dimanche 2 avril 2017

Le Sorcier, ce résistant



Êtes-vous prêts ? Êtes-vous vraiment prêts ? Il vous tend la main là, il vous attend. N’ayez pas peur, acceptez donc son invitation à pénétrer avec lui dans un autre monde, ou simplement dans une autre tête. Il vous en ouvre grand les portes.

« Il », c’est Eric Démélis. Ou bien peut-être est-ce cet être gris, mystiquement nommé « le sorcier ». Peut-être même est-ce les deux. Décidez, faites votre choix, de toute façon il semble n’y avoir que peu de lois dans cet univers-là. Oiseaux anthropomorphes et homme au crâne brisé par des monstres divers et variés, il y en a pour tous les goûts, surtout les surréalistes. Mais de façon paradoxale, les plus terre à terre pourront y trouver l’esquisse d’une construction sociale, et déceler cette pression exercée par un groupe déterminé, celui de volatiles bariolés. 

Le sorcier serait donc cet homme placé au centre du tableau, emprisonné dans un costume formel avec col et cravate qui semble condamner tout mouvement. Ses yeux émergeant de ce visage malade et abîmé, nous fuient comme ils fuient la réalité. Mais ce n’est pas ce qui nous empêche de plonger dedans ainsi que dans cet autre réel. Démélis, tel un taureador, nous attire avec ce rouge délavé mais oppressant tout de même, les trouées claires nous permettant simplement de rester dans le songe et de ne pas nous faire basculer vers quelque chose qui pourrait s’apparenter à l’horreur. Le sorcier veut sûrement nous effrayer, mais c’est raté ! Ses bêtes ne sont guère inquiétantes pour nous, ce sont plutôt des monstres de l’ordre de ceux que l’on trouve sous le lit d’un enfant, inoffensifs et à l’existence toute relative. Bien qu’ils causent fissures et trous dans sa pauvre tête, ils finissent plus par la couronner que par l’handicaper, conférant à cet homme un vrai pouvoir, celui d’être différent. Quelques oiseaux arrivent à glisser leur bec dans cet amas monstrueux, l’un d’eux porte même une couronne. Mais, voyez-vous, cet homme emprunt de je ne sais quelle magie résiste, prouve qu’il existe, et comprend qu’il ne peut être roi que dans son propre royaume, alors qu’il ne serait qu’un pion dans cette jungle, ou plutôt basse cour, dans laquelle on souhaite l’attirer. 

N’est-ce pas magnifique ? Démélis nous offre ici une oeuvre vénératrice de l’esprit et de sa force, de cette pensée qui nous est propre. Une pensée remplie de figures forcément imaginaires, habitée par des aliens mais non aliénée. Dans ce monde torturé et ultra-normé, la folie apparente ne serait-elle finalement pas gage de bonne santé mentale ?

Démélis nous pose la question en nous invitant dans un univers à la fois sombre et enfantin, où l’angoisse est reine, mais où l’angoisse est belle. La laideur de l’âme s’annule placée à côté de cette foule dont le polissage et le caractère étriqué finissent par déranger. Finalement, les tourments de l’artiste sont les nôtres, et la salvation est commune.



Annabelle Bourreux

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