mercredi 7 avril 2010

Un collectionneur nommé Jean Smilowski

La Ferme d'en Haut doit son nom par opposition au Château de Flers, situé en contrebas, appelé aussi Château ou Ferme d'en bas. Il n'existe pas de date précise de construction du lieu, mais sa plus ancienne représentation date de 1733, et, est conservée aux archives départementales du Nord. Après avoir été la propriété de plusieurs générations d'une très ancienne famille de la bourgeoisie de Lille, d'Hespel, c'est en 1969, que la dernière propriétaire, la Comtesse Neuville, la vend à l'Etat qui l'attribue à l'E.P.A.L.E. (Etablissement Public d'Aménagement de Lille Est). Après liquidation de cette dernière, en 1984, le lieu devient propriété de la communauté urbaine de Lille. En 2004, avec Lille capitale européenne de la culture, le Ferme d'En Haut devient "Maison Folie".

Aujourd'hui, l'établissement se compose de 8 bâtiments. (salle de spectacle, salle d'exposition, studios de répétitions, logements de fonctions, logements d'artistes, café, restaurant, lieu de vie…).

Du 16 Janvier au 14 Mars 2010, La Ferme d'en Haut de Villeneuve d'Ascq propose une exposition des œuvres et reconstitution de l'intérieur de la cabane de Jean Smilowski, des projections de films et de photos. Cette exposition succède à l'expo-parcours du Vieux Lille en Octobre 2009.

Jean Smilowski, fils d’immigrés polonais, a vécu dans une cabane construite au milieu des jardins ouvriers du Vieux Lille. C’est à cet endroit qu’il y a créé seul et en secret son œuvre composée de peintures, meubles peints, valises décorées sur toutes les faces, des boîtes et trousses de toutes tailles, des jouets, des poupées, des maquettes…

Les quatre grands thèmes abordés dans cette exposition sont le militaire, le religieux, la liberté et l’amour. Tableaux, meubles, valises, miniatures, photos ou effets personnels tentent de recréer l'univers de Jean Smilowski. Malgré une reconstitution de son « Palais » convaincante, seul l'aspect collectionneur et la richesse de production de l'artiste est à retenir dans cette exposition.

Il avait pris pour habitude d'accumuler un tas de choses dans son logement, c'était un vrai collectionneur.

La visite s’ouvre sur une biographie de l'artiste, sur de simples feuilles en carton.

La plus grande partie de l’exposition se passe dans un endroit spacieux, lumineux. Lumières naturelles et artificielles sont là pour l’éclairer comme il se doit. Cette luminosité pose problème dans cette partie de l'exposition. Elle s'oppose à la reconstitution de la cabane de l'artiste au dernier étage. En effet, même si la reconstitution n'est pas l'exacte copie du lieu, elle recrée l'esprit dans lequel Jean Smilowski travaillait. Cet esprit se perd dans le reste de l'exposition. La trop grande luminosité et le trop d'espace empêche le visiteur de se plonger dans l'univers de l'artiste.

En revanche, l'aspect collectionneur de Jean Smilowski est très présent. Plusieurs vitrines dans lesquelles s’accumulent les effets personnels de l’artiste soulignent le fait que Jean Smilowski conservait tout ce qu’il trouvait. On retrouve par ailleurs au plafond, entre le rez de chaussée et le premier étage une collection de représentations d’animaux sauvages, recopiés d’après série de timbres postes, installés les uns derrières les autres soulignant cet aspect collectionneur. Les différents murs sont organisés par thèmes et les toiles d'un même mur entre le rez de chaussée et le premier étage se répondent.

L’histoire et l’œuvre de Jean Smilowski ne sont pas sans rappeler une certaine domestique, Séraphine de Senlis, qui comme lui, a su créer à son propre univers. Elle s’est notamment mise à peindre à la bougie, dans un grand isolement comme Jean Smilowski. Aussi les peintures de ce dernier sont toutes recouvertes d’une quantité importante de vernis, facilitant leur conservation. Cette technique est employée par Séraphine, allant même parfois, faute de quantité trop importante de vernis, à signer sa toile au couteau. Il y a ce côté très intime dans le processus de création de Jean Smilowski que l’on retrouve parfois chez Séraphine de Senlis.

L'organisation de l'exposition est réussie par cet aspect collectionneur, en revanche la transmission de l'esprit de l'artiste a du mal à s'imposer à l'exception de la reconstitution.

Il serait dommage de ne choisir qu’une œuvre de Jean Smilowski, après avoir constaté la richesse de production de l’artiste. Dans cette exposition, c’est sa muse qui m’a interpellé : Ramona. Squaw aux longues tresses, il s’agit d’une indienne toute droite sortie du film du même nom. Sa muse est présente dans un grand nombre de ses œuvres : fresques, toiles, mais aussi valises…etc. Il a pour habitude de se représenter à ses côtés tels un cow boy tentant de faire naitre un amour impossible. J’ai senti à travers cette muse une échappatoire pour l’artiste. Sa présence marque le spectateur au cours de sa visite comme elle a marqué la vie de Jean Smilowski. Il s’agit d’un véritable fantasme de l’artiste, qui, ayant très peu connu sa mère et sa sœur, se réfugie « dans les bras » de sa muse.

Barthélémy Dupont

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