Ces véhicules parfaits
portent parfaitement leur nom. Outre la question sur nos rapports aux
objets que soulèvent ces grands vases de taille humaine – dont la
production et la reproduction s'inscrivent dans un monde dominé par
les objets –, outre cette question qui nous interroge sur les
rapports d'échelles bouleversés de nos sociétés contemporaines,
Allan McCollum pose le problème de notre condition.
Perfect Vehicles, Allan McCollum (1988) |
Au premier regard, je
trouve cette œuvre surprenante. Ces vases dominent l'espace par leur
nombre, leur taille, leurs couleurs. On se sent séduit, intrigué.
La démarche de l'artiste s'inscrit réellement dans un contexte de
production de masse, en série, mais ce n'est pas essentiellement une
démarche industrielle.
Au second regard, je
trouve cette œuvre plus surprenante encore. Sa seule fonction n'est
pas décorative. Malgré leur posture, leur style esthétiquement
séduisant, ces vases monumentaux sont avant tout étranges, très
étranges. Oui, décidément, derrière – ou plutôt dedans –
leur aspect charmeur se cache une réelle profondeur, ou, plus
exactement, contenance. Oui, car l'artiste n'a pas choisi de produire
un objet anodin ! Ces vases, trônant fièrement devant nous
comme des statues héroïques, ne sont pas sans nous évoquer
d'autres vases qui, eux, ont traversé les siècles : les
canopes égyptiens, amphores, canthares et cratères grecs. Ces vases
sont les vestiges de civilisations antiques éteintes, les ruines
d'autres temps.
Mi industriels, mi
artistiques, les véhicules parfaits transportent un discours ambigu
sur la condition humaine. Un vase peut être la figure de la vie,
s'il est rempli d'eau, ou celle de la mort, dans la fonction d'urne
funéraire. Que contiennent ces vases ? De l'eau, des cendres ?
Ils se posent devant nous comme des miroirs, et nous, spectateurs
contemplatifs, que contenons-nous ?
Ces véhicules parfaits
portent parfaitement leur nom. Ils sont témoins d'une époque et
porteurs d'un message intemporel et décryptable. Ils sont véhicules
du temps, de ce que nous sommes et ce que nous avons été.
Nicolas RUFFIN, AS1.
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