lundi 28 mars 2011

La Plate-forme, Dunkerque, Exposition Patrick Saytour et Patrick Dekeyser : entre rencontre, dialogue et création.


Une exposition louable tant pour sa qualité que pour ses motivations. La Plate-forme de Dunkerque est une association créée en 2001 par des étudiants et des enseignants issus de l’école régionale des beaux arts de la ville. Un lieu d’exposition où il fait bon de créer et qui rejoint un ensemble de petites structures dont l’objectif est d’aider de jeunes artistes à débuter. Et aussi et surtout de dynamiser des quartiers excentrés dépourvus de structures culturelles. Financé en partie par des acteurs locaux et régionaux tels que le conseil général ou régional, La Plate-forme soutient par le biais de résidence sept artistes. Tout artiste débutant rêve et espère trouver un lieu où poser ses bagages et créer en toute liberté. C’est ce que permet ce lieu atypique qui organise régulièrement des évènements en partenariat avec des artistes associés locaux mais aussi nationaux. C’est dans ce cadre que la rencontre entre Patrick Saytour et Patrick Dekeyser fut organisée. Un dialogue s’instaure entre les œuvres d’un peintre connu et reconnu à travers le monde, et celles d’un jeune vidéaste et sculpteur plus en marge.

Patrick Saytour né en 1935 à Nice influencé par le mouvement pictural support/surface expose pour la première fois à Dunkerque. Il porte une réflexion sur la peinture sortie de son cadre habituel c'est-à-dire le tableau en s’ouvrant à d’autres influences : le théâtre, le ready-made, le kitsch. Pliages, fragments de filets de pêches et de chutes de contreplaqués sont disposés sur les murs pour se plier aux spécificités du lieu. Ces pliages, découpages, collages, assemblages, recouvrements, mises en boîte, brûlis, modifient et transforment les matériaux les plus divers. Ceux-ci sont souvent de simples objets utilitaires issus du quotidien, tels des chemises en coton grossier, des panoplies pour enfants, des vêtements pour poupée, des tapis de bain aux poils exubérants. Si l’attitude de l’artiste, à la fois ironique et jubilatoire, s’attarde aux qualités sensibles, parfois surprenantes, des matières qu’il utilise, elle s’accompagne également d’une véritable réflexion sur le rôle joué par la couleur dans la composition de l’œuvre d’art.

Ces œuvres viennent se confronter aux portrais décalés réalisés par Patrick Dekeyser originaire de Nancy. Les vidéos permettront au spectateur, dans cet espace qu’est la Plate-Forme divisé en lieu d’exposition et de projection, d’appréhender la mise en abîme de ce « kidnapping vocal » au surgissement inattendu. Il s’approprie et réinterprète le discours d’autrui à travers un vaste travail de réécriture. Il s’empare de ces voix, pour qu’à leur tour elles s’emparent de lui : « Je suis discret, j’ai longtemps été celui qu’on entend jamais. J’ai cherché un moyen de prendre la parole, je l’ai trouvé en prenant la parole des autres. Maintenant on m’écoute… Mais est-ce bien moi qui parle ? » Les personnages ne sont pas présents à l’image mais sont incarnés par les paroles et les objets. Ces « playbacks » constitués à partir de rencontres entre l’artiste et des personnes connues ou issues du commun des mortels entre en résonnance avec les œuvres de Saytour qui se déploient sur les parois de La Plate-forme. Les images figées laissent place aux mots. C’est en utilisant sa mère comme première spectatrice destinataire que Patrick Dekeyser débute et c’est suite à la mort de celle-ci qu’il se dirige vers le portrait. Il constitue en plus de ses vidéos, des vitrines dans lesquels il expose des objets ayant appartenu à une personne, à l’exemple de ce pot de confiture donné par sa mère qu’il perçoit comme une urne funéraire. On retrouve l’influence d’artistes incontournables tels que Christian Boltanski ou Sophie Calle à travers ces vitrines qui mettent en relation un objet et une trace écrite donnant aux souvenirs intimes une dimension universelle.

Une exposition surprenante dans des lieux qu’on aimerait voir se développer encore et encore. L’aspect extérieur du lieu peu attrayant est vite oublié lorsque l’on entre. L’entré libre et gratuite nous permet d’accéder à une exposition où l’accueil est chaleureux. On prend le temps de nous accompagner, de nous expliquer les œuvres, c’est aussi l’occasion pour eux de décrire leurs actions envers la création artistique contemporaine. Les artistes exposés et en résidence sont accessibles. Ainsi dans une époque où être un jeune artiste n’est pas chose facile, la Plate-forme nous rappelle qu’il existe des structures à petit budget qui aident à la création. Comment ne pas vouloir encourager ces lieux atypiques qui ne demandent qu’à se développer ?

Un coup de cœur mérité pour des artistes méconnus et pour un lieu aux motivations des plus respectables.

Kevin Deffrennes AS3

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire