lundi 16 avril 2018

Creation of God, Harmonia Rosales


 Creation of God, Harmonia Rosales, 2017


Il y a cinq-cents ans, Michel-Ange peignait la Création d’Adam sur le plafond de la Chapelle Sixtine. Devenue un symbole de la Renaissance italienne et de la peinture classique, où les corps – aussi divins soient-ils – sont lissés et sublimés à la manière des récits bibliques, l’œuvre est aujourd’hui culte aux yeux du monde entier.
Harmonia Rosales, artiste américaine afro-cubaine d’une trentaine d’années, choisi de reprendre cette œuvre connue de tous pour renverser les codes sociaux appliqués à l’art pendant des centaines d’années.
Si la reproduction de l’œuvre de Michel-Ange est tout à fait impressionnante, c’est le thème qui est primordial ici. Rosales met à l’honneur les éternelles oubliées – ou si peu et mal représentées – de l’art : elle remplace tous les personnages, y compris Dieu et Adam, par des femmes noires. Elles sont dans les exactes mêmes positions, au même nombre que l’œuvre originale. L’œuvre surprend certainement au premier abord ; c’est sa symbolique qui lui donne sa force.
L’artiste renverse les codes de la peinture classique devenue plus qu’un classique dans la culture européenne. L’œuvre cherche-t-elle à déranger la culture qu’elle vise ? Ou bien veut-elle simplement mettre en avant les femmes noires ? Il s’agit probablement de l’un comme de l’autre.
Rendre à César ce qui est à César : l’œuvre de Michel-Ange met en scène la création du premier homme. Seulement, les premiers hommes n’étaient pas blancs de peau puisqu’ils venaient – science à l’appui – d’Afrique, mais la vie, certes accordée aux premiers Hommes par Dieu, est donnée par les femmes. Si la Genèse raconte que l’homme fut créé avant la femme, le décor qu’a posé Michel-Ange renvoie à la naissance et à l’anatomie féminine : on peut considérer l’endroit où est situé Dieu comme une sorte de cerveau, mais également comme un utérus, ce qui peut être confirmé par le foulard qui en sort, qui peut être considéré comme un cordon ombilical.
Ne déformons pas le propos : l’œuvre ne prétend pas affirmer que Dieu soit une femme. Toutefois, elle pose cette question : pourquoi Dieu serait-il un homme ? Il a créé l’homme (ou l’Homme ?) à son image, mais si Dieu était une femme, elle aurait certainement créé une femme et non homme ? Le titre aussi est ironique car il désigne de la création de Dieu, parfois désignée en anglais par « God herself », c’est-à-dire « Dieu elle-même ». Ainsi, si Dieu avait réellement créé l’Homme à son image, le premier Homme aurait été une femme noire de peau.
Harmonia Rosales frappe de plein fouet un monde de l’art dominé par les hommes caucasiens où la femme et l’étranger n’ont pas – ou trop peu - leur place. Le choix d’une œuvre religieuse est d’autant plus frappant qu’il critique une religion qui a omis les minorités (si l’on peut encore considérer que les minorités que sont les populations non-blanches et les femmes qui représentent bien plus que la moitié de la population mondiale) au profit de ceux qu’on voulait bien idéaliser.
Rosales met en perspective un monde de l’art exclusif en mettant en valeur les éternelles oubliées. Il ne s’agit pas uniquement de cette œuvre en particulier mais bien d’une série entière de parodies d’œuvres intitulée B.I.T.C.H (Black Imaginary To Counter Hegemony), mettant en lumière des personnages féminins noirs, qui, au fond, sont à l’origine de toute chose.

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