vendredi 25 février 2011

à la recherche de son "self"

Le nouveau spectacle de Gary Stewart et de sa troupe de danse l’Australian Dance Theatre (ADT), la plus grande de toute l’Australie, s’intitule sobrement « Be yourself ». Il est divisé en cinq discours, tel le théâtre classique et ses cinq actes. Chacun d’entre eux est prononcé par une comédienne, et s’articule autour de la notion du « moi ». Celle-ci est traversée par des aspects psychologiques, neurologiques, musculaires ou purement factuels comme dans le discours 2 « j’utilise 72 muscles pour parler / Je tousse à 96 kilomètres à l’heure / J’éternue à 160 kilomètres par heure / Je cligne des yeux 6 205 000 fois par an / etc. ». Ces discours sont dits avec une telle rapidité qu’il nous est difficile de suivre ce que cela raconte, d’autant que lire une feuille de traduction pendant un spectacle n’est pas chose facile. Mais au final qu’importe, notre œil reste très attentif à l’impressionnante chorégraphie du spectacle. A l’heure où la danse contemporaine se limite dans la question du mouvement et utilise de plus en plus des procédés tels que la vidéo ou le théâtre (comme dans le spectacle Entracte de Josef Nadj où le mouvement de danse est peu présent alors que le geste mimé l’est), Be Yourself se centre surtout sur cette question. C’est un mouvement en décomposition qu’on nous montre, aussi bien interne (battements du cœur) qu’externe (expressions faciales, décomposition d’une certaine marche). Un mouvement qui doit se chauffer, comme un moteur, avant de se mettre définitivement en marche vers une quête d’identité. Cette question de l’identité est mise en avant par le corps, qui nous définit chacun physiologiquement, et s’accélère au rythme des discours. Il faut alors procéder par étape : la question du soi commence par le travail du mouvement musculaire (discours 1) et se termine par la perception de soi et de son corps dans le monde qui nous entoure (discours 5) en passant par le stade émotionnel par exemple (discours 3). C’est un travail nécessaire à la singularisation de chacun, et du corps de chacun mais qui nous questionne alors : Qui suis-je donc ? De simples muscles ou neurones ? Une entité psychologique ? Un corps ?
Même si le spectacle ne répond pas concrètement à la question du soi, il en fait une recherche et le jeu avec la scénographie, qui constitue la dernière partie du spectacle, en vaut vraiment la chandelle. Il nous montre des membres du corps (bras, jambes, têtes) passés à travers des draps élastiques (sur une plinthe inclinée, constituant le fond de scène) décomposant le mouvement, ou recomposant une partie du corps (grâce à la projection vidéo de la cage thoracique d’un corps par exemple). Ces mouvements des corps gracieux ont une certaine beauté à laquelle on ne peut être insensible.
Le spectacle est donc un enchainement spectaculaire qui nécessite bien des capacités, auxquelles Gary Stewart entraine ses danseurs, dans le but d’une maitrise total de son corps : Arts martiaux, gym, danse (classique et contemporaine), improvisation, break dance, et yoga. Cette maitrise leurs permet alors d’inventer un nouveau vocabulaire de la danse et de poser des questions. Cette quête d’identité est mise en rythme sur une musique forte et saccadée, accompagnée d’une lumière très blanche, presque aveuglante qui fait de Be Yourself une expérience aussi bien visuelle qu’auditive – et qui à mon sens vaut la peine d’être vécue. Ce spectacle peut néanmoins être difficile à supporter pendant 1H10, notamment pour les personnes épileptiques ce qui limite son accessibilité à un plus large public.

Sara Dufossé
AS3

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