dimanche 2 mai 2010

"Peter Klasen, la mémoire du regard, l'oeuvre photographique"

Né de la passion d’un collectionneur d’art contemporain, Gilbert Delaine, le musée d’Art contemporain (MAC) de Dunkerque est inauguré en décembre 1982 au milieu d’un parc de sculptures. Le 24 juin 2005, près huit ans de fermeture pour travaux de rénovation, le musée d’Art contemporain (MAC) de Dunkerque rouvre ses portes au public. Transformé en un lieu d’art et d’action contemporaine (LAAC), terme plus approprié, l’établissement a désormais pour objectif d’ouvrir les esprits sur la création actuelle multidisciplinaire (performances, installations, promenades musicales ou chorégraphiques, lectures, vidéos)

En 1982, peu avant l’inauguration du musée, Peter Klasen découvre, à l’instigation de Gilbert Delaine, le port de Dunkerque et photographie ses industries. Pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de Peter Klasen, il s’agit d’un peintre, photographe et sculpteur d’origine allemande qui fut l’un des fondateur de la figuration narrative dans les années 1960 (refus d’un certain « art pour l’art », sans portée intellectuelle, intérêt pour les nouveaux supports visuels issus du monde contemporain). Les sujets du photographe sont principalement les usines et les ports, les machines et les pictogrammes. En 2010, il revient à Dunkerque, découvre les transformations du paysage industriel et réalise de nouvelles photographies pour l’exposition.

En écho à la rétrospective organisée au tri-postal à Lille qui rassemble 50 années de travail de Peter Klasen, la LAAC nous montre ainsi une facette peu connue mais essentielle de l’artiste, la photographie.

L’exposition « Peter Klasen, la mémoire du regard, l’œuvre photographique » rassemble une cinquantaine de photographies réalisées par l’artiste depuis les années 1970 classés par thèmes au travers de cinq salles. Ce projet original constitue à la fois une rétrospective de l’œuvre photographique de l’artiste autour de ses travaux sur la machine et un voyage de port en port avec pour principales escales Los Angeles, La Havane, et Dunkerque.

Les salles 1 et 2 étaient consacrées aux machines et rouages. Des vannes, des tuyaux, des câbles, des cadrans, des moteurs… Il est étonnant de voir qu’au lieu d’en montrer la laideur en dénonçant ainsi la société de consommation, Peter Klasen saisit au contraire ce qu’ils ont d’harmonieux, d’universel. En effet, les machines appartiennent à ces paysages que nous traversons mais que nous ne voyons pas et l’artiste donne à voir ces outils modernes comme des objets plastiques et esthétiques.

Dans la troisième salle étaient exposés les séries de Los Angeles et La Havane qui proposent deux visions du monde diamétralement opposées. Los Angeles apparaît comme une ville riche et puissante, où le monde industriel apparaît comme isolé voir hostile, parsemé de nombreux panneaux d’avertissement, d’interdiction, de grillages… La Havane semble au contraire plus pauvre, les photographies de Peter Klasen agissent comme des loupes sur la situation politique et sociale de l’île et soulignent l’immense beauté plastique des cuves, cheminées, engins…

La salle suivante nous présente les premiers regards de l’artiste sur Dunkerque qui s’arrêtent sur la raffinerie dont Klasen admire les dessins formés par les tubes, les pipelines ou encore les cuves. Il semble traiter la machine comme un organe ou un corps féminin (courbes, arrondis…).

La dernière salle enfin, est sans doute la plus impressionnante. On se retrouve, impuissants, devant trois immenses montages appartenant à la série des « Lost landscapes », initiée en 2008, constituée d’une dizaine de grandes compositions où le monde industriel et urbain se mêle au corps de la femme.

« Lost landscape n°9 » issu des photographies de Dunkerque, a cependant un je-ne-sais-quoi de percutant et d’éclatant : Les déchets industriels au premier plan brille comme de l’argenterie, le camion citerne étincelle… On observe dans ce montage un mélange de couleurs chaudes et froides. En effet, la couleur rouge vif du méthanier contraste avec la femme au visage bleu et aux lèvres carmin, qui semble presque inhumaine et flotte au-dessus de cet improbable paysage. Illusion du monde moderne, « Lost landscape n°9 » tient plus d’une vision idyllique que du cauchemar. Seul le vieux téléphone qui semble hors d’usage inquiète en nous coupant de toute possibilité de communication.

Une exposition interessante et originale, qui nous donne à voir le monde actuel et l'industrie sous un angle nouveau.


Estelle Matyus, AS1.

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