Cette adaptation de la pièce d’Eschyle « Promothée
enchaînée » mis en scène par Jan FABRE laisse le spectateur quoi,
longtemps après qu’il l’ait vu. En effet, que l’on soit initié ou non aux spectacles
contemporains, cette mise en scène suscite de nombreuses interrogations chez un
spectateur qui est souvent perdu au milieu de ses corps nus, enchaînés, couverts
de sable, confrontés à des multiples
éléments grandioses projetés sur écran géant.
Tant d’éléments visuels marquants, parfois violents de corps
éclatés, mis à rude épreuve : un
homme obèse ficelé, une femme se « frottant » avec un bâton, un sexe
enrubanné qui se dévoile au fur et à mesure… FABRE nous confronte donc ici au nu, il montre le plaisir sous toutes ses formes, les corps sont libérés de toute
contrainte, pour revenir à l’état sauvage, brut. Néanmoins, autant de nudité était-elle nécessaire ?
Là où ce spectacle interpelle particulièrement c’est lorsqu’il
questionne notre rapport aux héros dans la société, cette culture qui nous
berce dès l’enfance dans l’attente d’un héros qui va tous nous sauver, mais qui
dans le fond, nous empêcherait d’en devenir un nous-même. Ainsi, on serait emprisonné par des idéaux,
des faux semblants qui nous détruiraient au quotidien. Ce « We need heroes
now » résonne dans nos têtes, mais qui peut-il être ? L’artiste ?
Le politicien ? Nous ?
Ce spectacle inquiétant nous confronte à des images fortes,
de chaos, de guerre, de violence… qui renvoient directement au monde
actuel (l’utilisation de l’extincteur, fait penser au terme employé par
Nicolas Sarkozy : « « nettoyer au
Kärcher ») ainsi, cet extincteur ralentit les mouvements, de ces corps qui
luttaient autrefois. Sont-ils sacrifiés ? Leur combat était-il justifié ?
Jusqu’où peut-on accorder des libertés aux hommes ?
Si beaucoup sont choqués par les scènes
de sexe, d’autres emportés par ce message de rébellion et d'une certaine « prise en
charge de son destin », je reste quant à moi marqué par ce rapport à l’infiniment
grand (les images de planètes, d’astres, du soleil… diffusés sur écran), et l’infiniment
petit : ces millions de grains de sable qui nous renvoient directement à
notre statut de minuscule particule, qui sera bientôt réduit aussi à l’état de
poussière.
Au fond, bien que FABRE teste notre
endurance tout au long de ces 1h40 de spectacle, on doit lui reconnaître une
forte habilité à créer des images marquantes, riches de sens, qui
permettent de nous interroger, auxquelles l’on repense bien après... Ce choc
visuel pose de vraies problématiques sans pour autant jamais apporter la moindre
réponse. N’est-ce pas finalement la plus grande qualité de ce spectacle ?
Benjamin BELLOIR, AS3
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