Le nouveau spectacle de Gary Stewart et de sa troupe de danse l’Australian Dance Theatre (ADT), la plus grande de toute l’Australie, s’intitule sobrement « Be yourself ». Be Yourself est divisé en cinq discours, tel théâtre classique et ses cinq actes. Chaque discours est prononcé par une comédienne, et s’articule autour de la notion du « moi ». Cette notion est traversée par des aspects psychologiques, neurologiques, musculaires ou purement factuels comme dans le discours 2 « j’utilise 72 muscles pour parler / Je tousse à 96 kilomètres à l’heure / J’éternue à 160 kilomètres par heure / Je cligne des yeux 6 205 000 fois par an / etc. ». Ces discours sont dits avec une telle rapidité qu’il nous est difficile de suivre ce que cela raconte, mais qu’importe, notre œil reste attentif à l’impressionnante chorégraphie du spectacle. A l’heure où la danse contemporaine se limite dans la question du mouvement, ici il est omniprésent et compose d’ailleurs l’essentiel du spectacle. C’est un mouvement en décomposition, un mouvement aussi bien interne (battements du cœur) qu’externe (expressions faciales, décomposition d’une certaine marche). Un mouvement qui doit se chauffer, comme un moteur, avant de se mettre définitivement en marche vers une quête d’identité. Cette question de l’identité est mise en avant par le corps, qui nous définit chacun physiologiquement, et s’accélère au rythme des discours. C’est un travail par étape, la question du soi commence par le travail du mouvement musculaire (discours 1) et se termine par la perception de soi et de son corps dans le monde qui nous entoure (discours 5) en passant par le stade émotionnel par exemple (discours 3). Des étapes nécessaires à la singularisation de chacun, et du corps de chacun mais qui nous questionne alors : Qui suis-je donc ? De simples muscles ou neurones ? Une entité psychologique ? Un tout ?
Même si le spectacle ne répond pas concrètement à la question du soi, il en fait une recherche et le jeu avec la scénographie, qui constitue la dernière partie du spectacle, en vaut vraiment la chandelle. Il nous montre des membres du corps (bras, jambes, têtes) passés à travers des draps élastiques (sur une plinthe inclinée, constituant le fond de scène) et décomposant encore le mouvement, ou en recomposant une partie du corps (grâce à la projection vidéo de la cage thoracique d’un corps). Ces mouvements gracieux ont une certaine beauté à laquelle on ne peut être insensible.
Le spectacle est donc un enchainement de mouvements spectaculaires qui nécessite bien des capacités, auxquelles Gary Stewart entraine ses danseurs, dans le but d’une maitrise total de son corps : Arts martiaux, gym, danse (classique et contemporaine), improvisation, break dance, et yoga. Cette maitrise leurs permet alors d’inventer un nouveau vocabulaire de la danse et de poser des questions. Ces mouvements sont mis en rythme sur une musique forte et saccadée, accompagnée d’une lumière très blanche, presque aveuglante qui fait de Be Yourself une expérience aussi bien visuelle qu’auditive – qui à mon sens vaut vraiment la peine d’être vécue. Cette expérience peut néanmoins être difficile à supporter pendant 1H10, notamment pour les personnes épileptiques ce qui en fait un spectacle non accessible à tous.
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