vendredi 29 avril 2011

K-rush, ou le coup de « crush » du cinéma

K-rush, nouveau spectacle de la compagnie Pàl Frenak, s’invite à la rose des vents le temps de deux représentations. Alors que l’on ne s’y attendait pas, le chorégraphe hongrois nous invite à entrer dans un univers à part, où danse et cinéma se mélangent et se complètent. Un mélange presque à la mode après « Les rêves dansants – sur les pas de Pina Bausch » documentaire d’Anne Linsel et Rainer Hoffmann sorti en Octobre 2010, le sublime « Black Swan » de Darren Aronofsky et le dernier film de Wim Wenders, tourné en 3D, sobrement intitulé « Pina » sortis respectivement en Février et Avril 2011. Un mélange intéressant d’autant qu’ici, la chorégraphie cinématographique est une expérience du corps, de l’espace et de la mémoire.

Une mémoire constamment sollicitée pour trouver les nombreuses références au cinéma : Une grande blonde en robe noire dans un fauteuil nous fait penser à la Sharon Stone de Basic Instinct (Paul Verhoeven. 1992), les deux jeunes femmes dans la cadillac nous rappellent Thelma et Louise (Ridley Scott. 1991), un homme en costume ressemble étrangement aux gangsters des films noirs américains. Les références se suivent et ne se ressemblent pas : Crash de David Cronenberg, Easy Rider de Dennis Hopper voire le Paris-texas de Wim Wenders pour ses déserts impressionnants et on peut même rapprocher célèbre le road-movie Macadam Cowboy (John Schlesinger. 1969) où le personnage joué par Dustin Hoffman est un italien boiteux. Un handicap que l’on retrouve au sein même de la chorégraphie puisque l’un des danseurs utilise des cannes pour un enchainement de mouvements techniques particulièrement impressionnants. On observe alors une chorégraphie frénétique et des enchainements qui défilent tels les 24 images par seconde que nous offre le cinéma.

La sensualité est une autre thématique importante dans l’œuvre de Pàl Frenak. On remarque que la bande-son de Gilles Gauvin s’accorde avec les mouvements chorégraphiés qui nous montrent un langage érotique et parfois même violent. Cette violence fait aussi écho à la violence de la collision, inévitable, en bout de parcours comme l’avancée vers le vide/la mort de Thelma et Louise dans le film éponyme. Ces deux dimensions, érotique et violente, ne choquent même plus car après tout, ce sont aussi deux grandes obsessions du cinéma moderne : voit-on encore des films sans aucune violence ? Sans aucun geste érotique ?

L’écran blanc placé en fond de scène projette des images de routes désertes, de pleine lune, d’explosion, de nature etc. Des sortes de « clichés » du cinéma (le mot « FIN », la bande-annonce) qui appuient cependant le mouvement et la chorégraphie. Un écran qui devient presque invisible au fil du spectacle tellement nos yeux restent fixés sur la chorégraphie de la troupe et sur cette cadillac démontable. Une voiture que l’on sépare, rassemble, tourne dans tous les sens, place à un endroit de la scène bien précis et qui rappelle évidemment le processus filmique et la notion de plans et d’espace cinématographique.

Ainsi en l’espace de cinquante minutes, Pàl Frenak nous entraine aux confins de son imagination et de ses souvenirs de cinéma. Des images nous restent en mémoire, comme celle du chorégraphe qui intervient dans son spectacle à la toute fin et mélange ainsi les générations de danseurs, et d’amoureux du cinéma. Des générations qui se mélangent, et échangent sur les thématiques abordées par K-rush. Tel un sage face à une jeunesse dynamique (violente et érotique ?), le chorégraphe s’impose comme un personnage de road-movie qui nous entraine dans un rêve éveillé. Une belle expérience qui vaut le coup d’œil !

Sara Dufossé
AS 3

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