Érotique. Fantasmatique. Spasmodique. Tels sont les mots qui viennent définir le nouveau spectacle de Pal Frenak. Le chorégraphe d’origine hongroise met à jour ses influences cinématographiques en les mêlant à l’art de la danse. Un voyage virtuel en Cadillac blanche dans la mémoire du cinéma sur fond de vidéos ou d’images créées par Philippe Martini. Le cinéma a marqué et marque des générations depuis plus d’un siècle. Pal Frenak met en évidence cet aspect en évoquant par la danse tout un pan du cinéma. Le spectateur peut à travers chaque mouvement, chaque danse, chaque scène se souvenir de sa propre expérience de cinéphile. Des images mentales font surface. Un jeu s’instaure : chercher les références cinématographiques. On croit alors percevoir une allusion à Thelma et Louise de Ridley Scott lorsque deux jeunes filles prennent place au devant de la Cadillac. Puis à Boulevard de la mort de Quentin Tarantino, à Freddy les griffes de la nuit de Wes Craven, ou à Clint Eastwood. K.Rush affirme cette influence du 7ème art tout en laissant le spectateur s’approprier le spectacle et y voir ce qu’il souhaite. Le philosophe Gille Deleuz l’explique « chacun de nous a plus ou moins le souvenir, l’émotion ou la perception d’un film en mémoire ».
Les danseurs s’approprient le processus cinématographique pour l’adapter à la danse. La voiture se déboite, l’angle change. Ce « montage chorégraphique » fait se succéder des plans courts donnant au spectacle un rythme rapide. Tempéré toute fois par l’apparition du chorégraphe au cours du spectacle venant ainsi se confronter à cette jeunesse exaltée. La danse s’inspire du cinéma. Tout comme le cinéma rend hommage à la danse à travers le film Pina de Wim Wenders. L’œuvre filmique réalisée en 3D appréhende l’espace en lui donnant de la profondeur, engendrant un regard nouveau sur l’art de la chorégraphe allemande. Win Wenders et Pal Frenak entremêlent leurs domaines artistiques pour leurs insuffler une énergie nouvelle. Loie Fuller, célèbre danseuse américaine de la Belle Epoque, dit du cinéma qu’il est un moyen de créer un genre nouveau où le film devient « un conte fait de lumière et d’irréel ».
La danse art du mouvement par excellence se confronte au cinéma et à l’image en mouvement. Ces cinq jeunes danseurs accomplissent une chorégraphie des plus jouissives : violente et érotique par moments, onirique et surprenante à d’autres, soulignée par une bande son électro-acoustique signée Gille Gauvin. Cependant la collision n’est jamais loin. Les bruits de freinage brusque s’ajoutent aux sons de crash successifs que subissent les danseurs. Les racines du chorégraphe se font sentir, né de parents sourds muets, il est aussi intervenu auprès des grands accidentés, d’enfants handicapés et aussi d’autistes. C’est pourquoi l’on est mal alaise quand un jeune essaie en vain de se déplacer en béquille : handicapé il ne sait plus danser. Pal Frenak fait échos au metteur en scène Pippo Delbono qui à travers «Bobò » comédien sourd et muet recruté à l’asile d’aliénés d’Aversa, voit l’art comme « l'unique raison pour être, pour avoir une identité, pour vivre. »
K.Rush est un spectacle intense et brillamment réussi malgré un final plus mitigé. Pal Frenak est un chorégraphe aux multiples influences. Il tisse ici des liens entre le cinéma et la danse, entre l’art et la vie.
« Danse danse … Sinon nous sommes perdus » (Pina Bausch)
Deffrennes Kevin AS3
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