« L’art (comme la magie ou la religion) consiste à imprégner la matière de quelque chose d’indéfinissable. »
Les miroirs ardents d'Archimède http://www.caracascom.com/fr/8911.html |
Véritable magicien de la vidéo, Tony
Oursler n’en est plus à ses premiers coups d’essai. Pour cause, il a réalisé
l’un des clips du chanteur David Bowie. De passage au Grand-Hornu – ayant
notamment accueilli le photographe Christian Boltanski – il se montre tel un
fantasmagore pour son exposition phantasmagoria.
Parcours où le spectateur – participant de l’œuvre – est contraint d’avoir une
réflexion sur son « moi » intérieur, sur ses peurs, sur ses
angoisses ; Oursler nous fait déambuler dans sept salles différentes,
intensifiant au fur et à mesure le sentiment de peur et rendant un peu plus
hommage à celui dont il se considère l’hériter, le fantasmagore Robertson.
« L’œuvre que j’ai réalisée pour l’exposition du MAC’s explore le travail d Robertson, ce qu’il nous a laissé comme héritage et sa continuité dans le monde d’aujourd’hui. »
Tony Ourlser http://en.wikipedia.org/wiki/Tony_Oursler |
Dès mon arrivée, je fus réellement
interrogé par une œuvre ressemblant à une sorte de dissection tout en ayant un
certain côté psychédélique où le spectateur peut laisser libre cours à son
imagination. Il veut nous montrer par là, qu’au-delà de l’œuvre, il désire
disséquer notre intérieur pour faire passer ses idées. Juste après, au fond
d’une salle assez grande et vide, il présente sa « poupée-vidéo » Getaway II (1995). Projection d’un homme
sous un matelas avec en fond sonore sa voix (pour la moins vulgaire) ; il
nous met dans le bain directement de ce qu’est son art. Montrant à la fois un
homme éveillé, se cachant et étant vulgaire, la tension dans la salle est
contrastée avec la présence du matelas, objet du quotidien et en quelque sorte,
objet de l’intime où la personne est censée se reposer. Oursler insiste donc
une nouvelle fois sur le côté intimiste de son exposition.
« C’est comme si vous ouvriez la boîte crânienne de quelqu’un et que vous regardiez ce qui se passe à l’intérieur. »
Getaway II (1995) http://www.rtbf.be/culture/exposition/detail_tony-oursler-phantasmagoria-au-mac-s?id=8138120 |
Juste après, il nous met en confrontation
avec ses différentes micros-installations où le spectateur doit avoir un face à
face réel avec les œuvres pour en voir les détails. Chacune de ces
installations représente une sorte de scénette théâtrale où le phénomène d’« overlooping »,
inspiré des logigrammes, des machines de Rube Goldberg et de l’esthétique
planétaire, nous fait assimiler une multitude d’informations. J’ai vu par là un
réel intérêt pour le cerveau humain, la pensée, le caractère mais ces œuvres
manquaient cependant de quelque chose. Le message qu’il veut faire passer par
là n’est pas forcément vu au premier abord et d’un point de vue esthétique ces
œuvres sont plus de l’ordre de l’imaginaire que de la scénette. J’ai donc aimé
ces micros-installations plus pour le concept que pour elles-mêmes.
Hobo effect (2012) http://arthk.insidetradeshow.com/artists/tony-oursler |
Dans la suite de l’exposition, il va dans
la même continuité mais une certaine lassitude arrive avec ses différentes
œuvres. Entre-temps, il nous présente sur grand écran ce qu’est la
fantasmagorie et le travail de Robertson. Le visiteur peut également prendre
une pause pour lire le livre explicatif de l’œuvre d’Oursler. Un point surement
non voulu que j’ai remarqué mais ayant tout son sens est la longue descente
dans le musée, nous faisant passer d’un étage à un autre, accentuant cet esprit
de déambulation et le fait de descendre encore plus loin dans notre intérieur.
Open obscura (1996 - 2013) http://www.mac-s.be/fr/6/58/Tony-Oursler-Phantasmagoria |
J’arrive dans la salle la plus grande de
l’exposition où cette fois-ci, nous sommes confrontés à l’œil humain. Pour lui,
artiste visuel, l’œil est une sorte de commencement. Une autre tension
s’installe dans cette salle entre les yeux fixe et les yeux en mouvement, nous
suivant presque du regard. Cette installation était réellement intéressante
pour la vision qu’elle avait du monde, de la société et plus particulièrement
de l’ère du visuel. Alors que des yeux sont en mouvement, en vie, sont libres,
d’autres sont fixent, regardant une télévision – dont on peut voir le reflet –
et étant comme hypnotisés par quelque chose de non réel physiquement. Le sentiment
d’angoisse est plus que présent ici car cette œuvre nous permet de voir quelque
chose qui nous concerne tous aujourd’hui. Le point négatif est non pas sur
l’installation mais sur la continuité de l’exposition n’étant pas en cohérence
avec l’œuvre.
« L’œil est le modèle de la caméra et de sa salle de projection. »
Open obscura (1996 - 2013) http://www.flickr.com/photos/trostprugg/6271798520/ |
Dans la dernière réelle salle du MAC’s,
Oursler nous présente une multitude d’œuvre et le spectateur devient encore
plus acteur de l’œuvre. Il dévoile des œuvres portées sur le non visible (IRM) et le visible (les miroirs ardents d’Archimède). Continuant son discours sur la
société du visuel avec notamment jeu-vidéo
ou portraits robots, il malmène notamment
le visage humain, aujourd’hui signe de réussite avec flashed face distortion effect où au contraire la mocheté du visage
est privilégiée. Il continue également son discours sur la peur avec dessins d’enfants ou encore toile d’araignée où un certain sentiment
de piège est présent. La pièce était réellement intéressante pour son contenu
car les éléments présents formaient un tout. On voit ici le désir de faire une
sorte de grande conclusion sur les idées qu’il souhaite véhiculer. Le passage à
la fin de la pièce entre deux visages est pour lui une manière de mettre un
seuil.
« J’ai vu dès le début l’intérêt de mettre le spectateur au défi de créer sa propre image. »
Oeuvres diverses http://ds1.ds.static.rtbf.be/article/image/1248x702/a/e/e/205043c8a88191ee047f0ebf8b605fa7-1384788835.jpg |
La déambulation s’achève dans la crypte où
repose Henri de Gorge, fondateur du lieu. Il souhaite nous faire vivre une
dernière aventure – sorte d’apothéose sur la peur – en nous mettant dans le
noir total avec un simple fond sonore. Œuvre minimaliste, il va à l’essentiel
et de nombreux thèmes tels que la peur, le côté sombre ou la religion sont
présents. En sortant de cette crypte, le déambulateur ressort avec un certain
sentiment, propre à chacun.
« Je jouais avec l’idée du gothique, qui m’intéresse depuis longtemps : la peur, le côté sombre de la culture, les points de rencontre entre religion et divertissement. »
Portraits robots, toile d'araignée, etc. http://blogs.ft.com/photo-diary/tag/tony-oursler/ |
Phantasmagoria est une exposition multi
thème mais qui va pourtant à l’essentiel. Oursler fait déambuler son visiteur,
lui faisant avoir différentes émotions à différents moments et lui faisant vivre
un parcours sur la peur. Cependant, une certaine incohérence entre les salles
est vue au début. L’exposition commence à avoir un réel intérêt dans la salle
contenant open obscura alors que les
autres salles m’ont personnellement lassé. Il faut par contre reconnaitre que
l’artiste a une réelle maitrise de ses outils et que au-delà du parcours aux
frontières de la peur, Tony parvient presque à enlever la frontière entre réel
et irréel. Tony Oursler, au-delà de la simple projection vidéo nous fait ici
une projection de nous-mêmes, de notre « moi » intérieur et de ce que
l’on désire cacher au plus profond. Tony Oursler projette sa vision de
l’humain.
Pour terminer, voici une petite vidéo - de Claude T - présentant bien les oeuvres de l'exposition : https://www.youtube.com/watch?v=vbIvOxDa7kc
ANTOINE DEFONTAINE
(élève en Arts du Spectacle à l'université Catholique de Lille)
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