SUBLIME CHAOS
Prometheus Landscape II est un spectacle déroutant. Entre
beauté et horreur, Jan Fabre nous fait voyager à travers différents états
émotionnels.
Dès l'ouverture du rideau, le
spectateur est plongé dans un univers sombre et désespéré. La haine se ressent
petit à petit montant progressivement lors d'un long texte retraçant tous les
hommes que nous avons défini en héros, en vain.
Après les insultes verbales et le crachat arrive le feu. Il naît du sexe féminin et finit par envahir la scène
recouverte de sable. Les corps s’enflamment, s’énervent. Les danseurs s'expriment
corporellement seuls ou à deux dans un
élan d’amour destructeur. Le fond de la scène représente les astres, c'est
alors que les mouvements sur scène et les décors se
complètent. La lune est pleine, les danseurs s’agitent. Le soleil se
montre, la chair brûle.
Une danseuse exhibe bestialement son entrecuisse, pour marquer nos regards ou nous montrer que finalement nous sommes tous faits de sang et de chair. Un homme enroule sa verge avec un ruban noir et tire, il tire jusqu’à ce que la douleur soit ressentie par le public qui ne peut échapper à cette vision chaotique de membres en mouvement et en souffrance.
Une danseuse exhibe bestialement son entrecuisse, pour marquer nos regards ou nous montrer que finalement nous sommes tous faits de sang et de chair. Un homme enroule sa verge avec un ruban noir et tire, il tire jusqu’à ce que la douleur soit ressentie par le public qui ne peut échapper à cette vision chaotique de membres en mouvement et en souffrance.
Dans cet animal qu’est l’homme, une âme est présente. Mais
chez Jan Fabre, les âmes sont torturées, comme l’est Prométhée sur son rocher.
Et pour éteindre la flamme de la souffrance et du désir, l'auteur refroidit aussi bien les acteurs que le public à grands coups
d’extincteur. Ce spectacle nous fait ressentir autre
chose que des émotions, Jan Fabre joue sur les odeurs et les sensations
physiques. Le feu réchauffe et appelle à l'évasion de l'esprit mais la
fumée blanche du CO2 nous fait redescendre sur terre, nous rappelle encore et
toujours notre condition mortelle.
Tout comme
Prométhée, le public est attaché, il ne peut bouger car ce qu’il voit sur scène
le fascine autant qu’il le blesse. Et pourtant au sein de ce désordre poétique, surgit
la beauté. Celle de la danse qui nous élève, nous
montre que bien qu’on soit fait de muscles et d’os, l’art lui, nous sublime.
C’est bien ce que Jan Fabre est parvenu à faire. Au-delà de la violence de la
naissance et de la mort, se trouvent l’amour et l’art.
Le passé de plasticien de Jan
Fabre apporte à la scène de la matière, du volume. Les danseurs jouent avec du sable, qui représente
à la fois une barrière contre le danger, le feu, mais aussi une façon de punir.
Lors d’une scène, un homme jette du sable dans la bouche d’une femme par
plaisir, l’empêchant ainsi de respirer. L’eau est aussi présente, tantôt sortant de la bouche
d'une femme, tantôt sur la peau des danseurs en transe.
C’est par cette intervention du sublime au sein des désirs
bestiaux et ce jeu de matières que le spectacle de Jan Fabre peut nous faire
penser à Juillet mis en scène par
Lucie Berelowitsch que l’on a pu voir l’année dernière à L’Idéal de Tourcoing.
Le texte d’Ivan Viripaev nous présente un tueur rongé par le désir de chair
fraîche. Cette performance, liant la danse au théâtre peut faire penser au
travail de Jan Fabre avec les matières. Alors que dans Prometheus Landscape II
le sable et le feu sont omniprésents sur scène, Lucie Berelowitsch enduit les
peaux des deux danseurs d’une texture luisante, entre l’eau et l’huile.
Dans Prometheus Landscape II, les références mythologiques
sont esthétisées et réinterprétées avec un esprit contemporain cinglant. Hermès
n’a plus d’ailes à ses chaussures mais des
haches aux pieds. Io n’est pas piquée par un taon mais entourée de personnes
dont les cris sont comme des dards acérés. Prométhée lui, figure centrale de la
pièce, reste enchaîné durant toute la représentation, créant ainsi chez le
spectateur une sensation d’empathie, d’épuisement et de douleur.
Ce spectacle est l’expression d’une
ambivalence, d’un paradoxe. Celui de la connaissance. Le mythe de Prométhée
expose la question du libre arbitre et de la souffrance au profit du savoir.
Les hommes souffrent-ils de trop de connaissances? Serions-nous plus heureux
ignorants? L'ignorance est-elle source de bonheur?
Jan Fabre traite du savoir comme de quelque chose d’essentiel, même si
c’est au détriment du confort physique. Pourtant, lorsqu’on voit le sacrifice
qu’a fait Prométhée pour les hommes et qu’en dessous de lui ceux-ci s’agitent
comme des sauvages, on se demande si les humains avaient les clés pour utiliser
à bon escient ce savoir qu'est le feu.
Au-delà de la référence mythologique, ce spectacle est actuel. Il introduit les questions de la censure et des conventions sociales imposées par une société puritaine. Sur scène, Jan Fabre déroge à la règle de bienséance pour exalter les corps et les désirs, sans cesse refoulés dans la réalité. Le spectacle de Jan Fabre pose question, il secoue nos a priori sur la nudité et la morale. Il choque tout autant qu’il apaise puisqu’il nous montre qu’au fond nous sommes des êtres similaires.
Au-delà de la référence mythologique, ce spectacle est actuel. Il introduit les questions de la censure et des conventions sociales imposées par une société puritaine. Sur scène, Jan Fabre déroge à la règle de bienséance pour exalter les corps et les désirs, sans cesse refoulés dans la réalité. Le spectacle de Jan Fabre pose question, il secoue nos a priori sur la nudité et la morale. Il choque tout autant qu’il apaise puisqu’il nous montre qu’au fond nous sommes des êtres similaires.
Léa Charrier
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