Ce dimanche 18 mars, je retourne voir « Océans » l’exposition visible au Fresnoy, et tente de la redécouvrir. Elle retrace les expéditions d’artistes à travers les eaux du monde. Me demandant si les oeuvres qui m’avaient marqué la première fois me feraient le même effet la deuxième fois. Ou au contraire si d’autres aller attirer mon attention. Les conditions sont complètement différentes entre « seule » face à la possibilité de chaque oeuvre lorsque j’étais venue quelques jours auparavant et maintenant cette salle remplie d’êtres humains, bruyants, parcourant l’espace en mangeant leur brunch.
Cet endroit spacieux me rappelle dans un sens l’immensité de la mer, la traversé pour aller d’un endroit à un autre. Pour aller d’une oeuvre à une autre. Atteindre leur propos semble parfois un trajet plutôt difficile, un voyage en lui même. Chaque artiste a parcouru des kilomètres pour créer et faire naitre son projet. Nous voguons entre eux, parmi eux.
Dans cette ambiance sombre aux reflets bleus tout autour de moi, aux sons particulièrement sourd comme si j’écoutais sous l’eau, aux bruits des bulles, je m’immerge. La première oeuvre, sur laquelle se porte mon attention (et sur laquelle c’était déjà portée mon attention) est « Tomaya Ohboya » de Tue GreenFort. La vie contenue dans cet aquarium me fascine. Toutes les méduses se mouvants à un rythme lent, parcourant le même chemin encore et encore. Un spectacle de toute beauté. Face à elles nous avons pourtant l’impressions qu’elles sont irréelles : des hologrammes. Epoustouflant. Et pourtant, déception, le spectacle s’arrête la. La magie de ma première vision s’est volatilisée. L’impression d’une profondeur dans le discours m’échappe, je remarque juste une volonté d’exposé ces animaux. Un cirque. Les flashs se ruent pour capter leur luminescence et derrière ? L’écran présent à quelques centimètre n’attirent même plus mon attention; même le regard des personnes qui m’entourent ignore ce deuxième élément constituant l’installation. Ce qu’il projette est déjà hors de ma portée. Alors je continue mon chemin, et décide de revoir d’autres oeuvres, celles qui m’ont affecté.
Deuxième escale, « The Nereida Capsule », objet mystérieux, ressemblant à une méduse de bronze ou à une pince. Est-ce là, la simple représentation d’une méduse? Non. Un bruit aigu, agréable nait de cet objet : le son d’un carillon. Celui-ci émet ce son auquel les baleines sont sensibles, il les attire et répond aux chants des baleines. Un véritable objet de communication. Fascinant et terrifiant lorsque l'on sait que cette oeuvre peut devenir arme. Et pourtant, le son m’envoute encore. De nouvelles questions se répandent dans mon esprit. « Quel bruit cela fait-il dans l’eau ? » « Cela fonctionne-t-il vraiment ? » « Pouvons nous décrypter ce qu’elles disent? » « Qu’elle est la place de l’art et de l’artiste dans les avancées scientifiques ? »
Je vogue parmi les oeuvres, me déplace de quelques pas et me retrouve nez à nez avec une danseuse hawaïenne projetée sur grand écran. « Million Dollar Point » de Camille Henrot, alterne spots publicitaires et images filmées de fonds marins. Ces fonds marins sont plus particulièrement des déchets militaires, blindés et autres canons abandonnés après la seconde guerre mondiale par l’armée américaine. Ces femmes présentes semblent de ne pas voir ou ne pas vouloir voir les dégâts de la guerre. Enfermée dans le divertissement, le plaisir éphémère des vacances. Prôner les vacances pour détourner, oublier. J’ai l’impression d’une histoire qui se répète. J’ai envie de crier face à cette oeuvre dénonciatrice, nos deux voix réunies « Ouvrons les yeux sur ce qui nous entoure ! Arrêtez ses mirages que nous vendent les publicitaires, les médias, cette société de consommation, les dirigeants ! »
Ma tension redescend.
Tout d’un coup, le fond sonore change, le bruit des phoques envahit tout l’espace. Comme si tout un troupeau était parmi nous, tout autour de nous. Sommes-nous attaqués ? Déconcertant. Je m’approche d’une des oeuvres qui m’avait le plus marqué la première fois. Me donnant littéralement la nausée par ce monde sans dessus dessous, l’endroit à l’envers que l’artiste Ana Vaz grâce aux caméras placées sur son corps et aux mouvements qu’elle effectue dans l’eau, nous montre. C’est une installation où deux vidéos sont présentées l’une à côté de l’autre amplifiant se sentiment de mal de mer. Un mur de sensation se dresse devant nous. Impossible d’y échapper, comme le Titanic face à cet iceberg. Comme si le sol n’était plus sous mes pieds. Je dois partir la première fois pour ne plus sentir mon corps réagir face à ces images. Pourtant lorsque j’y retourne je ne ressens plus rien, la foule autour de moi me distrait, le bruit des phoques me perturbe et je me dis qu’il ne s’agissait que d’une expérience de l’instant présent. Un peu comme chacun des artistes qui, embarqués sur ces bateaux ont parcouru les océans à la recherche d’une unique expérience hors du commun. A leur manière, ils m’ont transmis un bout de leur aventure, l’essence même de faire un voyage.
Les quatre premières oeuvres que je viens de vous présenter ne sont que l’amorce de nombreuses oeuvres évoquant à leur manière l’océan (espace de voyages, de rencontres, d’un territoire au temps suspendu). Les divers dessins, installations sonores, vidéos, photographies et objets ramenés par chacun des artistes nous permettent de voyager dans différents pays. De découvrir différentes cultures comme eux l’ont fait. L’espace d’exposition devient un globe où notre sensibilité, notre esprit est frappé de découvertes. Chacun peut trouver au moins une oeuvre qui lui parle : écologie, problèmes de notre société, représentation de la mer, animaux, civilisations, cultures. Ils nous transmettent une vision du monde qui nous entoure, que nous traversons tant par les destinations où nous choisissons d’aller que par notre simple passage sur terre.
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