jeudi 13 mai 2010

"Ice" , un spectacle entre danse , théâtre et concert


" En 55 minutes resserrées comme des cristaux de givre sur une vitre, Ice , roman d'Anna Kavan, est régurgité dans la transe des corps, l'eclipse des lumières et les envolées vocales et musicales d'un trio remarquable : Graham Valentine,chanteur , Martin Schutz, au violoncelle éléctrique- deux comparses de Christoph Marthaler- et la chanteuse britannique rwandaise, Dorothee Munyaneza, déja présente dans "Sans retour" de François Verret." F.A ,Les Inrockuptibles, mars 2008 .

Voilà ce qu'en effet , François Verret, danseur et chorégraphe français, nous a donné à voir le 31 mars dernier , à l'Opéra de Lille. Le texte du spectacle , effectivement tiré du roman d'Anna Kavan , est donc entièrement en anglais , ce qui peut poser problème à nous français , grands billingues que nous sommes. Mais je ne me suis poutant pas laissée abattre , et j'ai plutôt lu la magnifique brochure que l'on nous a donné avant le début du spectacle.

On pouvait y lire à propos l'histoire , qu'il s'agit d'une catastrophe imminente, celle d’une glaciation progressive et radicale de l’Angleterre. Mais à coté de cela "Ice" met en scène trois protagonistes : le gouverneur, une femme et le narrateur en proie à des hallucinations et obsédé par la femme qui va le quitter pour le gouverneur. Il y a donc derrière ce spectacle une véritable histoire d'amour.

On voit en effet tout au long du spectacle , de courts instants de duo , mais très fort , qui illustre ces propos. Et voilà ce qu'une grande majorité de personne ont fait , tout comme je l'ai fait plus haut , ils ont cherché une signification , mais ne l'ont pas forcement trouvé , et sont donc sortis frustrés de l'Opéra.

Mais ce que nous donne à voir François Verret , n'est absolument pas à interpèter. Il faut plûtot se laisser aller , et savourer ce qui nous est présenté, se déconnecter du monde et de nos pensées. C'est d'ailleurs sans doute pour cela que l'anglais ne nous a pas été traduit , pour que l'on n'essait pas de comprendre , même si tout le monde a tenté de le faire au moins une fois pendant le spectacle.

Laissons nous donc emporter par cette musique, qui s'entend directement depuis la scène, rien qu'en fermant les yeux , on peut déjà apprécier "Ice". On remarquera une polyphonie des genres: on passe en effet du rock, au chant africain en quelques minutes.
Mais il y a également cette voix d'homme , qui nous accompagne durant toute la représentation , et qui nous récite des passages du roman d'Anna Kavan. Ce premier s'amuse totalement durant le spectacle , il accentue un mot , les roules sur sa langue ou les répètes. On assiste ici a une véritable danse des mots dans le bouche de cet homme.
On remarquera la modulation impressionnante de ces deux voix , durant la représentation.

Dans ce spectacle, la neige est noir. On aura effectivement jamais une scène complétement éclairée, il n'y aura que des rond de lumière, plus ou moins grands selon les moments, qui troueront cet espace plongé dans le noir. Ceux-ci s'allumeront et s'éteindront à une vitesse variante , pour chaque fois faire apparaitre de nouveaux corps.

Puisque nous parlons des corps , venons en à la danse. Elle est évidemment contemporaine, et s'imbrique totalement avec la musique. Les plus critiques diront qu'elle semblait improvisée, puisqu'elle ne leur est pas familière, mais détrompez vous , elle est en réalité très chorégraphié.

J'ai d'ailleurs particulièrement aimé le passage ou des trous de lumières apparaissent de part et d'autre de la scène, assez rapidement, et où l'on voit les danseurs effectuent des gestes très rapides, comme pour se réchauffer et ne pas geler , ou comme si ils étaient piqués par ce mot "ice" que la chanteuse ne cesse de répéter. Ce fut pour moi un moment intense, et riche en émotion, ou les trois arts : musique, danse et théâtre étaient particulièrement bien mélés et dosés.
L'espace scénique à ce passage est plutôt destructuré, comme tout au long de la représentation en fait, ce qui nous donne l'impression d'un manque de liberté, d'emprisonnement, qui fait peut être référence à la glace qui envahit petit à petit l'Angleterre dans le roman.

Ce spectacle n'est évidemment pas commun , il ne peut être comparable à ceux de Carolyn Carlson par exemple. Mais on pourrait tout de même le rapprocher à ceux de Mathilde Monnier, au niveau de la technique de danse notamment, excepté pour son somptueux spectacle " Tempo 76", qui est unique au niveau de ses gestes précis, et de ses répétitions.
"Ice" est un spectacle très intèrressant, absolument pas commun, et qui n'a pas de limite d'âge. Il est idéal si l'on veut se détendre en regardant de la danse, tout en écoutant de la musique entrainante.L'association de ces trois arts est en effet parfaite.
On peut dire que son créateur François Verret n'a absolument pas eu froid aux yeux, et nous a donné à voir comme à entendre une petite merveille.


Anne-victoire OLIVIER AS1

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