Sous une atmosphère puissante de mysticisme et de magie, des sensations procurées par la musique de Bernard Foccroulle et l’odeur persistante des fleurs, nous entrons, dès les premières minutes – et dans le noir - dans une autre dimension. Une dimension où les fleurs ont le pouvoir d’évoquer les choses les plus brutales, des fleurs qui, au delà de leur beauté visible, peuvent devenir de véritables armes.
La danseuse est une autre Blanche Neige, allongée sur un cercueil gravé de sa date de naissance - un autel ou un lit mortuaire peut être - qui revit, non grâce au pouvoir d’un baiser princier, mais sous la chaleur d’un rayon de lumière. Elle éclot. Jan Fabre utilise ici, sans équivoque, ce paradoxe dont les fleurs sont porteuses. Celles qu’on offre à un anniversaire, pour prouver son amour, à la future maman pour fêter la vie. Ou sur les tombes que l’on visite à la Toussaint, en y déposant les fleurs pour affirmer ou rappeler encore et toujours la précarité de la vie. Ces fleurs qui vont évoluer, faner et dont le prétendu « recueil » n’est qu’un prétexte pour venir changer les pots de fleurs fanées. Les fleurs utilisées par le metteur en scène sont le mal. Autant de couronne mortuaire, que de fouets ou de jouets érotiques ; de sentiments forts et brutaux que sont capables d’interpréter les fleurs de Jan Fabre. La danseuse passe de la vie à trépas le temps d’un spectacle, foule les fleurs qui parsèment le sol, se blesse, lutte, courre, joue,… Elle vie ! Ces symboles éphémères sont autant de synonymes à la douleur ressentie par le personnage qu’à son bonheur. Ce spectacle vous bouleverse. Oui. Pour ceux qui y sont sensibles, malgré la lassitude – ou grâce à celle-ci - il vous fera réfléchir sur la précarité de votre vie. La lumière s’éteint, les spectateurs sont plongés une seconde fois dans le noir complet. Nous parlions de « recueil », il est évidemment question de ceci dans ces moments étranges de tensions soupesés par la musique et l’obscurité. Il faut fermer les yeux, respirer profondément et se laisser bercer. Puis le rideau s’ouvre à une vision mystique, sensuelle et morbide : la danseuse enfermée dans son propre cercueil, en tenue d’Eve. Le tableau et la mise en scène sont un régal pour les yeux. A l’intérieur de cette cage transparente, Eve semble étrangement sereine, apaisée. Autour d’elle, de seconds symboles éphémères bleutés volent et tentent de s’échapper de cette prison. Ce sont des papillons. Son âme veut s’échapper, s’extraire de son corps tandis qu’elle dessine grossièrement sur la paroi du cercueil, face au public, et grâce à la condensation de l’air, les attributs des deux sexes. Ainsi, dans un même lieu, très étroit, se confrontent alors l’amour, la mort et la vie.
Jan Fabre, dans ce spectacle, utilise un humour noir et subtil. Son spectacle est morbide, certes. Mais la mise en scène est aguicheuse, sensuelle et permet de redorer l’image de l’Ange de la Mort. L’accoutumé revenant n’est plus cette créature horrible, décrépite, vêtue d’une longue cape noire et armée d’une faux dangereuse et aiguisée. Non. Pour le spectacle de Jan Fabre, Eros et Thanatos - les dieux de l’amour et de la mort - se sont unis. L’Ange de la mort est un être sensuel et dangereux, qui tient dans ses mains un bouquet mortel de fleurs colorées qu’il déposera sur votre tombe.
Bonjour,
RépondreSupprimerTrès intéressés par votre critique, nous avons publié cet article sur le site internet du T2G (où le spectacle est joué du 30 nov au 2 décembre 2012).
http://www.theatre2gennevilliers.com/2012-13/fr/programme/502-preparatio-mortis-jan-fabre
Bien à vous,
Juliette Col
juliettecol@tgcdn.com
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