Suite illégitime de Cloverfield sorti il y a de ça 8 ans, 10
Cloverfield Lane se pose comme LE thriller de ce d’année. Pourquoi ?
Projet
aux multiples visages portant initialement le nom de The Cellar, peu d’informations nous sont livrées concernant ce
nouvel opus estampillé J. J.
Abrams. Tenu secret jusqu’à sa sortie (comme pour son ainé), seul la bande
annonce — terriblement efficace d’ailleurs — nous arrive tardivement et soulève
déjà de nombreuses questions, aussi bien pour les fans du premier volet que
pour les simples néophytes.
Film à gros budget, notre première impression serait de penser
qu’il vise à rapporter exit l’originalité… Mais c’est en cela que 10
Cloverfield Lane intrigue : à la fois profond et divertissant, il
parvient à happer l’attention du spectateur, à lui faire ressentir des émotions
en phases avec les personnages mais surtout à suspendre le temps tant les
rebondissements surviennent et surprennent. Huis-clos permanent, ce que n’avait
pas fait Les Huit Salopards de Quentin Tarantino, 10 Cloverfield Lane
le fait sous le meilleur des aspects. Le film nous enferme, en même temps que
ses acteurs, pendant une heure et quarante-trois minutes de tension. L’histoire
principale parait pourtant simple : croire ou non à ce que raconte un inconnu
qui vous enferme dans un bunker, soi-disant pour votre bien. Le hic avec
cette dernière est que notre jugement, ainsi que celui des héros est tantôt
réconforté, tantôt réfuté, puis de nouveau mis à la page mais finalement
balayée. C’est en cela la grande force de ce film ; Nous faire constamment
douter par des indices mais aussi des preuves, de la véracité de l’histoire.
L’action se déroulant dans un laps de temps continu participe à cette
immersion, si essentielle à tout récit de suspense.
Si nous laissons sensations et
émotions de côté, 10 Cloverfield Lane est un film très bien construit.
Plutôt habitué aux « petites » productions, telles des publicités
pour Nike, Coca-Cola ou encore Lexus, Dan Trachtenberg réalise ici son premier
long-métrage remarquable.
Les
images sont belles et très travaillées (à la manière d’Abrams). La majorité
des plans sont plus longs que la moyenne actuelle — 2-3 secondes — ce qui
permet une familiarisation des lieux et une clairvoyance des actions : tout
nous est montré. À nous de comprendre. Les décors en nombre réduit participent
aussi à l’immersion dans ce monde : les espaces soignés et hyper-stylisés
concourent directement à rendre compte de l’atmosphère si particulière du film,
par une palette chromatique à la fois froide (bleu, gris), reposante/familière
(vert, marron) et rassurante (rose, jaune pâle).
La
bande sonore est bien sûr efficace : musiques d’ambiances inquiétantes, bruits
réalistes et sur-amplifiés. à
noter la présence de quelques musiques pop enjouées, parfait contrepoint à
l’angoisse « du fond du puits » ressentie du début à la fin. Fort de
tous ces éléments de mise en scène pertinents, l’histoire peut paisiblement se
développer au fil des minutes. Captivante, l’intrigue mue progressivement, multipliant
les rebondissements. 10 Cloverfield Lane raconte plusieurs histoires en
même temps, au sein du même espace et ce, de manière subtile. Elles se suivent,
se rattrapent, se recoupent afin de perdre le spectateur, à l’image des héros.
Les personnages quant à eux sont réduits au nombre de trois principaux,
visibles en permanence à l’écran, en plan rapproché, étroitesse de la situation
oblige.
L’interprétation
est d’ailleurs une des clés essentielles de l’histoire : Mary Elizabeth
Winstead (Michelle) incarne une superbe héroïne combattive et
débrouillarde en quête d’émancipation. Face à elle, le gargantuesque John Goodman (Howard) nous campe un
marginal au caractère schizophrénique, capable de nous inspirer tout autant la
crainte que la confiance. Enfin John Gallagher (Emmett DeWitt) occupe la place
du protecteur qui amène la part d’humour et de simplicité nécessaire à la mise
en place de ce trio complémentaire.
10
Cloverfield Lane est un
excellent thriller qui assied une atmosphère angoissante et maintient une
tension permanente. Premier « blockbuster » réussi pour Dan
Trachtenberg qui nous offre
une œuvre joliment construite et bien pensée. La fin, aux accents beaucoup plus
science-fiction laisse présager une suite, mais comment en être sur ? Avec
un J. J. Abrams, discrètement mais continuellement aux commandes tout peut
arriver. La prochaine fois, aurons-nous un film de science-fiction tirant vers
l’humour auto-dérisoire ou vers la plus intrigante des frayeurs ? Mystère...
Victor - Hugo
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