Creation of God,
Harmonia Rosales, 2017
Il y a
cinq-cents ans, Michel-Ange peignait la Création
d’Adam sur le plafond de la Chapelle Sixtine. Devenue un symbole de la
Renaissance italienne et de la peinture classique, où les corps – aussi divins
soient-ils – sont lissés et sublimés à la manière des récits bibliques, l’œuvre
est aujourd’hui culte aux yeux du monde entier.
Harmonia
Rosales, artiste américaine afro-cubaine d’une trentaine d’années, choisi de
reprendre cette œuvre connue de tous pour renverser les codes sociaux appliqués
à l’art pendant des centaines d’années.
Si la
reproduction de l’œuvre de Michel-Ange est tout à fait impressionnante, c’est
le thème qui est primordial ici. Rosales met à l’honneur les éternelles
oubliées – ou si peu et mal représentées – de l’art : elle remplace tous
les personnages, y compris Dieu et Adam, par des femmes noires. Elles sont dans
les exactes mêmes positions, au même nombre que l’œuvre originale. L’œuvre
surprend certainement au premier abord ; c’est sa symbolique qui lui donne
sa force.
L’artiste
renverse les codes de la peinture classique devenue plus qu’un classique dans
la culture européenne. L’œuvre cherche-t-elle à déranger la culture qu’elle
vise ? Ou bien veut-elle simplement mettre en avant les femmes
noires ? Il s’agit probablement de l’un comme de l’autre.
Rendre à César
ce qui est à César : l’œuvre de Michel-Ange met en scène la création du
premier homme. Seulement, les premiers hommes n’étaient pas blancs de peau
puisqu’ils venaient – science à l’appui – d’Afrique, mais la vie, certes
accordée aux premiers Hommes par Dieu, est donnée par les femmes. Si la Genèse
raconte que l’homme fut créé avant la femme, le décor qu’a posé Michel-Ange
renvoie à la naissance et à l’anatomie féminine : on peut considérer
l’endroit où est situé Dieu comme une sorte de cerveau, mais également comme un
utérus, ce qui peut être confirmé par le foulard qui en sort, qui peut être
considéré comme un cordon ombilical.
Ne déformons pas
le propos : l’œuvre ne prétend pas affirmer que Dieu soit une femme.
Toutefois, elle pose cette question : pourquoi Dieu serait-il un
homme ? Il a créé l’homme (ou l’Homme ?) à son image, mais si Dieu
était une femme, elle aurait certainement créé une femme et non homme ? Le
titre aussi est ironique car il désigne de la création de Dieu, parfois
désignée en anglais par « God herself », c’est-à-dire « Dieu
elle-même ». Ainsi, si Dieu avait réellement créé l’Homme à son image, le
premier Homme aurait été une femme noire de peau.
Harmonia Rosales
frappe de plein fouet un monde de l’art dominé par les hommes caucasiens où la
femme et l’étranger n’ont pas – ou trop peu - leur place. Le choix d’une œuvre
religieuse est d’autant plus frappant qu’il critique une religion qui a omis
les minorités (si l’on peut encore considérer que les minorités que sont les
populations non-blanches et les femmes qui représentent bien plus que la moitié
de la population mondiale) au profit de ceux qu’on voulait bien idéaliser.
Rosales met en
perspective un monde de l’art exclusif en mettant en valeur les éternelles
oubliées. Il ne s’agit pas uniquement de cette œuvre en particulier mais bien
d’une série entière de parodies d’œuvres intitulée B.I.T.C.H (Black Imaginary To
Counter Hegemony), mettant en lumière des personnages féminins noirs, qui,
au fond, sont à l’origine de toute chose.
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