lundi 1 avril 2019

L'enfant maudit

Je trouve cette œuvre audacieuse et issue du génie de son auteur. En effet, si certains l’apparentent à la provocation et la détournent en message de haine, de mon point de vue cette sculpture est très importante pour l’art contemporain. Selon moi, elle est même nécessaire.
Elle dépeint une nouvelle ère qui s’émancipe de toutes contraintes stylistiques ou spatiales et se fiche de plaire à tout le monde. L’art de Cattelan est souvent socio-politique mais avec Him, il montre autre chose en allant chercher dans l’histoire et la mémoire collective.
Il permet de sensibiliser. Il met face (enfin à priori de dos puis à posteriori de face) à nous un rappel. Même si nous ne l’avons pas vécu. On se rappelle qu’on ne doit pas prendre cette période du 20e siècle comme révolue. C’est peut-être pourquoi il a tenu à l’installer, après avoir été dans des musées, à Varsovie. Capitale de la Pologne qui, pour nous le rappeler, a été victime de hauts crimes contre l’humanité. On ne doit pas oublier, on ne doit pas penser le sujet tabou au point d’avoir peur de l’illustrer dans l’art. On ne doit surtout pas oublier que la haine subsiste toujours et persiste dans le monde à notre époque.
Là où est placée la statue dans le ghetto de Varsovie, aperçue à travers un trou creusé dans une porte en bois, posée dans une cour est sûrement une réécriture utopique de l’histoire. Peut-être est-ce la vision de Cattelan (et peut-être de la plupart du reste du monde) sur le sort qu’aurait dû avoir Hitler. Et l’endroit. Là où il a engendré les six années de bataille aurait dû être l’endroit où il aurait fini ses jours s’il ne s’était pas donné la mort, selon l’artiste. Enfermé face aux survivants de ses offensives passées et pensant à comment se repentir en croupissant jusqu’à la fin de ses jours enfermé à Varsovie. Il prierait alors pour son salut. Ou pour pouvoir s’évader ?
Du point de vue esthétique et stylistique, je trouve que Cattelan a vu juste en le plaçant de dos. De ce fait, on est intrigué et plus désireux de voir à quoi ressemble ce minuscule bonhomme (aux allures de petit garçon donc semblant inoffensif et innocent) de face. Voir la vraie personne représentée provoque un choc et forcément quand on vient à plusieurs visiter et qu’on tombe sur cette œuvre, il y a matière à débats. Personne ne réagirait de la même façon, c’est ce qui est intéressant.
De plus, je disais plus tôt que la sculpture était nécessaire dans l’art contemporain car Maurizio Cattelan a procédé à l’hyperréalisme. Les traits vraisemblables, le relief, le fait d’avoir fait une sculpture tout simplement sont des éléments simples qui permettent de voir l’essentiel. Pas de chercher sans cesse ce qu’a voulu dire l’auteur s’il avait été question d’une peinture abstraite issue du mouvement cubiste par exemple. On se concentre sur le concret : ce qui est présenté devant nous. Et on peut observer et voir, et se poser la question : comment on aurait réagi si on avait vraiment été face à lui ?
Et s’il avait été vraiment aussi petit ? Si finalement ses actes ne le rendaient que plus petit dans son humanité et dans l’estime de tous ceux ne partageant pas ses idéaux ? Pourquoi semble-t-il être un petit garçon aux premiers abords ? Si c’est fait exprès, l’artiste doit sûrement apparenter cela au manque de surmoi de la part d’un enfant avant l’âge de 7 ans. Lorsqu’il n’est pas encore capable de penser pleinement par lui-même et que la maturité n’a pas encore fait effet. Le fait de tolérer les autres et vivre avec toute sorte de personne en harmonie en faisant partie.

En somme, Him est une œuvre contemporaine ayant une grande importance culturelle bien qu’au final, quand même socio-politique. Cette sculpture trouve bien sa place auprès d’un homme rescapé de la Shoah. On pourrait dire qu’Hitler se retrouve là où il était sensé finir. Aliéné, agenouillé, asservi à un polonais juif qu’il avait voulu exterminer mais qui s’en est sorti pour pouvoir le mettre en position de faiblesse.
La vie a pris le dessus et lui-même, qui voulait l’éradiquer dans sa vision d’un monde parfait, n’est plus qu’une représentation et incarnation du mal en cire et résine de polyester plutôt que considéré comme ayant été un être humain à part entière.

Dalanda Condé AS1

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