mercredi 6 avril 2016

10 Cloverfield Lane : le huis-clos qui sort de son trou ?



Suite illégitime de Cloverfield sorti il y a de ça 8 ans, 10 Cloverfield Lane se pose comme LE thriller de ce d’année. Pourquoi ?
Projet aux multiples visages portant initialement le nom de The Cellar, peu d’informations nous sont livrées concernant ce nouvel opus estampillé J. J. Abrams. Tenu secret jusqu’à sa sortie (comme pour son ainé), seul la bande annonce — terriblement efficace d’ailleurs — nous arrive tardivement et soulève déjà de nombreuses questions, aussi bien pour les fans du premier volet que pour les simples néophytes.


Film à gros budget, notre première impression serait de penser qu’il vise à rapporter exit l’originalité… Mais c’est en cela que 10 Cloverfield Lane intrigue : à la fois profond et divertissant, il parvient à happer l’attention du spectateur, à lui faire ressentir des émotions en phases avec les personnages mais surtout à suspendre le temps tant les rebondissements surviennent et surprennent. Huis-clos permanent, ce que n’avait pas fait Les Huit Salopards de Quentin Tarantino, 10 Cloverfield Lane le fait sous le meilleur des aspects. Le film nous enferme, en même temps que ses acteurs, pendant une heure et quarante-trois minutes de tension. L’histoire principale parait pourtant simple : croire ou non à ce que raconte un inconnu qui vous enferme dans un bunker, soi-disant pour votre bien. Le hic avec cette dernière est que notre jugement, ainsi que celui des héros est tantôt réconforté, tantôt réfuté, puis de nouveau mis à la page mais finalement balayée. C’est en cela la grande force de ce film ; Nous faire constamment douter par des indices mais aussi des preuves, de la véracité de l’histoire. L’action se déroulant dans un laps de temps continu participe à cette immersion, si essentielle à tout récit de suspense.



Si nous laissons sensations et émotions de côté, 10 Cloverfield Lane est un film très bien construit. Plutôt habitué aux « petites » productions, telles des publicités pour Nike, Coca-Cola ou encore Lexus, Dan Trachtenberg réalise ici son premier long-métrage remarquable.
Les images sont belles et très travaillées (à la manière d’Abrams). La majorité des plans sont plus longs que la moyenne actuelle — 2-3 secondes — ce qui permet une familiarisation des lieux et une clairvoyance des actions : tout nous est montré. À nous de comprendre. Les décors en nombre réduit participent aussi à l’immersion dans ce monde : les espaces soignés et hyper-stylisés concourent directement à rendre compte de l’atmosphère si particulière du film, par une palette chromatique à la fois froide (bleu, gris), reposante/familière (vert, marron) et rassurante (rose, jaune pâle).

La bande sonore est bien sûr efficace : musiques d’ambiances inquiétantes, bruits réalistes et sur-amplifiés. à noter la présence de quelques musiques pop enjouées, parfait contrepoint à l’angoisse « du fond du puits » ressentie du début à la fin. Fort de tous ces éléments de mise en scène pertinents, l’histoire peut paisiblement se développer au fil des minutes. Captivante, l’intrigue mue progressivement, multipliant les rebondissements. 10 Cloverfield Lane raconte plusieurs histoires en même temps, au sein du même espace et ce, de manière subtile. Elles se suivent, se rattrapent, se recoupent afin de perdre le spectateur, à l’image des héros. Les personnages quant à eux sont réduits au nombre de trois principaux, visibles en permanence à l’écran, en plan rapproché, étroitesse de la situation oblige.
L’interprétation est d’ailleurs une des clés essentielles de l’histoire : Mary Elizabeth Winstead (Michelle) incarne une superbe héroïne combattive et débrouillarde en quête d’émancipation. Face à elle, le gargantuesque John Goodman (Howard) nous campe un marginal au caractère schizophrénique, capable de nous inspirer tout autant la crainte que la confiance. Enfin John Gallagher (Emmett DeWitt) occupe la place du protecteur qui amène la part d’humour et de simplicité nécessaire à la mise en place de ce trio complémentaire.



10 Cloverfield Lane est un excellent thriller qui assied une atmosphère angoissante et maintient une tension permanente. Premier « blockbuster » réussi pour Dan Trachtenberg qui nous offre une œuvre joliment construite et bien pensée. La fin, aux accents beaucoup plus science-fiction laisse présager une suite, mais comment en être sur ? Avec un J. J. Abrams, discrètement mais continuellement aux commandes tout peut arriver. La prochaine fois, aurons-nous un film de science-fiction tirant vers l’humour auto-dérisoire ou vers la plus intrigante des frayeurs ? Mystère...

Victor - Hugo

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