vendredi 5 mars 2010

Magic, plus qu'un simple tour de passe-passe musical

La revue Magic, sous-titrée « pop moderne », est une revue musicale qui s'adresse aux passionnés de musiques actuelles désireux d'en savoir plus ou de se tenir au courant de leur actualité. Publiée depuis 1995 par les éditions Bonne Nouvelle, c'est une revue qui a d'abord été bimensuelle avant d'être ensuite publiée une fois par mois à partir de 1998, un rythme agréable pour pouvoir lire un numéro en entier avant la parution du suivant. Cette revue fait suite au fanzine Magic Mushroom publié de 1991 à 1994 sur Paris, lui aussi à un rythme mensuel.

Si les champignons ont disparu au moment de leur venue sur le marché, le magazine a gardé presque intact l'aspect du fanzine : indépendance, originalité, aspects et formes qui n'ont relativement pas changés, partis pris parfois inattendus, ouverture sur des productions nationales mais aussi, surtout, internationales. Né avec l'avènement de la britpop dans les années 1990, dans un contexte musical qui a besoin de s'exprimer, de parler de lui-même et de ses productions ou de ses influences, Magic, et Magic Mushroom, font écho à la sortie de nombreux autres fanzines et revues, qui traitent de cette musique dite « indépendante et alternative ». Si son sous-titre affiche « pop », c'est sans aucun doute pour faire référence aux musiques populaires, soit à aux musiques actuelles, depuis la naissance du rock. Branché pop-rock, le magazine sait aussi se laisser séduire par le folk, l'électro, le trip-hop ou des formes plus expérimentales. Ainsi il n'est pas en reste pour être un défricheur de talents et participer à l'émergence de nouveaux genres et qualificatifs. Sur un ton sérieux et/ou décalé, mais toujours rigoureux et passionné, Magic prétend être «le seul magazine musical qui n'a pas la langue dans sa poche».

Aujourd'hui disponible en kiosque à 5€ ou par abonnement en France et dans quelques pays d'Europe occidentale, le magazine reste assez abordable au niveau du prix. L'abonnement, lui, se décline de différentes façons avec des formules à l'année, des cadeaux, ou des parrainages. Magic n'est pas entièrement financé par la publicité comme beaucoup d'autres magazine où elle s'étale sur toutes les pages : ici elle est quasiment absente du magazine, ou, s'il y en a, c'est souvent de l'auto-promotion (soirée, abonnement...) ou exclusivement sur la musique (disquaire, festival, sortie d'album). Cela permet de concerner directement le lecteur intéressé par la musique et, surtout, d'avoir des articles clairs, bien agencés, aérés et avec de la place pour des photos de qualité. Magic est dirigé à la rédaction par Christophe Basterra et son équipe se compose de rédacteurs-pigistes qui entretiennent des relations étroites avec le magazine est interviennent de façon régulière ou plus ponctuelle.

Tous participent aux différentes rubriques qui composent le magazine. Elles établissent une sorte de menu gastronomique de la musique. Sont présents l'amuse-gueule et l'entrée, avec l'«ouverture» qui rend hommage à un événement particulier de la musique puis le «rendez-vous» qui met en avant des talents auxquels l'avenir commence à sourire, un blind-test réalisé par un artiste puis revient sur un album oublié. Après vient le temps de l'assiette pleine et qui rassasie du plat de résistance : Magic fait la part belle à des articles profonds et détaillés sur des courants musicaux, des portraits d'artistes ou des interviews puis livre au lecteur nombre de critiques – albums, compilations, rééditions, singles, dvds ou livres musicaux – avec sa rubrique «R.P.M», comprendre « revue pop moderne », du nom de son sous-titre efficace et audacieux. Dernier moment éveillé du repas (avant une sieste bien méritée, pour digérer toutes ces informations ?), le dessert avec la rubrique « Nuits Blanches» se résume bien par cette phrase que le magazine lui assortit «vous n'êtes pas sorti de chez vous depuis des mois, ça ne peut plus durer» : retour sur des concerts, agenda, musiciens qui parlent de leur tournée...

Ainsi Magic ne parle que de musique, sur la musique et autour de la musique, avec une mise en bouche progressive des musiques actuelles grâce à un rythme de lecture confortable et assez habituel. Bien entendu, ceux qui préfèrent se recueillir en silence ou écouter la nature s'abstenir, tout comme ceux qui considèrent les musiques actuelles comme du «bruit». De plus, Magic reste un magazine spécialisé dans la presse musicale, pas forcément très accessible de prime abord, avec des noms qui ne parlent pas à tous. Mais pour découvrir ce qui fera palpiter et frémir vos oreilles avec quelque chose de novateur et de qualité, accrochez-vous, cela vaut la peine : votre esprit ouvert et curieux vous mènera au sommet de l'Olympe musical et, une fois que vous arriverez à faire des liens entre les noms grâce aux références entretenues au fil des lectures, vous serez épatés et heureux de cerner un peu mieux cette grande famille de la musique indé. Autre point fort du magazine, le lecteur n'est pas mené en bateau d'un phénomène musical à un autre : on retrouve les artistes plusieurs fois, voire plusieurs années après leur découverte. Enfin, ce qui sert encore le magazine, c'est de savoir rester modeste malgré tout, sans autre prétention que servir la musique.

Si l'on devait comparer Magic à d'autres magazines, on pourrait commencer par Les Inrockuptibles. Ainsi Magic serait la version mensuelle des Inrocks musicaux des débuts de 1986, pour ses lecteurs qui se plaignent depuis de son éparpillement dans les autres domaines culturels et de son ouverture et de ses partis prix sur des faits de société. Pour autant, les coups de cœur de Magic sont sans doute moins hype parfois, un peu plus inattendus, même si certains restent les mêmes ou si l'on retrouve des noms identiques. On pourrait aussi comparer Magic à d'autres revues culturelles à sous-titres telles que Chronic'art «magazine culturel connecté» ou Tsugi «le magazine défricheur de musiques». Si l'un ne se cantonne pas exclusivement à la musique, il garde les mêmes références et on y trouve souvent les mêmes noms et, si l'autre se présente comme un magazine musical encore plus underground et encore moins sous influence, on y retrouve tout de même encore quelques noms et références communes. Sans oublier dans cette comparaison, peut-être le fantasme du magazine : «je rêve de Pitchfork en français», soit égaler le célèbre site de musique américain.

Voici un magazine musical très complet, ouvert, curieux et attentif. Après ça, plus question de passer pour un ignorant auprès de vos amis quand ils vous proposeront d'aller voir un concert : le nom vous parlera enfin, vous aurez peut-être eu la chance d'écouter un extrait de son album sur son sampler ou aurez été de vous-mêmes écouter ou acheter sa musique après avoir lu un de ses articles passionnés et passionnants.

(Lien vers le site internet de la revue : http://www.magicrpm.com/)

Mathilde Doiezie, AS3

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire