vendredi 29 avril 2011

K. RUSH: Crash, crush ou rush ?

Discret dans le spectacle vivant, le cinéma est plus que mis à l’honneur par Pál Frenák dans son dernier spectacle. Jusque dans la composition de la chorégraphie, K. Rush (movie-moving) propose un « film vivant » sur la scène de la Rose des Vents à Villeneuve d’Ascq.

Les danseurs, en véritables stars hollywoodiennes, évoluent au fil des séquences qui se suivent à la manière d’un montage filmique. Grâce à l’unique dispositif sous l'imposante Cadillac, Pál Frenák, tel un réalisateur, propose des prises de vues réelles extrêmement variées. Les images projetées sur l’écran permettent à chacun de se référer à sa propre culture cinématographique. L’espace, devenu presque écran à son tour, est servi par les jeux de lumière et les musiques de Gilles Gauvin en parfaite fusion avec la représentation.

Le spectateur est transporté d’un tableau à l’autre, son regard est guidé par les trajectoires des personnages. Pari gagné, le chorégraphe et ses danseurs vertueux ont produit un Film-mouvement avec des acteurs-danseurs, des attitudes-mouvements, une scène-écran. Il va plus loin, la chorégraphie, le décor, les costumes, les interprètes, la musique, les lumières et même l’affiche, tout est entièrement dédié au cinéma. L’écran parait presque superflu, tant le spectacle est marqué d’une empreinte profondément cinématographique. Tous les thèmes chers aux grands noms du cinéma : violence, passion, sexualité qui nous font penser aux univers de cinéastes tels que Quentin Tarantino, Ridley Scott, Bryan De Palma.

Malheureusement, certains clichés du cinéma classique dépassent parfois l’exploration de la confrontation danse-cinéma. Une espèce de « perfection hollywoodienne » flotte du début à la fin : trois hommes, trois femmes, trois générations d’interprètes, un développement narratif tellement classique qu’il en est prévisible. Cependant, qu’on aime ou pas, Pál Frenák nous offre un tel panel d'éléments visuels que le spectateur n'a pas le temps de s'ennuyer.

A l’occasion de la sortie du film de Wim Wenders, « Pina », magnifique hommage à l’une des plus grandes chorégraphes du 20ème siècle, Pina Bausch, Pál Frenák renvoie la pareille au cinéma, sacrifiant presque sa passion au service du rendu filmique. De nombreux artistes illustres ont utilisé merveilleusement la vidéo, Anne-Teresa De Keersmaeker, Merce Cunnigham, Luncida Childs, sans jamais s’immiscer dans le monde du cinéma.

Pál Frenák surprend une fois de plus avec ce nouveau spectacle en s’inspirant d’un univers rempli de préjugés et en les poussant à l’extrême pour créer un nouveau langage, celui de la chorégraphie cinématographique. Pas étonnant pour celui qui cherche « son propre langage » depuis son arrivée en France. De MenNonNo à Intime, en passant par Twins, Pál Frenák a développé une réflexion autour de l’humain, de ses capacités corporelles et mentales.


Barbara TOUMAJAN

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