samedi 23 avril 2011

LA ROUTE DE LA SOIE, 7000kilomètre en quelques instants


Du 20 octobre 2010 au 16 janvier 2011



La route de la soie, est une exposition réunissant un grand nombre d'artistes de cultures et de nationalités différentes, de Chine, en passant du Pakistan à l’Ouzbékistan jusqu'à la Grèce. Ces hommes et femmes qui tous, à leur manière, expriment leurs points de vue sur leurs sociétés à l'heure actuelle, que ce soit religieux, économique, sociologique ou encore politique. Le mot qui ressort de cette exposition est, choc, aucune œuvre ne laisse indifférent, que ce soit par son apparence ou son symbole. Il est cependant évident que cette exposition ne s'adresse pas à tous, au delà de quelques pièces choquantes (tel que Old Persons Home), le sens caché de chaque œuvre n'est pas à la portée de tout le monde, ni visible par tous. Ce mélange d'histoire et d'esthétique se mêle pourtant bien pour un public averti, il traite de l'ensemble des problèmes encore présents, mais qui règnent toujours dans certains pays. Le Tripostal, lieu habitué à recevoir, depuis quelques années de nombreuses œuvres de nombreux et pays différents, nous ouvre encore une fois ses portes pour une surprenante découverte.



Untitled 2 d’Ahmad Morsheldoo, représente une scène de la vie courante en Iran. Ce qui marque le plus en voyant cette peinture, c’est sa modestie et son réalisme, cette impression d’avoir face à nous une photo. Ce tableau présente un nombre égal d’hommes et de femmes, mais qui laisse cependant transparaitre l’inexistence de cette partialité notamment par rapport au port du voile, et qui pourtant font face au monde qu'ils regardent et qui les regarde. Face à lui, il m’a semblé être au détour d’une de ces rues orientales. Œuvre considérée comme discours sur la société en conflit, elle dénote la distance encore considérable entre la position de l’homme et de la femme.







Like every days series de Shadi Ghadirian, est une image de la femme d’aujourd’hui dans son contexte majeur en Iran. Sept femmes, tout comme les sept jours de la semaine, démontre une situation encore bien réelle, confrontation entre la condition très archaïque et les ustensiles modernes de ces femmes. Exposé sur un long pan de mur, la photo centrale permet de discerner un visage, soit un corps, une personne, dénonciation de ces femmes cachées par leur voiles et les tâches qui les accablent. Travail des plus délicats sur l’ampleur de la religion et du profane, c'est une dénonciation irréfutable de la soumission. L'oeuvre est un discours indéniable sur la place de la femme et de son rôle dans la société. De toutes les œuvres féministes présentes en ce lieu, Like every days series est celle qui restera la plus encrée en moi.





Love it ! Bite it ! de Liu Wei, d’origine chinoise, reconstruit de manière cynique les plus grands monuments du mondes en passant par le musée du Guggenheim à New York, les Nations Unies, le colisé de Rome...etc Cette façon de représenter le réel en pâte à mâcher pour chien, montre bien la vision chaotique de notre monde, prêt à tomber, et tout aussi prêt à se faire manger par le plus fort. Aussi l’aspect que donne la pâte dénnonce un monde à l’agonie, vide de sens et de vie. Au début de l’exposition il était possible de déambuler entre les sculptures mais faute de fragilité j’ai du me contenter d’observer de loin ces miniatures. Reste à savoir que le materiau utilisé se détend et se casse, aussi entre les deux visites que j’ai faites la sculpture avait évolué, tombant en ruine tout comme notre monde. Douteuse au premier regard, cette rencontre porte bien à réfléchir sur les puissances qui nous entourent et nous dirigent. Nos majestueux palais ne seraient-ils pas de simples chateaux de cartes prêts à s’écrouler..?







Untitled de l’indien Talur L.N représente un amoncellement de matellas engoudronnés, qui se gonflent et se dégonflent. Accompagnés d’un souffle, un souffle agonisant presqu’un râle, cette sculpture annonce une fin certaine. La couleur noire et luisante du goudron donne un aspect de prison et d’embourbement qui opresse dès les premiers instants, notons qu'en Inde en 2007, année de création de l'oeuvre, la production de pétrole était de 785 000 barils par jour. Ce qui maintient ces matellas sont des tuyaux d’assistance respiratoire, il semblerait cependant que cette sculpture ne tienne qu’à un fil, et qu’en un instant tout peut s’effondrer. Le plus choquant est surement la présence des forceps couverts eux aussi de goudron, à l’extrémité du lit. Se cache alors l’idée que dans cette agonie, il est probable que quelque chose renaisse. La mouvence de cette œuvre et son esthétique discourent sur l’économie en marche actuelle, le paradoxe présent entre la pauvreté de la majorité, notamment dans les campagnes indiennes, et la surconsommation d’une minorité. Ce pétrole devenu presque vital et qui pourtant détruit beaucoup sur son passage…






La sculpture chinoise Ash Head, de Zhang Huan déjà explicite par son titre, "la tête en cendres" est une œuvre des plus spirituelles, les cendres présentes sur ce portait sont issues d’encens brulés dans les temples bouddhistes. Ce travail sur la quête religieuse, est une œuvre poétique et riche de symbole pour son auteur, ainsi que pour ses spectateurs. Depuis longtemps déjà, Huan implique son corps dans son œuvre, que ce soit par performance (ex: MEAT+TEXT), ou comme modèle. Il sculpte ici un autoportrait recouvert de cendres, tout comme s’il avait brulé, ou s’il était dans sa phase de réincarnation. La crémation faisant partie des rites funéraires bouddhistes il est possible ici, d'y voir un lien avec la renaissance. De manière analogue l’encens devenu cendres, et la cendre devenu autoportrait tout coincide dans ce système de métempsychose. Cette œuvre est l’une des premières visibles lors de la visite, elle attire autant par son esthétique que sa symbolique. Elle est pour moi une œuvre phare de cette exposition.



Cette exposition est surement l'une des plus marquantes qu'il m’ait été donné de voir, mais aussi l'une des plus intrigantes. Il m'aura fallu beaucoup de temps avant de digérer ce patchwork de couleurs, de formes et de sens. Plusieurs visites ont été nécessaires pour effleurer la richesse de cette exposition, et malgré une première rencontre difficile, j’en garderai le souvenir d’une expérience des plus enrichissantes.


Lucie Dorchies AS1

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