Du 18 au 20 janvier 2011 à la Rose des Vents, Villeneuve d'Ascq
Dans une société de plus en plus centrée sur l'apparence, Garry Stewart pose la question primordiale: "qui suis-je?". Mêlant plusieurs disciplines artistiques telles que la danse contemporaine, les arts martiaux, le hip hop, la vidéo ou encore le design architectural, il propose aux interprètes de l'Australian Dance Theater (ADT) Be Your Self en réponse à son interrogation. Mouvements lents, gestes brutaux, envolées rapides, sauts brusques, entrées et sorties incessantes, fragmentation des corps constituent quelques-unes des expérimentations testées sur le corps pendant les 70 minutes de spectacle. Les discours accompagnant ou interrompant les parties chorégraphiées sont récités d'une voix mécanique par une actrice dont les membres semblent raidis voire complètement paralysés. Le spectateur, qui se retrouve à lire des parcelles de traduction sur le programme, comprend difficilement la signification exacte du texte. Le ton et la rapidité du débit de parole lui donne néanmoins une idée claire du sujet : l'humain décrypté, analysé, testé.Dès la première minute de spectacle, l'ambiance est posée - imposée ? : lumière blanche éblouissante, voix à volume élevé, trop élevé peut-être, danseurs aux mouvements robotisés, faisant la démonstration de leurs capacités corporelles. Les bruitages mécaniques synchronisés donnent l'impression de découvrir des coudes rouillés, des cous télécommandés, des yeux automatisés, des jambes électrisées. Durant cette exploration, on rencontre plusieurs corps atypiques : l'un d'entre eux est recouvert de tissu blanc, sans visage, un autre est de dos au public mais donne l'illusion d'y faire face, ou encore d'autres portent des vêtements sur lesquels des parties de corps sont imprimés. Ce travail exclusivement physique, visuel et sonore peut surprendre, surtout pour une réflexion sur un retour à l'essentiel : « sois toi-même » Paradoxe ou une preuve de désespoir ? Pourquoi les danseurs ne montrent-ils par leur fatigue, leur essoufflement, leurs « failles » qui n'en sont plus depuis un certain temps dans le monde de la danse? Une chose est sûre : face à cette première partie de spectacle, véritable performance de la part des danseurs (il faut le souligner), l'audience est plongée dans l'univers qui se construit sous ses yeux. Impossible, donc, de ne pas réfléchir sur le corps, sur son propre corps, sur soi.
Mais Garry Stewart n'en reste pas là. Il surprend avec la suite de son œuvre grâce à la précieuse aide du « cabinet d'architectes visionnaires new-yorkais Diller Scofidio + Renfro »1 pour la scénographie. Un panneau mobile, sobre à première vue, se révèle être très efficace par ses utilisations à la fois simples et ingénieuses. Ce plan permet de fragmenter les corps des danseurs, de les confronter à l'inclinaison, de les mélanger, de les confondre pour mieux en prendre conscience. Les effets visuels étonnants créés par les motifs se dessinant sur la structure inclinée ou les photos qui y sont projetées accompagnent la démarche chorégraphique pour mieux l'appréhender.
Derrière cette démonstration corporelle spectaculaire se cache des recherches très approfondies sur l'identité. « L'élan initial pour Be Your Self provenait d'une série de discussions entre moi, les danseurs et un enseignant bouddhiste Jampa Gendun sur les notions du self et I »2. Le chorégraphe s'est plongé dans la philosophie, la physiologie, la dramaturgie ou encore la neurobiologie3 pour élaborer son projet Be Your Self. Le spectateur est invité à réagir, à participer au projet en répondant à la question « Qu'est-ce qui constitue votre « moi » ? » sur le site www.ausstage.mobi, ce qui paraît être la suite logique des réflexions abordées dans l'œuvre pluridisciplinaire de Garry Stewart.
1 Source : Programme de la Rose des Vents, Saison 2010/2011
2Traduit de l'anglais. Propos de Garry Stewart recueillis sur le site http://www.realtimearts.net/article/94/9637
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