C R I T I Q U E
"Le Repas Dominical" de Céline Devaux
« Le Repas Dominical » est un court-métrage de Céline Devaux, sorti en 2015. Nous avons pu le visionner dans le cadre de la soirée « Politiquement incorrect » qui se tenait à l’Hybride en ce début d’année, en compagnie de certains d’entres vous rappelez-vous en. Il a notamment été primé aux Césars 2016 pour le meilleur court-métrage d’animation et depuis peu, sélectionné en compétition officielle pour le prochain Festival de Cannes.
Céline Devaux, déjà connu pour son court-métrage «Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine », a très bien su réutiliser son cinéma d’animation et contourner le « politiquement correct » à l’aide d’une bonne mise en scène des différents stéréotypes et clichés. « Le Repas Dominical », c’est l’histoire de Jean qui va chez ses parents pour le repas de famille du dimanche. Tout simplement. Des thèmes très clichés de notre vie monotone sont ainsi exploités de manière à chargée l’oeuvre de symboles et de références à notre quotidien à tous. C’est d’ailleurs ce qui fait de son travail, un travail assez humoristique. Cette touche d’humour est largement appuyée par la voix-off, merveilleusement interprétée par la voix de Vincent Macaigne, qui alterne lenteur et désespoir avec loufoquerie et extase . Tout ça, accompagné par une superbe musique, super folle signée Flavien Berger qui s’amuse avec les rythmes, et donne un coté très saccadé à ce film court, avec des moments calmes et des moments de totales folies. Ces folies qui éclatent à l’écran, par ci, par là, nous font sourire et nous rappelle une certaine décadence, celle des repas du dimanche, que nous connaissons tous.
Ce court-métrage, est un touche à tout. On nous parle de politique comme de l’homosexualité (car oui, Jean, en plus de s’ennuyer au repas, est gay et victime de questions gênantes liées à son orientation sexuelle, avec par exemple la grande question du « tu es encore avec ton ami ? »). La vie étudiante y est aussi évoquée comme tout aussi bien la famille, la société ou encore le sexe. Tous les sujets exposés à un repas de famille, réunis dans un court métrage de 15min.
On peut d’ailleurs y voir une critique, une critique de la société, des semblants et des faux semblants (on peut citer l’alcoolisme mondain du père), mais aussi et surtout, une critique de la vie ordinaire que l’on peut avoir. Très particulièrement en France d’ailleurs. Nous, français, ne cessant pas de critiquer, de dénigrer notre propre vie, de l’ennuie qu’elle peut nous procurer et en même temps on ferait rien pour la changer. C’est notre façon à nous de montrer que nous sommes attachés aux habitudes et à la banalité des choses. Céline Devaux expose ici des stéréotypes certes, mais des stéréotypes valables : le père qui ne dit jamais rien, la mère totalement délurée qui ne cesse d’être nostalgique de sa jeunesse et qui n’a aucun gêne pour parler de sexe avec son fils qui plus est à table, il y a aussi les deux tantes insupportables qui ne peuvent pas s’empêcher de poser des questions totalement indiscrètes afin de tout savoir sur tout et puis la grand-mère qui ne bouge plus, qui ne dit plus rien (critique de la vie et de la mort plus généralement…).
On peut complètement s’identifier à ce film, à ce genre de repas qu’est entrain de vivre Jean. Le travail et les dessins de Céline Devaux sont simples et efficaces, avec une délicatesse ressentie dans les dessins et un manque de finesse , presque une maladresse dans la façon de dire les choses : Vincent Macaigne parle comme il pense, sans retenue.
Les points forts du film (voix-off, musique, multiplicité des sujets, banalité des situations) peuvent aussi se confondre en points faibles : la voix plaît ou ne plaît pas, il en est de même pour le rythme saccadé (entre monotonie et frénésie délirante) et le manque d’originalité que l’on pourrait prêter au scénario.
Néanmoins, nous avons vraiment appréciés ce court-métrage qui est à la fois drôle et pertinent tout en étant réaliste. On se sent vraiment proche du "mec" qui nous parle et qui nous raconte l’histoire de Jean, le spectateur se sent du coup beaucoup plus impliqué et concerné bien qu’il s’agisse d’un film court (qui généralement sont ignorés au profit des longs-métrages).
Clara Hendrick x Quentin Lagrost
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