La saison 2011-2012 de La Rose des Vents s’est dès le début placé sous le signe de la subversion, et ce spectacle, qui mêle à la fois danse et théâtre sous la direction de la chorégraphe Erna Omarsdottir n’y échappe pas.
Sur une large scène toute
enfumée et vide de décors, qui n’est pas sans rappeler les inquiétantes
forêts scandinaves, des entités monstrueuses, tout droit sorties de l’univers
de Lovecraft, se trainent péniblement, handicapées par un corps presque humain
où les mains sont une deuxième paire de pieds quand celui-ci tout entier n’est
pas manipulé par un marionnettiste dément. Après une danse entravée, les
monstres se muent douloureusement en femmes. Sitôt fait, elles se mettent en
branle pour entrer en transe dans une danse païenne, emprunte de terreur et de
supplication. La frénésie ainsi lancée ne se suspend qu’à de rares moments dans
le spectacle. Elle assure une
atmosphère lugubre et hypnotique appuyée par des nappes successives de
synthétiseurs glacials.
Ces cinq femmes, inséparables
sœurs, évoluent entre rites dédiés à la beauté et l’exercice de cette beauté
même. C’est la rage, la puissance et l’énergie destructrice qui émanent d’elles,
maintenant dotées de tous les atouts pour exercer leur ascendance sur tout ce
qui les entoure. A ce titre elles n’hésitent pas à nous interpeller, à nous
menacer, ou à nous inviter dans leur course infernale. Ces femmes, tantôt
infantilisées tantôt animales, provoquent en pervertissant les codes de la
féminité. Les cheveux en deviennent le symbole, coiffés dans des postures
contemplatives ou malmenés par des "headbangs" mécaniques – soit une danse
relative à la musique Heavy Metal consistant à agiter la tête en rythme avec
une musique violente – ils font l’étalage débauché d’un culte obsessionnel de
la beauté.
Ce spectacle n’est pas que
tragique, il est surtout pétri de dérision et de grotesque comme l’explicite
une fin insoupçonnée. Entre effroi et fascination, ces femmes unies mettent à
mal au fil du spectacle les différentes pellicules de la féminité. Nous
émergeons à regret de ce voyage, dépaysés et déroutés par la puissance solaire
qu’elles dégagent.
Claire Cacheux, AS1.
Claire Cacheux, AS1.
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