exposée ce jour là, l’une d’entre elles nous interpella plus particulièrement. Cette photographie, prise en format paysage et d’une taille légèrement plus grande que le format raisin, fut comme un appel à notre regard. 
Face à elle nous ne pouvions nous tenir tout à fait au centre, non par le fait que nous étions deux mais par un cadrage légèrement décentré. Ce dernier fut déstabilisant notamment en raison de la présence d’une ligne droite au sol qui faisait écho à celle se trouvant en haut de l’arcade, et qui par conséquent empêche une symétrie parfaite. Mais alors pourquoi ce choix ? Peut être pour donner au spectateur une autre perspective, un autre sens à l’image.
En effet, l’artiste cherche à nous interroger, à nous pousser, à aller plus loin que le premier mur. En nous proposant un angle décalé, elle nous engage dans une vue qui n’est pas frontale mais perçante. Tout comme cette brèche, qui s’est faufilée au travers de la brique à force d’usure, à l’image d’un homme s’épuisant au travail. Elle serait alors la métaphore d’un écorché vif. Accentué par des morceaux de ferraille, auxquels à tout moment nous pourrions nous embrocher. Ce délabrement de la construction de l’homme désormais passée, trouve une seconde beauté dans sa décrépitude. Alors que ces murs sont tachés, rouillés, abimés, troués, ils font trace d’un passé de constructions monumentales leur épaisseur renvoyant à celle d’un bunker. Ces murs sont un passage que la photographe nous invite à traverser pour retracer les évolutions industrielles. A la manière d’Ilda et Bernd Becher, Francesca Piqueras s’attache à retranscrire le souvenir d’un passé industriel. Ce tunnel sombre, et oppressant renvoi à une angoisse propre à chacun de nous : notre trajet vers une mort certaine. 
Avant d’arriver à cette funeste destination, les murs sont comme des étapes que chacun doit franchir tout au long de sa vie. Comme un pont qu’il faudrait traverser, la photographie nous rappelle le pont de Bir Hakeim à Paris, célèbre dans beaucoup de films pour son impression d’infini. 
A l’instar d’un futur encore inconnu, rappelé par ce fond noir, la première façade, elle, semble éclairée d’un halo de lumière qui nous invite à avancer. Ne serait- ce pas un piège vers lequel nous nous dirigeons ? En effet nous nous trouvons dans une coque de bateau, découpée en cloisons étanches et pourtant déjà submergées d’eau, comme un compte à rebours de la fin de notre vie. 
Dans cet espace vide, nous pouvons nous imaginer entendant le bruit des eaux se répandant dans la carcasse du bateau. Seule impression de vie à bord. Cette photographie à l’atmosphère fantomatique nous renvoie toujours à notre besoin humain de chercher de la présence là où il n’y a plus qu’absence. 
Nous ressortons de  cette oeuvre dans laquelle nous étions immergée en pensant finalement : « il y avait bien de la profondeur dans cette exposition. » 

Critique écrite par Maude Gallais et Anaïs Desvallées AS1


The Assassin (Hou Hsiao-hsien), the sound of silence




Condensé dans un montage de moins d’une heure quarante cinq, le dix-septième film de Hou Hsiao-hsien se présente dans sa durée comme une souche bien éloignée de ce que représentent souvent les films d’époque. Les malentendus ayant suivi sa présentation au festival de Cannes en ont fait un film « soit-disant » trop chargé au niveau du récit, et aux scènes d’actions presque inexistantes. L’intrigue éblouit pourtant par sa clarté, quant au scènes de combat, elles jouissent d’une stylisation entre accélérations et suspensions tout à fait originale. Leur rareté fait leur poésie et leur sensualité.

Le film s’ouvre en noir et blanc dans un format carré se rapprochant d’une esthétique passée : entre calligraphie et encre chinoise. On y découvre la jeune tueuse, avançant à tâtons pour mieux bondir sur sa proie. La mise en scène du prologue est à l’image du sabre de l’héroine : précise et affutée.
Si 
The Assassin se dresse comme le monde rêvé du petit Hou dévorant des livres « wuxia » sur la dynastie Tang, Shu Qi (rôle principal) en est son fantasme absolu.
La texture visuelle, au sens du toucher et de la vue, est en constante évolution. Une grande partie du film se passe entre les murs où se joue des intrigues amoureuses et familiales rendus floues et flottantes par des bougies, des voilures et des soieries. Les longs plans séquence intérieurs sont attachés d’un sentiment ondulatoire évident, les personnages semblent presque voler. La valeur d’un surnaturel silencieux qui suggère bien plus qu’il n’en dit. 
On peut regretter un certain manque de clarté de quelques éléments du scénario, comme la grossesse de la femme du gouverneur ou l’arrivée d’un personnage secondaire, mais l'alchimie se produit de manière soudaine, mais délicate.
Hou Hsiao-hsien crée son petit théâtre de marionnettes, où chacun disparait et réapparait grâce à des voiles, de la brume, un peu comme des fantôme . Il y a aussi ce plan incroyable où la tueuse vient retrouver celle qui l'a formée sur le haut d'une crête, les nuages montent peu à peu et finissent par faire disparaitre les corps.

Variation amère et poignante sur un thème éminemment cornélien, The Assassin semble traversé de fantôme shakespieriens et marque le retour du grand Hou Hisao-Hsien qui n'a rien perdu de sa superbe. Le cinéaste a gardé son amour du geste dépouillé, et sa maitrise étrangement désolée.


Antoine Joubert AS3

mercredi 30 mars 2016

Jodorowsky’s Dune de Frank Pavich : une ode à la création


On connait Alejandro Jodorowsky pour être provocant, c’est dans la nature de ce touche-à-tout chilien, tout du moins celle de son cinéma. La Montagne Sacrée (1973) en a opposé plus d’un à juste titre. Mais ce qu’il faut retenir de Jodorowsky c’est une quête de la spiritualité, la pureté de l’intention y est, qu’on soit en accord ou non avec les moyens de la mettre en scène. Frank Pavich réussit donc un tour de force avec son documentaire, plus qu’un film qui ne ferait que nous présenter la tentative de Jodorowsky d’adapter le roman de Frank Herbert, Dune (1965), au cinéma au début des années soixante-dix, Jodorowsky’s Dune est un ovni emprunt de spiritualité.

Un rituel initiatique, voilà ce que fait Frank Pavich du projet avorté qu’est Dune. Un rituel comme ceux chers à Jodorowsky lui-même qui nous raconte ici son projet, de sa genèse à ce qu’il en reste aujourd’hui. Ses talents de conteur en ressorte avec force appuyés par un montage intelligent, tel le héros de Campbell Alejandro est passé par toutes les étapes du voyage : appel de l’aventure, le guide, les épreuves, les alliés, le retour, l’élixir.

Mais si Jodorowsky aurait souhaité que l’« élixir » soit son film abouti, le « prophète » de l’humanité, celui qui changera notre regard sur l’univers et notre perception du monde –on peut d’ailleurs lui reprocher un manque de modestie manifeste, vouloir surpasser la séquence d’ouverture de Touch of Evil (1958) d’Orson Welles est une chose, le faire avec humilité en est une autre par exemple. Le fameux élixir gagné au bout du voyage prend une forme tout autre : un message d’espoir qui, bien qu’il ne change pas radicalement les mentalités, vient les bousculer. Frank Pavich, en se faisant intermédiaire redonne sa modestie au projet de Jodorowsky et nous livre ici une foi intacte d’avancer, de croire en nos projets les plus fous et les plus ambitieux. Parce que même dans l’échec il y a quelque chose à gagner. Le projet Dune de Jodorowsky a en effet touché toute la science-fiction qui a suivi, en commençant par Star Wars en 1977, passant par Alien (1979), Blade Runner (1982), et bien d’autres, tous clament « Je suis Dune ». C’est devenu une véritable source dans laquelle on vient puiser l’inspiration et les références. L’héritage du projet Dune est partout : dans les effets spéciaux, les plans, les décors, les personnages, et même les mouvements de caméras. La « bible » qu’a assemblé Alejandro à l’époque pour rassurer les studios sur son projet et le leur expliquer de A à Z présente le scénario, le découpage technique, le story-board, les dessins préparatoires de Moebius et H.R Giger sur l’environnement visuel, et a circulé dans les mains de tous les membres des studios hollywoodiens pour venir influencer toutes les créations cinématographiques à venir, encore aujourd’hui.

Ce qu’omet néanmoins Pavich dans son documentaire c’est la question de la réception de Dune s’il était vraiment sorti en salles. Jodorowsky ne cesse de le présenter comme un prophète mais un prophète a besoin d’un auditoire pour prêcher sa bonne parole. Et si finalement ne pas être réalisé est la meilleure chose qui soit arrivé au projet de Jodorowsky ? Ne pas être réalisé a permis à Dune de passer à la postérité, de devenir un monument de la S-F et du cinéma tout en transmettant son propos initial qui est qu’on peut changer les choses, qu’il suffit de les faire et de les partager. Jodorowsky’s Dune s’approprie d’ailleurs ce discours et réussi donc en tant que documentaire. S’il avait été réalisé, serait-il vraiment resté dans l’histoire ? Pas certain.

Et plus que nous raconter comment Jodorowsky a réuni son équipe de « guerriers spirituels » (Moebius, H.R Giger, Chris Foss, Dan O’Bannon, Orson Welles, Salvador Dali, Pink Floyd et Magma, David Carradine et Mick Jagger, rien que ça !) et comment ces derniers ont vécu le projet à l’époque et aujourd’hui avec quarante années de recul, Pavich nous donne à voir Dune par le pouvoir de notre imagination, nous guidant ça et là avec quelques animations, notamment du story-board, ajouté à la musique de Kurt Stenzel qui nous donne une idée de l’ambiance sonore dans laquelle nous projeter. Dune ne serait jamais être aussi beau que dans notre imaginaire. Une idée ne vaut-elle pas bien mieux qu’un objet fini ?

Jodorowsky’s Dune questionne ainsi l’engagement artistique, la persévérance dans la création, la question du discours autant que la meilleure forme à adopter pour le transmettre. Fidèle à Alejandro Jodorowsky et son projet, Frank Pavich nous propose d’atteindre une certaine spiritualité, une foi en nos rêves. C’est tout simplement une ode à la création artistique. 

Photo de David John Cavallo - © 2014 - Sony Pictures Classics : Alejandro Jodorowsky et Frank Pavich.


  Elisa Walbert. 


J'aimerais que ca soye aussi simple, voilà ce que les frères Coen tentent de montrer à travers la complexité du Cinéma Hollywoodien à son âge d’or”



Dans un univers totalement différent de Fargo réalisé 20 ans auparavant, Joël et Ethan Coen nous plonge au cœur des studios Capitol d’Hollywood dans les années 50, époque où le cinéma est en plein essor et naissance de star système où les vedettes sont fabriquées de toute pièce. On y retrouve les différents corps de métiers tels que le producteur (Eddie Manix), les acteurs (Baird Whitlock, Hobie Doyle, DeeAnna Moran et Burt Gurney), les journalistes (Thora Thacker et Thessaly Thacker), le réalisateur (Laurence Laurentz) , la monteuse (C.C. Calhoun) etc. On retrouve des acteurs fidèles aux frères Coen tels que George Clooney, Frances McDormand et entre autres Josh Brolin et Tilda Swinton.


Plus qu’une simple fiction autour du thème du cinéma, “Ave Cesar” témoigne d’une réalité frappante sur les studios Hollywoodiens des années 50 : Manipulation des acteurs, concurrence, exigences, la difficulté de passer du muet au sonore ainsi que la création de leur vie privée (Par exemple avec Joseph Silverman joué par Jonah Hill qui fait référence à un cadre de la MGM qui a couvert plusieurs acteurs en faisant disparaître des preuves pour leur éviter une mauvaise réputation dans les magasines People).. Tout y est ! Pour ce film, Joel et Ethan se sont d’ailleurs inspirés du vrai producteur Eddie Mannix qui, lui, gérait les studios de la MGM.


Cette face cachée des studios est mêlée à la touche d’humour bien personnelle des Frères Coen qui donne une atmosphère décontractée et comique, elle est présente dans de nombreux de leurs films tels que “Burn After Reading”. On y retrouve des personnages presque identiques, essayant tant bien que mal de paraître “sérieux” mais ridiculisés par des détails absurdes et hilarants (Par exemple lorsque Baird Whitlock interprété par George Clooney participe à une sorte de réunion entre communistes et se fait photographier par un homme étrange, ou au moment où Burt Gurney joué par Channing Tatum laisse tomber une valise d’argent dans l’eau pour rattraper son chien qui saute dans ses bras). Il y a en effet de nombreuses touches humoristiques tout au long du film, parfois très subtiles comme les trois cris d’aigles que l’on entend en arrière plan lorsqu’un personnage prononce le nom du film “L’envol des aigles”. Tout comme chacun des autres films réalisé par les frères Coen, on peut regarder ce film des dizaines de fois et découvrir à chaque relecture un nouvel indice ou un nouveau clin d’oeil.


Ave Cesar” traite également d’autres thèmes qui avaient un impact, surtout à cette époque, sur le cinéma tels que la montée du communisme et aussi la religion. Le sujet du communisme est au centre du film car c’est un comité de scénaristes communistes qui va kidnapper un acteur célèbre d’Hollywood afin de faire pression sur cette industrie dans l’idée d’obtenir l’argent des scénarios qu’Hollywood leur a volé. La religion est présente dans le film en lui-même (D’ailleurs le film débute sur Eddie Mannix au Confessionnal, qu’il fréquente apparemment régulièrement, on le comprend à la suite du film) et également dans la mise en abyme (Ave César : Histoire du Christ).


Le discours porté sur le monde du septième Art tout au long du film reste divisé. Il y a l’idée de “manipuler” les spectateurs, leur mentir sur la vie réelle des acteurs etc et puis d’un autre côté, d’après Mannix, il y a le fait de créer ces fausses rumeurs et ces fictions afin de divertir le peuple, de leur permettre d’échapper à l’ennui et à la réalité parfois bien moins amusante. D’ailleurs à la fin du film lorsque Baird Whitlock tente de se “rebeller” face au célèbre producteur, ce dernier le remet en place en lui précisant qu’il “traite bien ses acteurs”.


A travers “Avé César”, les frères Coen nous montre la part d’ombre d’Hollywood et d’un autre côté l’amour qu’il lui porte. Ils rendent hommage au cinéma hollywoodien en mêlant le comique et l'ambiguïté du cinéma.


Toujours avec une touche d’humour, comment ne pas rigoler devant la difficulté d’Hobie Doyle interprété par Alden Ehrenreich à prononcer sa phrase “J'aimerais que ça soye aussi simple”. Encore une fois,  les frères Coen mettent en avant une difficulté de l’époque et c’est le personnage d’Hobie Doyle qui nous le fait comprendre. Le passage du muet au parlant, “c’est compliqué”. Simple Cow-boy qui devient acteur pour un tout autre genre cinématographique : le cinéma “classique”. Le manque de paroles donné dans les western se fait en effet ressentir dans un tout autre type de film.


A la fois, péplum et comédie musicale, on retrouve une séquence surprenante typique des comédies musicales de l’époque. Merci à Channing Tatum et son magnifique interprétation de “No Dames!” tout en faisant des claquettes qui nous rappelle Gene Kelly et ses numéros de danse comme dans “Chantons sous la pluie”. Scarlett Johanson joue un rôle qui se rapproche de la figure d’Esther Williams avec également un numéro aquatique. Le film en cours de réalisation avec en rôle principal Baird Whitlock “Ave César : une histoire du Christ” est similaire au film “Ben-Hur”. Un autre péplum : “Quo Vadis” avec Robert Taylor en personnage principal victime des mêmes rumeurs que Baird Whitlock.


En plus de références aux classiques de cette époque, “Ave César” témoigne d'une période de l'âge d'or Hollywoodien marqué par le code Hays. En effet, les productions réalisées aux studios Capitol respectent les lois du MacCarthysme.


De l’humour sarcastique, du réalisme, des références voilà les ingrédients essentiels de Joël et Ethan Coen pour ce film à travers lequel les deux réalisateurs font un brillant hommage au monde du septième Art. Nous attendons désormais avec impatience leur futur chef d’oeuvre cinématographique.


Sophia Lezay et Ophélie Hottois.