Heavy métal ou l'Oréal ?
Erna Omarsdottir nous a
proposé le mardi 3 Avril à la rose des vents « teach us how to
outgrow our madness ». Chorégraphe
irlandaise ayant déjà travaillé avec Jean Fabre, le metteur en scène belge très
provocateur. Et on ressentait la même fibre artistique. Démence, hystérie entre
5 femmes pourtant resplendissantes. Les liens sont véritablement étranges et la
chevelure est omniprésente ce qui n’est pas sans rappeler le film de Tim
Burton, Swenney Todd. Un spectacle véritablement axé sur la féminité et
tous ses aspects.
Mais alors, « heavy métal ou l’Oréal ? ».
C'était effectivement la seule interrogation qui m'a perturbé à la fin du
spectacle le mardi 3 Avril. 5 jolies filles à la chevelure resplendissante, on
peut penser que ça ne peut être qu'un bon spectacle. Pourtant, quand celles ci
se mettent à hurler ou à se secouer la tête dans tous les sens, on se demande
si il faut appeler un exorciste. J'étais sur le point de le faire mais j'ai
compris que cela faisait partie du projet de mise en scène. Plus sérieusement,
c'était un spectacle dérangeant et en ce qui me concerne, même "Teach
Us" fait concurrence à "Prometheus Landscape 2" de Jean Fabre,
un autre spectacle tout aussi psychédélique. Au delà de mon rejet d'un
psychédélisme trop extrême, c'est un spectacle qui a certains défauts.
En effet, il y a des parties du
spectacle bien trop longues, trop pesantes (notamment lorsqu'elles sont prises
de démence pendant 20 minutes) qui auraient pu être écourtées sans que l'on
n'en perde le message. De même, tout le spectacle est très agressif : quand
elles ne se tordent pas le cou sur le plateau, elles hurlent dans un micro
plusieurs minutes dans une langue qu'elles seules connaissent ce qui n'est pas
sans rappeler ces chanteurs souvent incompris de groupes de heavy métal. Les
hurlements sont assourdissants et crèvent les tympans. Pire, ils sont
récurrents et à nouveau, certains délires vocaux auraient pu être écourtés. Par
ailleurs, je n’ai jamais vu autant de monde quitter la salle pendant un
spectacle…
Tout est très lourd, violent,
agressif, pesant dans une lumière ocre. C'est un spectacle qui impose une
violence quasi continue et qui, par conséquent, semble n'avoir aucun rythme. Même les mouvements d’accalmie semblent préfigurer de l’agressivité : on reste toujours sur ses gardes. Par
ailleurs, j'ai eu un doute quant à la définition que pouvait donner la metteur
en scène sur le mot "danse" : il s'agissait plutôt d'un enchaînement
mystérieux de mouvements d'hystérie. Et c'est là un des défauts qui se fait
passer pour une qualité en soulevant une problématique en faisant de
"Teach Us" un genre de méta-danse, qui s'interroge sur la frontière
qui existe entre le mouvement et la danse.
Quant au fond de ce spectacle, il
est soit amené par des très grosses ficelles (que dis-je ? Des cordes !) soit
totalement incompréhensible. Je pense notamment à la scène où l'une des filles
rompt le rituel d'un jeu surveillé par un jouet au centre du plateau (le sens
saute aux yeux) ou même à une scène qui m'a particulièrement plu, lorsque l'une
d'entre elles tente de tuer le fœtus de l'autre : les messages sont trop
évidents dans ces deux situations. Effectivement, si l’on étudie plus en détail
ce spectacle, on arrive à distinguer les différents portraits de femmes que nous
dresse Erna : de la femme folle à la mère en passant par la fille, elle
semble vouloir étudier tous les comportements féminins. Une entreprise qui se
résumait toujours à la même chose : violence, cris, lutte (présente ou en préparation). La femme semble
être caricaturée, redessinée selon des principes extrêmes. Et c’est là ce
pourquoi, je pense, des gens quittaient la salle. En réduisant la femme en une
succession de portraits toujours aussi psychédéliques, personne ne peut facilement mettre en lien ou même en regard
les femmes sur le plateau et notre voisine dans la salle. Tout semble distant,
incroyablement éloigné d’une réalité un tant soit peu nécessaire pour que les
comparaisons soient faites. L’univers est tellement décalé que le message nous
le semble aussi : la réaction du public en témoigne. Il faut que cela lui
parle et tous ces gens qui ont laissé la salle derrière eux, c’est la preuve
même d’un projet incapable de lier nos consciences à un monde dont on ne
comprend ni les enjeux, ni les attentes.
Des cheveux, ça, il y en avait. J'étais à me demander si les sponsors de l'Oréal ou Frank Provost n'étaient pas sur la plaquette de présentation. Et
on était prêt à croire que c’était quasiment l’objet central du spectacle.
Figure de la féminité soit, il est vrai. Mais c’est à nouveau une ficelle
évidente et la récurrence de l’objet cheveux finit par lasser.
En bref, c’est un spectacle de
danse contemporaine qui ne m’a pas ravi. Je pense que ce spectacle exploite un
fond acceptable mais qu’il utilise une forme trop lourde, détachée de toute
réalité et qui fait appel à un univers psychédélique qui ne fait envie à
personne, remplit de cris et de hurlements incessants.
Louis Theil, AS 1
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